Des résultats surprenants et parfois contre-intuitifs. La nouvelle étude IPSOS "Les Français et l’organisation des obsèques" met clairement en exergue les contradictions et les crispations de la société française*…

1 - Les Français et les obsèques

Le choix de la crémation ou de l’inhumation ?

Les Français sont globalement partagés entre crémation et inhumation pour leurs propres obsèques (51 % de ceux qui se prononcent préfèrent la crémation contre 49 % l’inhumation).
Contrairement à ce qui était observé depuis de nombreuses années, on assiste en 2015 à une remontée du choix de l’inhumation (+2 % par rapport à 2013). Ce retour vers l’inhumation est impulsé par les croyants et pratiquants, ce qui n’est pas nouveau (80 % ; +5) mais aussi, et c’est une surprise, par les moins de 35 ans (60 % ; +6) et les Franciliens (64 % ; +5).

Chez les 60 ans et plus, le choix de la crémation l’emporte nettement (57 % ; stable par rapport à 2013, mais +14 points par rapport à 2008). Lorsqu’il s’agit d’un proche, c’est toujours le choix de l’inhumation qui l’emporte (52 % contre 48 % pour la crémation). Les 60 ans et plus sont cependant plus nombreux à favoriser la crémation, y compris pour un proche (53 % contre seulement 35 % en 2008).
"Ce positionnement des jeunes, des Franciliens, des croyants et pratiquants, en faveur de l’inhumation, ne se traduit pas dans les faits, puisque la crémation continue d’augmenter à un rythme rapide. Les modalités des obsèques étant largement dictées par les plus de 60 ans, massivement en faveur de la crémation. Cela traduit plutôt une sorte de crispation de la société française avec des repères identitaires de plus en plus marqués", commente François Michaud Nérard, directeur général des Services Funéraires – Ville de Paris.

Que faire des cendres après la crémation ?

Les Français qui choisiraient la crémation préféreraient majoritairement que les cendres soient dispersées en pleine nature, qu’il s’agisse de leurs propres cendres (59 %) ou de celles d’un proche (52 %). Cette solution est plébiscitée par les non-croyants ou athées (70 % quand ils pensent à leurs propres cendres). Les croyants sont logiquement plus nombreux à préférer que leurs cendres reposent au cimetière (52 %), dans une case de columbarium ou une tombe (31 %) ou encore au jardin du souvenir (21 %).

"La dispersion des cendres a souvent une dimension "romantique" pour ceux qui se projettent dans leur propre mort. Dans les faits, les proches peuvent vivre cette absence de repère douloureusement et privilégient souvent le cimetière comme destination des cendres."

L’organisation des obsèques

L’attachement à l’organisation d’une cérémonie pour accompagner les obsèques reste très fort, qu’il s’agisse de ses obsèques (77 %) ou de celles d’un proche (76 %), y compris pour les partisans de la crémation. La cérémonie religieuse reste le choix majoritaire (53 % dans le cadre des obsèques d’un proche), mais les cérémonies civiles sont une option de plus en plus envisagée (23 %). Pour des raisons pratiques, les Français privilégient avant tout le lieu de culte comme lieu de cérémonie pour l’organisation des obsèques d’un proche (52 %; - 4 points néanmoins par rapport à 2013). Près d’un Français sur deux leur préfère néanmoins d’autres lieux : le cimetière (17 %), le crématorium (14 %) ou encore une salle laïque adaptée (13 %).

"Les non-croyants ont tout autant besoin que les autres de vivre des rites au moment des obsèques. Il appartient à la collectivité de leur proposer des rites, des officiants et des lieux adaptés."

Mais qui doit financer ?

Lors des précédentes éditions du baromètre, en 2008, 2010 et 2013, une majorité relative de Français considéraient que la prise en charge du coût des obsèques incombait au défunt lui-même de son vivant, devant les familles. Pour la première fois cette année, nous observons une inversion de tendance, une majorité relative considérant que cette dépense est de la responsabilité des familles (42 % ; + 7 points par rapport à 2013), avant d’être celle du défunt (38 %t ; - 6). Ceci peut s’expliquer par une légère modification de l’item, moins culpabilisant cette année, mais aussi par un mouvement de retour à la tradition que l’on observe de la même manière sur le choix de l’inhumation, mais aussi dans de nombreuses enquêtes qui montrent que les Français, dans un contexte de crise, se tournent aujourd’hui vers le passé.

"Pour les seniors, qui ont l’âge de penser à la fin de leur vie, comme pour les femmes souvent seules survivantes d’un couple, la responsabilité des obsèques incombe au défunt lui-même de son vivant. Le mythe d’Antigone – le devoir sacré de donner sépulture à un proche – se dissoudrait-il dans la société actuelle ?"

Les Parisiens et les obsèques

Les sondages sont passionnants, mais ils doivent toujours être confrontés à la réalité. Entre la projection d’une personne dans sa propre mort et la réalité de l’organisation des obsèques par les vivants, il y a souvent un grand écart ; d’où l’intérêt de confronter l’étude IPSOS qui marque des volontés avec l’étude Services Funéraires – Ville de Paris (SFVP) qui marque la réalité de certains comportements.

Ainsi, les SFVP ont effectué une étude sur les 3 500 dernières obsèques qu’ils ont réalisées entre juillet 2014 et juin 2015. Sont inclus dans l’étude tous les défunts, y compris ceux pour lesquels la ville de Paris a pris en charge tout ou partie des frais d’obsèques. Attention, ces chiffres correspondent à la réalité des familles qui se sont adressées aux SFVP et non à l’ensemble de la population.
De moins en moins d’obsèques font l’objet d’une cérémonie dans un lieu de culte : 68 % n’y passent pas. Ce phénomène est particulièrement marqué dans le cas d’une crémation : 82 % des obsèques ne passent pas par un lieu de culte, contre 54 % pour une inhumation.

Corrélativement, il y a de moins en moins d’emblèmes religieux sur les cercueils : 33 % en 2015 vs 46 % en 2010 !
Crémation : 49 % des familles choisissent la crémation. Le taux de crémation continue d’augmenter : en 10 ans, on est passé de 34 % en 2004 à 47 % en 2014. Ce rythme est un peu moins rapide que celui constaté en France, où le taux de crémation a augmenté de 65 % pendant la même période.

Destination réelle des cendres : les données observées au crématorium de Champigny-sur-Marne, entre novembre 2013 et juin 2015, montrent que seules 33 % des cendres sont dispersées (jardin du souvenir ou pleine nature) alors que 54 % sont inhumées (caveaux, cavurnes et columbarium).

"Entre les souhaits des futurs défunts – exprimés dans l’étude IPSOS – et la réalité du devenir des cendres, reflet du besoin des familles, il y a une différence notable. Les conseillers funéraires constatent régulièrement cette tension entre les dernières volontés et le besoin des survivants pour leur travail de deuil."

Ce que nous apprennent les contrats obsèques

Les dispositions des contrats de prévoyance obsèques sont un peu le reflet de ce que seront les funérailles dans 10 ans. Sur les 1 000 derniers contrats obsèques souscrits auprès des SFVP, on apprend que :
- 62 % sont des femmes,
- l’âge moyen à la souscription est de 77 ans,
- 38 % choisissent l’inhumation et 62 % la crémation,
- 50 % privilégient une cérémonie religieuse, 46 % une cérémonie civile et 4 % pas de cérémonie.

Nota :
Étude réalisée sur 1 010 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. Échantillon interrogé par téléphone.

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Résonance n°115 - Novembre 2015

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