Par expérience, je sais ô combien les instants qui suivent le décès d’un proche sont difficiles pour les familles. Le suivi et l’accompagnement de ces dernières sont alors déterminants pour entamer un travail de deuil qui, pour certaines, va s’annoncer long et douloureux. Cet accompagnement commence donc dès l’annonce du décès, au sein même du centre de soins et, de ce fait, concerne directement le personnel de santé. Or, il semblerait qu’en règle générale un manque évident de formation se fasse sentir à ce niveau-là dans les services hospitaliers.

 

Claire-Sarazin2014
Claire Sarazin, thanatopracteur

C’est en partenariat avec Claire Sarazin, formatrice, que je propose de répondre à diverses questions types qui reviennent régulièrement dans la bouche des praticiens hospitaliers.
Comprendre le deuil, sa psychologie et pouvoir y apporter des réponses est à mon sens une nécessité pour toute personne travaillant en milieu de soins, et soucieuse d’exercer son métier en bonne et due forme. La formation continue des infirmières, aides-soignantes ou autres agents de service hospitalier laisse peu ou pas de place à cet "apprentissage", et ce, malgré la demande constante des premiers intéressés.
Claire Sarazin : "Il y a peu, voire pas de cours sur la mort et surtout sur la prise en charge des défunts dans les IFSI et les IFAS. J’y interviens régulièrement, soit pour une demi-journée d’information, soit pour de vraies sessions de formation sur la toilette mortuaire, la législation spécifique, la psychologie du deuil…"

Comment se former ?

Actuellement, quelques écoles et/ou centres de formation se sont adaptés afin d’apporter des réponses à ces demandes.
 
CS : "J’interviens soit pour mon école : "Le centre de formation Thanatopraxie Art et Technique", soit pour d’autres organismes de formation, notamment l’AFAR (Paris 11e). J’ai différents modules selon la demande, pour des sessions de 1 à 3 jours"

Que peut apporter une formation en psychologie du deuil ?

Avant de parler de psychologie, il faut rappeler le processus du deuil, ce sentiment de tristesse éprouvé lors de la perte d’un proche. On distingue réellement cinq phases distinctes, comme suit :
- le déni : connaissance de la réalité mais rejet de celle-ci car inacceptable,
- la colère, qui peut être associée à la culpabilité,
- le marchandage : la famille touchée aura des tendances à la négociation ou au chantage,
- la dépression : grande tristesse, détresse et/ou remise en question,
- l’acceptation : la réalité de la perte est alors comprise et acceptée.
Bien entendu, seules les étapes successives de dénégation et de colère concernent réellement le personnel soignant. Bien assimiler et comprendre ces phases permet de ne pas être surpris face à certains comportements de la part des endeuillés. Être fin psychologue dans ces moments-là et avoir une bonne capacité d’écoute ne peut qu’apporter une meilleure compréhension des familles et "mieux comprendre permet de mieux accompagner".

CS : "Les réactions des proches à l’annonce du décès peuvent être très diverses. Selon les circonstances, elles peuvent parfois être agressives ou hystériques. Gérer ses propres émotions, adopter la meilleure attitude et désamorcer la colère s’apprend. Acquérir des notions élémentaires de psychologie du deuil est capital. Il est également important de connaître les différentes manières d’appréhender la mort et les coutumes propres à chaque culture, afin d’éviter les impairs et de pouvoir anticiper au mieux."

Curti-Mikael02Curti Mickael, assistant funéraire.

Qu’est-ce que cette formation peut apporter au niveau personnel ?

Outre la satisfaction d’améliorer ses compétences et son savoir professionnel, comprendre le deuil est bénéfique du point de vue personnel. Chacun peut être touché par un décès dans sa propre famille, et savoir soutenir ses proches en ces moments douloureux ne peut être que bienvenu. Cela peut permettre, de la même manière, de mieux gérer son propre stress émotionnel et d’éviter de transférer son angoisse sur autrui.

CS : "La mort, qui est l’un des derniers grands tabous dans notre société, l’est encore davantage en milieu hospitalier où, en plus d’inspirer la peur, elle symbolise l’échec. Parler de la mort, de ses effets sur les corps et de la prise en charge des défunts permet d’apprivoiser l’idée de sa propre mort et de celle de ses proches, et de ne pas vivre chaque décès d’un patient comme un traumatisme."

Comment garder un défunt dans de bonnes conditions en attendant la venue des pompes funèbres ?

Il est vrai que la plupart des hôpitaux possèdent maintenant leur propre chambre mortuaire avec du personnel qualifié et des conditions optimales pour la bonne conservation, provisoire bien sûr, des corps de personnes défuntes. Cependant, certains autres centres de soins (Maison d’accueil spécialisée, EHPAD…) ne disposent pas nécessairement des équipements (cellules ou tables réfrigérées…) et des connaissances spécifiques pour assurer cette conservation.

Bien que le laps de temps, entre le moment du décès et la levée du corps, soit relativement court, il est cependant important de respecter certaines exigences afin de prévenir une dégradation prématurée du corps. Ces dispositions sont valables, au même titre, pour les personnes décédées et reposant au domicile.

Il faut savoir que, contrairement aux idées reçues, c’est le confinement du corps qui en assure une meilleure conservation. En effet, aérer la pièce où repose le défunt est une grossière erreur. Il est conseillé, au contraire, de fermer les fenêtres et d’abaisser les volets afin de maintenir au maximum l’air ambiant. De même, la lumière naturelle favorise la thanatomorphose. On préférera une petite lampe d’appoint, si possible de faible intensité, pour éviter la diffusion de trop de chaleur. Pour terminer, éteindre le chauffage est une évidence ainsi que d’éviter, au possible, les allées et venues intempestives dans la pièce.
L’installation du défunt dans une position dorsale, neutre, mains croisées, est vivement conseillée afin de donner à ce dernier une position de repos, apaisante aussi pour les proches.
Bien entendu, cette "recette" n’est pas miraculeuse, mais peut cependant contribuer à ce que les familles puissent se recueillir quelques heures dans des conditions "acceptables" pour leur défunt. Le travail des pompes funèbres et/ou du thanatopracteur n’en sera que facilité par la suite.

CS : "Lorsqu’on doit s’occuper d’un défunt, il est impératif d’avoir une connaissance de base des premiers effets de la thanatomorphose. Les protocoles de toilette mortuaire sont rarement adaptés et sont pensés par des soignants et non par des spécialistes des cadavres. Ils sont de fait inadaptés. Ces gestes ne s’improvisent pas. Il en est de même pour les règles d’hygiène et de sécurité, qui diffèrent de celles en vigueur envers les patients."
Les faits énoncés tout au long de cet article n’ont pas pour vocation d’apporter toutes les réponses aux questions que se posent les personnels de santé, nous avons seulement souhaité donner des éléments de réponse et suggérer des actes facilement réalisables.

Il faudrait, à mon sens, plus d’échanges entre les pompes funèbres et les praticiens hospitaliers. Les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) devraient laisser plus de place à l’enseignement de la psychologie du deuil, la mort étant le lot quotidien des infirmiers (ères), aides-soignants (es), brancardiers…

Enfin, pour terminer, il faut souligner le travail remarquable qu’exercent quotidiennement ces professionnels auprès des malades, que ce soit en Centre hospitalier, en EHPAD ou au domicile.

Curti Mickael et Claire Sarazin

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations