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L’année 2016 aura été marquée par un événement exceptionnel pour la profession avec la création des premières Assises du funéraire organisées par la CSNAF (Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire) à Paris le 3 octobre dernier. Cette première édition, qui se déroulait dans l’enceinte du Sénat, avait pour thème : "Mieux accompagner le deuil : un enjeu majeur de notre société".

 

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Aubin de Magnienville.

En préambule des Assises, Aubin de Magnienville, nouveau président de la CSNAF, rappelait de manière concise les principales missions et le rôle de la Chambre syndicale, qui regroupe les industriels spécialisés dans les arts funéraires. C’était ainsi l’occasion de mettre en avant quelques objectifs fondamentaux, comme la valorisation des savoir-faire de ses adhérents, sa vocation à mener régulièrement une analyse économique du secteur (via le Crédoc) et à développer un outil de veille économique, la réalisation d’études afin d’être toujours pertinent face aux attentes et aux demandes des Français en matière d’art funéraire, et l’organisation d’ateliers d’échanges d’expériences pour suivre et partager les évolutions "métier".

Suivait l’intervention de Marc Manzini, président honoraire de la Chambre, retraçant la genèse d’un projet mûrement réfléchi, inspiré par ses convictions de militant. Il exposa les buts initiaux espérés : nourrir de nouvelles réflexions pour les métiers de la santé et du funéraire, influencer la formation pour les nouvelles pratiques de demain, anticiper les évolutions du secteur, et donner une image plus positive des pompes funèbres.

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Anne-Dauphine Julliand. Tanguy Châtel.

Les Français et le deuil

Puis vint l’un des moments forts de l’après-midi avec la présentation de l’étude réalisée par le Crédoc à la demande de la CSNAF. Plus précisément, il s’agit d’une enquête quantitative et qualitative visant à connaître la relation, sous différents aspects, des Français avec les obsèques et leur vécu du deuil.

Les résultats furent présentés par Pascale Hébel, directrice du département consommation du Crédoc, et Thierry Mathé, sociologue du Crédoc. Une analyse congruente fut faite par Tanguy Châtel, sociologue. Tout d’abord, la méthodologie fut dévoilée, à savoir que cette enquête fut faite au printemps 2016 auprès de 3 071 individus âgés de 18 ans et plus (sélection basée sur la méthode habituelle des quotas : âge, sexe, CSP, région, taille agglo) pour la phase une, celle-ci consistant en une mesure des pratiques funéraires et du vécu du deuil (enquête quantitative). La phase deux, abordant la "compréhension" (analyse qualitative), fut élaborée à l’aide de 28 entretiens approfondis auprès de ceux ayant déclaré avoir été affectés par un deuil.

Une réalité vécue par 4 Français sur 10

Pour ce qui est de l’analyse, nous ne traiterons ici que de quelques points marquants relevés notamment par Tanguy Châtel, le site de la CSNAF mettant à disposition l’ensemble des résultats et analyses en fichiers PDF téléchargeables. Premièrement, il ressort que le deuil est un événement qui a été vécu par 85 % des Français, et que 42 % déclarent être encore en deuil en 2016. La première année est la plus difficile, et la souffrance est d’autant plus forte que la mort a été brutale. Les conditions de fin de vie ont une influence notable sur la douleur ressentie. La cérémonie garde un ascendant bénéfique sur le vécu du deuil, elle est un repère, et la "religieuse" n’a pas perdu son aura positive. Enfin, en matière de deuil, le premier soutien dans l’accompagnement reste incontestablement la famille, les amis, les collègues, puis viennent ensuite les professionnels du funéraire.

Une petite séquence, non inscrite dans le programme mais tout à fait bienvenue, est consacrée à la brochure "Le deuil, une histoire de vie". Il s’agit du premier projet conçu par le collectif inter-associatif autour du deuil créé en juillet 2015 sous l’impulsion de l’association Vivre son deuil. Cette plaquette petit format de quarante pages a été distribuée à tous les participants, et se révèle être un support bien conçu qui tente d’apporter des repères pour appréhender la réalité du processus de deuil. Il est disponible pour tous sur le site de l’association Empreintes (antenne IDF de Vivre son deuil).

RES125 Assises 036 fmtDe gauche à droite : Anne-Dauphine Julliand,  François Michaud-Nérard, Nathalie Vallet-Renart, Claude Le Pen et Christophe Fauré.

Au sénat, un sénateur : Jean-Pierre Sueur

Moment très attendu : l’allocution du sénateur Jean-Pierre Sueur. Celui-ci retraça rapidement l’historique des lois votées et la liste des chantiers en cours. À cette occasion, il rappela l’importance de la mise aux normes des contrats obsèques, la nécessité d’une transparence des prix (dépôts de devis en mairie), sa préoccupation concernant les schémas régionaux des crématoriums, et sa volonté d’aboutir au sujet de la proposition de loi n° 762 (2015-2016) relative à l’identification et à la destination des fragments humains découverts à la suite d’une catastrophe ou d’un attentat.

La deuxième partie essentielle des Assises arrivait avec la table ronde, composée de Christophe Fauré, psychiatre, Claude Le Pen, économiste de la santé, Nathalie Vallet-Renart, présidente du cabinet Aldhafera, DRH d’entreprise, et François Michaud-Nérard, directeur général des Services funéraires de la ville de Paris, dont nous ne vous donnons là que les axes de réflexion les plus significatifs.

Une table ronde riche de réflexions et d’interrogations

Christophe Fauré a pointé dès le début de son propos l’existence d’une réelle méconnaissance des mécanismes du deuil et la disparité du vécu entre une mort attendue (maladie, vieillesse) et la mort brutale due à un accident, un suicide… Pour lui, la prise en charge de la douleur avant le décès est impérative, de manière à ne pas parasiter le deuil qui suit. Et il faut s’approprier "le palliatif" pour le démocratiser, car aujourd’hui nous avons tous les moyens nécessaires (sédation, soins palliatifs). Enfin, allant à l’encontre des idées reçues : "… non, le deuil n’est pas une pathologie, ce n’est pas une maladie. Le deuil est un processus long qui n’est d’ailleurs pas forcément négatif."

Claude Le Pen, quant à lui, de par son statut d’économiste, nous faisait part de ses préoccupations sur le coût du deuil et d’éventuelles défaillances dans sa prise en charge. "On n’est pas là pour économiser les coûts, mais pour les rendre effectifs en résultats objectifs." À son sens, certaines questions ne sont peut-être pas posées, comme celle d’une médiation plus conséquente de l’État ou, plus polémique, les interrogations actuelles sur le transhumanisme. Pour clore, il nous parlait également de la cérémonie, indispensable pour lui au deuil, devant être approchée comme une transition.

L’émotion était palpable dans la salle

Intervention sans doute pivot de cette table ronde, celle de Nathalie Vallet-Renart, qui jetait un éclairage particulier (à l’aide de témoignages concrets et poignants) sur la manière de vivre un décès et le deuil en entreprise (voir Résonance n° 124 page 8). L’obligation étant dans ce type de situation de gérer l’organisationnel et le relationnel, elle rappelait la priorité qui devait être donnée aux échanges, à l’acceptation durant une brève séquence de l’intime ; surtout dans le cas spécifique d’un décès dû à un suicide, une maladie ou un accident "violent". Assumer l’émotion, l’accompagner et gérer la "sidération" suite à l’événement tragique. Dans ce cadre-là, Nathalie Vallet-Renart mettait en avant la responsabilité du management et des collègues de travail, tout en précisant que c’est la personne endeuillée qui va donner le "la", qui, peut-être, va solliciter les autres. L’entreprise comme lieu professionnel, mais aussi comme lieu de vie et de "relations humaines".

Avant le ballet des questions-réponses, François Michaud-Nérard redonnait à l’assistance les fondamentaux du funéraire et reprécisait le rôle des pompes funèbres, qui se doivent d’être plus performantes, plus efficaces et plus pertinentes, car, de nos jours, il n’y a plus le deuil mais des deuils. Comme il y a différents types de morts : sociale, accompagnée ou thérapeutique, injuste, inéluctable, etc. Il fit état aussi de la diminution de la religiosité et de l’évolution spectaculaire des mentalités avec, ces dernières années, une forte progression de la crémation. Enfin, il pointa l’importance d’assigner une place physique au mort (cimetière, urne) mais également symbolique, et de participer à l’initiation du travail de deuil (tous rites confondus). "Et les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace" ("Citadelle", Antoine de Saint-Exupéry, 1948).

La clôture de ces premières Assises du funéraire était confiée à Damien Le Guay, philosophe, président du Comité national d’éthique du funéraire… Conclusions que vous pouvez découvrir en page 24 de ce même numéro.

Gil Chauveau

Résonance n°125 - Novembre 2016

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