D’après le ministère des Affaires sociales et de la Santé, chaque année, près de 10 500 personnes meurent par suicide, soit trois fois plus que dans les accidents de la circulation, et environ 220 000 tentatives de suicide sont prises en charge par les urgences hospitalières.

 

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Laurence Arotcarena,
formatrice intervenant à l’IFFPF.

Le suicide d’une personne est un tsunami pour les proches. Ce n’est pas un décès comme les autres, c’est un suicide, c’est-à-dire la volonté d’une personne d’en finir avec la vie devenue trop douloureuse à vivre.

Acte de faiblesse pour certains, acte de courage pour d’autres. Pour Victor Hugo, "le suicide n’est pas une lâcheté, comme le disent les prêcheurs qui exagèrent. Ce n’est pas non plus un acte de courage. C’est une lutte entre deux craintes. Il y a suicide quand la crainte de la vie l’emporte sur la crainte de la mort."

Érard de La Reid l’exprime de la manière suivante : "Face au suicide d’une personne, ce qui me peine n’est pas son acte mais qu’elle ait dû endurer une vie de souffrances pour en arriver là."

En d’autres termes, la seule façon d’éviter la confesse est le suicide, mais la meilleure façon de se confesser est le suicide. C’est-à-dire que la douleur est tellement insupportable et indescriptible pour la personne, qu’elle ne peut l’exprimer, et qu’il ne lui apparaît qu’une seule alternative pour en faire prendre conscience à son entourage : mettre un terme à sa vie empreinte de douleur.

Les proches se retrouvent donc confrontés à ce sentiment d’ambivalence, mais surtout à cette douloureuse réalité : la souffrance de la personne décédée, que cette souffrance ait été connue, ignorée ou sous-estimée.

 

Entre alors en scène la spirale de la culpabilité

 

L’ai-je assez aimé(e) ? Est-ce que je lui ai suffisamment montré mon amour ? Qu’aurais-je pu faire pour éviter cela ?
Cette spirale de la culpabilité est un gouffre qui aspire inévitablement les proches dans un trou noir, béant.

Culpabilité d’autant plus exacerbée que, très souvent, la personne ayant prémédité son geste, elle, apparaîtra d’autant plus sereine à son entourage.

 

Une fracture se crée irrémédiablement en eux

 

Non seulement on perd une personne que l’on aime, mais c’est cette personne qui a décidé de nous quitter, et c’est là toute la différence avec un autre deuil.

Avoir un mot expliquant le geste est une aide à la compréhension de ce même geste, mais cela n’enlève en rien le traumatisme créé par ce geste. Un tsunami, un raz de marée vient de surgir dans la vie des proches, bouleversant à tout jamais leur vision de la vie.

Un sentiment d’abandon se greffe à la culpabilité, modifiant de façon certaine la personnalité des proches et entraînant un changement de vision de la vie. Certains développeront des conduites addictives, d’autres prendront des décisions radicales dans leur vie personnelle et/ou professionnelle.

Au début, on pense, en tant que proches, que l’on va gérer cette perte comme un décès "normal", avec sa ronde d’émotions et ses phases de deuil. Mais ce n’est pas un deuil classique.

 

Tout d’abord, le suicide est un sujet tabou dans notre société

 

Stupidité du monde dans lequel on vit : 10 500 personnes meurent par suicide, soit trois fois plus que dans les accidents de la circulation, et on compte environ 220 000 tentatives de suicide. Avec de tels chiffres, on peut donc supposer que l’on a tous autour de soi quelqu’un de touché par le suicide. Réalité que je perçois au quotidien en tant que formatrice funéraire. Dans toutes mes sessions de formation, je côtoie au moins un ou une stagiaire qui a vécu ce drame.
C’est donc une hérésie que d’ignorer cette réalité. Le fait d’en prendre conscience peut apporter un début de réconfort aux proches. Cela ne leur ramènera pas l’être perdu, mais ils ne sont pas seuls à vivre cette épreuve, et surtout ce n’est pas une épreuve dont on doit avoir honte.
Ensuite, les proches sont envahis et rongés par la culpabilité. Tant qu’ils n’auront pas travaillé sur ce sentiment, le travail de deuil ne pourra pas se faire normalement. Le sentiment de culpabilité agit comme un paralysant sur la ronde des émotions et empêche les étapes de deuil de se décliner.

Il faut accepter le geste de la personne, sans nécessairement chercher à le comprendre, car on ne peut pas se mettre à la place de la personne qui a décidé d’en finir avec la vie, on ne peut pas comprendre la souffrance endurée, même avec la meilleure des volontés.

Enfin, nous devons lutter pour ne pas laisser le tsunami émotionnel bouleverser notre vie et nous faire prendre des décisions personnelles et/ou professionnelles irréversibles. Il faut lutter pour contrer les conduites addictives qui pourraient survenir.
Ces conduites addictives peuvent prendre la forme de diverses attitudes excessives. La personne peut se mettre à faire la fête de façon inconsidérée, peut devenir alcoolique, voire droguée. Elle peut également prendre des risques inconsidérés, notamment par le biais de la conduite routière ou bien se mettre à la pratique de sports extrêmes.

La personne peut aussi décider de "faire le ménage" dans sa vie, en divorçant par exemple ou bien en changeant de situation professionnelle de façon subite. Tout ce qui était toléré dans la vie de la personne devient, suite à ce tsunami émotionnel, insupportable. Cela amène donc la personne à vouloir radicalement faire table rase de tout ce qui l’insupporte

On peut donc se rendre compte à quel point le fait d’être confronté à un suicide n’est pas anodin. En prendre conscience, c’est déjà un grand pas vers le chemin de l’apaisement. En parler, c’est un pas vers la guérison.


Laurence Arotcarena

Instances fédérales nationales et internationales :

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