Nous naissons, vivons et mourons selon un cycle immuable depuis des millions d'années et pourtant, si nous considérons que donner la vie est la plus belle chose qui soit, nous refusons l'idée même de la mort, qui reste notre plus grande peur, celle de l'inconnu. C'est oublier que donner la vie, c'est aussi donner la mort et que si nous ignorons tout de ce qui succède à la vie, nous ignorons également tout de ce qui la précède.

 

 

 

ClaireSarazinClaire Sarazin, thanatopracteur.

 

L'esprit humain rejette la mort et notre cerveau est programmé pour  oublier à chaque seconde que nous allons mourir. C'est ce qui nous empêche de vivre dans la terreur de cette échéance pourtant inéluctable. Pour nous, travailleurs de la mort, le fait d'y être confrontés au quotidien ne nous permet pas d'occulter notre mortalité.
 
Sommes-nous pour autant moins effrayés par la mort ?
Et sommes-nous mieux armés face au deuil ?
 
Dans l'imaginaire collectif, oui. On a tendance à supposer qu'un "croquemort" touché lui-même par un deuil n'éprouve pas les mêmes sentiments que le commun des mortels, sous prétexte qu'il est habitué à ce type de situations. Toute la question est de savoir ce à quoi nous sommes réellement habitués.
Être chaque jour au contact de familles sous le choc d'un décès peut-il nous immuniser contre notre propre douleur face à la perte d'un être cher ? Il me semble évident que non. Accompagner et conseiller une famille dans un moment aussi dramatique et délicat est un métier, un métier difficile qui demande des qualités humaines, de la sensibilité et beaucoup d'empathie. Nous devons être capables de comprendre et de compatir mais aussi de garder suffisamment de recul pour faire la part des choses. Le chagrin d'une famille n'est pas le nôtre. Nous sommes témoins de ces situations et elles nous deviennent effectivement familières mais nous ne les vivons pas.
Lorsque nous sommes nous-mêmes frappés par le décès d'un parent ou d'un proche, nous traversons exactement les mêmes phases que les familles que nous accompagnons, avec les mêmes difficultés et parfois l'impossibilité de faire notre deuil. Le regard qu'on porte sur nous et l'insensibilité qu'on nous prête à tort sont des difficultés supplémentaires auxquelles s'ajoute notre environnement de travail.
 
De la même manière, s'occuper de corps humains après leur décès nous rend-il plus aptes à affronter l'idée de notre propre fin ?
Avons-nous moins peur de mourir ?
 
C'est également une idée reçue. Ce qui est effrayant dans la mort, ce n'est pas la dépouille que nous laissons derrière nous, c'est le passage vers l'inconnu. Le fait de prendre soin des corps des défunts ne nous apprend rien sur cet inconnu.
Nous avons simplement franchi une frontière dans notre cerveau, qui est également programmé pour être épouvanté par la vue et l'odeur des cadavres de nos semblables, comme tout animal que nous sommes, par instinct de survie. Malgré cette transgression qui est une violence que nous nous infligeons sans en avoir conscience et à laquelle nous nous habituons, au quotidien nous côtoyons les morts mais jamais la mort.
Face à l'échéance de notre propre mort, nous "croquemorts" devons affronter la peur de cet inconnu sans y être mieux préparés que le commun des mortels. Cette peur peut même augmenter au contact des défunts sur lesquels nous nous projetons.
Incapables d'occulter la mort, nous avons pleine conscience de la fragilité de la vie et nous développons une aptitude à profiter de chaque instant. Nous sommes sans doute moins économes, souvent gourmands et fêtards, aimons les belles voitures et les sensations fortes...
Nous ne faisons donc pas de meilleurs endeuillés ni de meilleurs morts, en revanche de bons vivants, oui.


Claire Sarazin,
thanatopracteur.

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