Ordre public et sépulture : la commune est-elle obligée d’inhumer les innommables ?

 

Nous avions déjà précédemment développé dans ces colonnes la question du devenir de la dépouille des terroristes assassins, dont on se doute bien que les communes ne sont pas légion à se mettre sur les rangs pour leur donner une sépulture. La question se pose derechef, avec une particulière acuité dans le cas de Larossi Aballa, le tueur responsable du double meurtre des policiers de Magnanville et dont l’inhumation fut demandée par sa famille à la commune de Mantes-la-Jolie, où il résidait. Cette commune refuse cette inhumation pour des motifs de troubles à l’ordre public potentiels, découlant de la possible transformation du cimetière en pèlerinage malsain, et saisit le Conseil d’État puisque, selon elle, l’art. L. 2223-3 du Code Général des Collectivités Territoriales est non conforme à la Constitution.

Rappelons que cet article dispose que la sépulture dans un cimetière d’une commune est due :
Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile.
Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune.
Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille.
Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci.

On remarquera que la numérotation posée dans cet article induit qu’il existe un ordre de priorité. C’est donc tout naturellement la commune du lieu de décès qui doit offrir la sépulture en terrain commun, le maire y est obligé, sauf pour raison d’ordre public. Les familles disposant, elles, du choix parmi cet éventail de possibilités. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est le lieu de décès. En droit, ce ne peut être que le lieu où le décès a été constaté par la rédaction du certificat de décès par un médecin.

Une question prioritaire de constitutionnalité fut donc déposée, et le Conseil d’État devra trancher. Rappelons que le Rapporteur public (selon un article publié dans "20 minutes" du 8 sept. 2016) a indiqué que, d’après lui, ce risque de pèlerinage n’était pas évident. Pour appuyer ses propos, il releva que "les cimetières accueillent des gens peu recommandables : les frères Kouachi (responsables de l’attaque de Charlie Hebdo), enterrés dans la Marne et les Hauts-de-Seine ; Khaled Kelkal (coauteur de l’attentat de Saint-Michel en 1995), dans la métropole lyonnaise ; le secrétaire général de la police de Vichy René Bousquet, dans le Tarn-et-Garonne ; ou encore Pierre Laval, à Paris". "Aucun trouble à l’ordre public n’est à signaler sur leurs sépultures", a-t-il encore fait valoir.

Gageons que le juge administratif, avec sa mesure habituelle, ménage l’ordre public et l’ardente obligation du repos des morts, même de ceux qui, en dépit de leurs crimes odieux, ont néanmoins des familles que l’on ne saurait priver de la possibilité de se recueillir…

Maud Batut
Rédactrice en chef

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