Pour en savoir un peu plus, nous sommes allés à la rencontre de Christophe Piot, de la direction juridique auprès de la compagnie GENERALI, au département prévoyance, santé et retraite.

 

 

Christophe Piot.

 

Résonance : Monsieur Piot, pourquoi la compagnie Generali est-elle favo- rable à la prévoyance funéraire des majeurs protégés ?

 

Christophe Piot : La souscription d’un contrat d’assurance en prévision des obsèques doit être considérée comme un acte de prévoyance réalisé dans le seul intérêt du majeur protégé et de ses héritiers. À ce titre, il ne peut être admis que ce besoin ne soit réservé qu’aux seules personnes ayant la pleine capacité juridique. Cela revien- drait à exclure celles bénéficiant d’un régime de protection des personnes vulnérables d’une faculté de financer par avance une prestation obsèques que bon nombre ne souhaitent pas laisser à la charge de leurs héritiers. Pour Generali, permettre à des personnes incapables d’accéder à la souscription d’un contrat de prévoyance funéraire en respectant le cadre légal est au cœur de son rôle d’assureur responsable.

 

R : Pouvez-vous nous rappeler succinctement les différents niveaux de protection des majeurs et indiquer dans quel cadre un opérateur funéraire doit avoir recours à une ordonnance du juge ?

 

CP : Les majeurs vulnérables disposent de différents niveaux de protection en fonction de leur niveau de handicap physique ou mental. Ainsi la première mesure de protection est la curatelle ; il s’agit dans ce cas, de protéger une personne qui ne pourrait pas accomplir certains actes sans le recours à l’assistance d’une tierce personne appelée curateur. La curatelle peut être simple, la personne n’ayant dans ce cas besoin de l’assistance de son curateur que pour réaliser des actes de disposition comme la souscription d’un contrat d’assurance et la désignation du bénéficiaire. Elle peut aussi être renforcée c’est-à-dire que le curateur encaisse les revenus et gère les dépenses. Dans ces deux cas de curatelle, pas besoin d’une ordonnance du juge des tutelles pour autoriser la souscription du contrat obsèques.

En revanche, le contrat devra obligatoi- rement être signé par la personne sous curatelle ainsi que par son curateur.

Autre cas, la personne est atteinte d’une altération de ses facultés physiques ou mentales qui nécessite une représentation de façon continue dans tous ses actes de la vie civile. Le juge des tutelles désigne alors un tuteur qui sera chargé de représenter le majeur protégé. L’opérateur funéraire devra en présence d’un client sous curatelle demander une copie de la décision de mise sous curatelle du souscripteur et recueillir la signature du curateur en plus de celle de la personne protégée. S’agissant d’une personne sous tutelle, il devra obtenir l’ordonnance du juge des tutelles autorisant la souscription du contrat obsèques (en plus, le cas échéant, de la décision désignant le tuteur) sans oublier l’attribution bénéficiaire et faire signer le contrat par le seul tuteur.

 

R : Sur quels fondements certains juges des tutelles s’appuient-ils pour motiver leur refus ?

 

CP : Certains juges refusent au tuteur qui vient leur demander une ordon- nance autorisant la souscription d’un contrat d’assurance obsèques au motif qu’il s’agit d’une assurance décès sur la tête d’un tiers, en l’occurrence le majeur protégé, ce qui est prohibé par l’art. L.132-3 du Code des assurances.

Ce sont les mêmes juges qui en règle générale considèrent que l’art. L.132-4 du même Code, autorisant la souscription d’un contrat d’assurance sur la vie par autorisation du juge des tutelles ne constitue pas une dérogation au principe de prohibition évoqué ci-dessus. Néanmoins certains juges des tutelles auxquels il est expliqué que la souscription ne constitue pas une assurance sur la tête d’un tiers acceptent de signer des ordonnances autorisant la souscription d’un contrat obsèques.

 

R : Quelles conditions et quels arguments juridiques doit-on mettre en avant pour obtenir l’accord du juge des tutelles ?

 

CP : Le premier argument juridique à présenter au juge est qu’il ne s’agit pas d’un contrat d’assurance-vie souscrit par un tiers, en l’occurrence le représentant légal, sur la tête du majeur protégé, ce qui est prohibé par l’art. L 132-3 du Code des assurances mais bien d’un contrat souscrit par le majeur protégé lui-même, via son représentant légal sur sa propre tête. C’est sur la base de ce même argument que le ministère de la Justice a légitimé la possibilité pour un majeur en tutelle de souscrire à une assurance emprunteur (assurance-décès) destinée à garantir son emprunt contracté auprès d’une banque (Rép. min. du 4 déc. 2000 page 6890). Le ministre faisait observer à juste titre qu’il aurait été contradictoire que le législateur entende appliquer les sanctions pénales pré- vues à l’art. L.132-3 (amende de 4 500 €) à la personne censée devoir être protégée. Depuis, la loi du 17 déc. 2007 autorise expressément la souscription d’un contrat d’assurance sur la vie sur autorisation du juge des tutelles. À ce propos la réponse ministérielle n°6911 publiée au JO du 5 mars 2013 en ce qu’elle réitère la prohibition de l’assurance en cas de décès souscrit par un tiers sur la tête d’une personne sous protection judiciaire ne contredit en rien nos arguments juridiques.

 

R : Comment réagir dans le cas où certains mandataires évoquent l’interdiction de tester d’une personne sous tutelle pour protéger ses volontés ?

 

 

CP : Voilà le second argument avancé par ceux qui soutiennent que la souscription d’un contrat obsèques n’est pas possible. En admettant que la souscription soit considérée comme valable sur le plan juridique, de toute façon le majeur incapable étant dans l’incapacité légale de tester aucune clause bénéficiaire à personne dénommée ne pourra être appliquée au contrat.

Conclusion : rien ne sert de faire souscrire un contrat dont le capital reviendra dans la succession du contractant. Cet argument ne tient pas au motif suivant : l’attribution dans le cadre d’un contrat obsèques est réalisée à titre onéreux et non gratuit. Le souscripteur désigne le prestataire funéraire en paiement de la prestation à laquelle il s’est engagé. C’est donc pour éteindre une dette future que le souscripteur fait cette désignation à titre onéreux : il règle post mortem la prestation prévue et contractualisée par un devis et un mandat. En cela, l’attribution ne contre- vient en rien à l’impossibilité légale pour un majeur en tutelle de tester au profit d’un tiers.

 

R : La décision de la cour d’appel de Douai peut-elle faire jurisprudence ?

 

CP : En premier lieu, je tiens à saluer cette décision qui valide la position juridique que nous soutenons depuis longtemps (N° RG : 11/01985 – Arrêt du 16/06/2011 – Minute n° 191/11). En toute logique, cette décision peut être l’argument qui pourrait convaincre le juge des tutelles s’il en était besoin. En effet, l’art. L 132-4-1 du Code des assurances autorisant la souscription d’un contrat d’assurance sur la vie par un tuteur, il n’y pas d’objection légale pour un juge des tutelles de s’opposer à une telle souscription. En tout cas, cette décision a le mérite d’offrir une opportunité jurisprudentielle aux personnes protégées dont les tuteurs se verraient refuser l’ordonnance de souscription d’un contrat d’obsèques.

 

 

 

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