Martinez-GeorgesGeorges Martinez,
président de l’A.NA.PE.C.
La bonne gestion d’un cimetière passe nécessairement par une politique de reprises administratives qui doit être réfléchie sur le long terme, organisée en termes de logistique et planifiée en termes budgétaires.

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Nous l’avons évoqué dans un précédent article : les reprises administratives permettent, outre de libérer des emplacements en vue de nouvelles concessions, de réorganiser le cimetière pour y recréer des circulations, des voies douces, des prairies ou de l’espace constructible. On voit donc clairement qu’il s’agit d’un réel projet politique, à mener sur plusieurs années.

Nous ne reviendrons pas dans cet article sur ce qui peut guider les choix politiques qui, rappelons-le, relève quasiment de l’urbanisme, et qui peut s’appuyer sur une étude patrimoniale et historique en vue de préserver tel ou tel espace, ou monument, ou telle ou telle concession (personnalité, artiste, ancien élu...).

L’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) indique les délais dans lesquels le maire peut pourvoir à la reprise de concessions que les titulaires ne souhaitent pas renouveler. La procédure d’abandon est également décrite dans les articles L. 2223-17 et 18 du CGCT. Dans un cas comme dans l’autre, le maire se trouve en demeure de décider quelle suite donner aux restes exhumés.

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Quelle que soit l’issue à donner à la destination des restes, il est important de rappeler que les restes doivent impérativement être recueillis dans une boîte à ossements, ainsi que le précise le ministre de l’Intérieur interrogé sur cette disposition par le député Bernard Derosier (rép. min. n° 33616, JOAN Q, 8 novembre 1999 p. 6469).

"Compte tenu des termes utilisés par l’art. L. 2223-18 du CGCT pour habiliter le pouvoir réglementaire à préciser les règles en matière d’exhumation administrative et de l’absence de restrictions particulières dans la rédaction des articles R. 361-28 à R. 361-31 du Code des communes [R. 2223-19 à R. 2223-21 et R. 2223-6 du CGCT], ces derniers articles s’appliquent à la reprise de concessions funéraires soit non renouvelées, soit en état d’abandon.
Les restes d’une concession non renouvelée sont donc réunis dans un cercueil de dimensions appropriées en vue soit de leur ré-inhumation immédiate dans l’ossuaire spécial, soit de leur crémation suivie de la dispersion des cendres dans le lieu spécialement destiné à cet effet, conformément aux articles L. 2223-4 du CGCT et R. 361-30 du Code des communes [R. 2223-6 CGCT]. Les noms des personnes qui étaient inhumées dans la concession reprise sont consignés dans un registre tenu à la disposition du public. Ils peuvent être également rappelés dans le jardin du souvenir ou au-dessus de l’ossuaire par gravure sur un matériau durable."

La boîte à ossements peut prendre le nom et la forme d’un cercueil, d’un reliquaire ou d’une volige, et doit réunir, sauf disposition spéciale, tous les restes exhumés d’une même concession.

Rappelons que, depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, les exhumations réalisées par les communes pour la reprise des concessions et des sépultures échues ou abandonnées (exhumations administratives) ne donnent plus lieu à surveillance (pas de vacation de police).

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Chaque cimetière doit disposer d’un ossuaire

Dans l’hypothèse où la ville dispose d’un cimetière intercommunal, l’ossuaire peut se trouver dans l’intercommunalité au bénéfice de chacune des communes adhérentes, mais le transfert des restes devra se faire dans un véhicule habilité.

On pourrait définir l’ossuaire comme un lieu d’inhumation, créé par arrêté et affecté à perpétuité, spécialement destiné à recevoir des restes exhumés d’autres sépultures, voire accueillir des cendres provenant de la crémation de ces restes. La loi ne précise pas la taille et le volume de l’ossuaire, et n’empêche pas les villes de disposer de plusieurs ossuaires, du moment que chacun est défini comme tel par arrêté et affecté à perpétuité.

La loi 2008-1350 du 19 décembre 2008 a modifié l’art. 16-1-1 du Code civil comme suit : "Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence."

La loi 2011-525 du 17 mai 2011 a modifié l’art. L. 2223-4 du CGCT comme suit : "Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt ré-inhumés. Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt. Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire."

Cette loi a supprimé le mot "présumée" à absence d’opposition qui figurait dans la loi précédente. Ainsi, le décideur est relevé juridiquement de toute inquiétude liée à l’origine cultuelle ou culturelle du défunt.

- Opposition attestée

Si l’opposition attestée est explicite et implique que le dossier de concession ait bien enregistré une déclaration du défunt indiquant qu’il refuse toute crémation y compris de ces restes une fois exhumés, il faut bien reconnaître que ceci est extrêmement rare du fait de la méconnaissance de cette opération par les usagers.

- Opposition connue

L’opposition connue est plus difficile à cerner. Par exemple, la personne pourvoyant aux funérailles, ou un ayant droit, peut témoigner qu’il savait l’opposition du défunt à la crémation, et demander par écrit qu’il ne soit pas procédé à la crémation des restes après reprise de la concession.
Il est du devoir du gestionnaire de cimetière de rappeler ces dispositions aux familles lors des inhumations. Cette explication de texte, souvent délicate au moment des obsèques, peut faire l’objet de la diffusion d’un extrait du règlement du cimetière, sur lequel elle figure, remis contre signature aux familles, attestant ainsi de leur information sur les procédures de reprises administratives de la commune.
Le fait qu’une personne soit ostensiblement d’une confession dont on sait que la théologie refuse la crémation relève-t-il pour le gestionnaire du cimetière d’un fait connu ou présumé ?
Sur ce point, la loi n’a pas encore tranché. Juridiquement, il s’agit d’une présomption, puisque aucun écrit spécifique du défunt ou de la famille ou des proches n’atteste de l’opposition à la crémation. Ainsi, le maire ne pourra pas être poursuivi pour atteinte à la loi s’il devait porter en crémation des restes provenant de carrés confessionnels pour lesquels il est de notoriété que la crémation est prohibée. Reste que, par égard aux termes de la loi de 2008 sur le respect du corps humain qui ne cesse pas avec la mort, il est honnête, par respect des convictions religieuses affichées par ces familles, de ne pas procéder à la crémation de ces restes.
De plus, aucun maire, de bon sens, n’accepterait de se mettre à dos une communauté sous couvert d’un réglement qui laisse toutefois la place à une lecture ouverte.

Donc, en résumé, le maire a la possibilité soit de placer à l’ossuaire de manière perpétuelle les restes des corps exhumés pour lesquels il n’a pas décidé la crémation, soit d’envoyer en crémation les autres ossements repris. Les cendres en retour seront dispersées à l’ossuaire ou au jardin du souvenir, selon le choix du maire.

Sur le plan pratique, même si la loi fait de l’ossuaire un lieu spécifique dans lequel sont inhumés les restes à perpétuité, l’organisation des reprises administratives requiert un espace clos fermé, interdit à tout accès public, recueillant les boîtes à ossements en attente de crémation. Une partie de l’ossuaire peut être affectée à cet usage, sous réserve qu’elle soit bien différenciée de la partie réservée aux restes placés à perpétuité. L’ossuaire se gère alors administrativement comme une concession, ou un caveau provisoire sachant qu’il y aura inhumation le jour de l’exhumation des restes de la concession puis exhumation le jour de la crémation. Rappelons que la traçabilité des restes du défunt depuis son inhumation jusqu’à la dispersion des cendres est obligatoire.

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Sur le plan économique

Enfin, sur le plan économique, nous ne saurions que trop conseiller aux communes de passer par des appels d’offres afin de négocier des marchés pouvant opérer d’une part les reprises administratives et d’autre part les crémations, en mettant en concurrence les divers crématoriums.

S’il est aisé de connaître, surtout si l’on dispose d’un bon outil informatique, la liste des concessions qui peuvent être reprises, une bonne gestion funéraire requiert de bien programmer sur la durée ces opérations de reprise. Rappelons les lignes du début de cet article, qui spécifiaient le choix politique de la mairie en matière d’aménagement ou de choix patrimoniaux. Il est donc important qu’une étude sur le long terme soit menée pour décider de l’organisation future du cimetière afin que soient programmées les reprises en fonction de ces choix.

Le choix entre crémation et mise à l’ossuaire a aussi bien sûr une implication économique, et la taille du cimetière, comme celle de l’ossuaire, est une variable qui pèsera dans le choix.

Dans les petits cimetières, il n’est pas rare de voir d’anciens caveaux de grande contenance, voire des chapelles, affectés comme ossuaires. Cela évite des coûts de construction, et rien n’interdit d’avoir plusieurs ossuaires. Dans les cimetières plus importants, il faut estimer la durée de vie de l’ossuaire en fonction de son volume, afin d’aider le maire dans sa décision de choix avec la crémation. La construction d’un nouvel ossuaire à moyen ou long terme représentera un investissement important qu’il faut rapprocher du coût courant des crémations.

En conclusion

La gestion des reprises administratives requiert beaucoup de réflexion sans précipitation, en adéquation avec les décisions politiques nourries de tout l’argumentaire fourni par le gestionnaire du cimetière.

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