Lucienne Cluytens est de ces auteurs qui aiment faire du noir avec des gens simples… Que cela soit dans "La Grosse" ou dans "Le Petit Assassin" (j’adore ces deux-là), elle prend des gens de la vie de tous les jours, des gens comme vous et moi, et leur fait vivre une aventure.

 

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Page de couverture

de "Miss Lily-Ann".

Pas forcément une aventure extraordinaire qui va faire de vous un héros, non, bien au contraire, elle va lever une part d’ombre de l’âme : l’orgueil, le racisme, la soif de l’argent, la différence, etc. Et elle va mettre ce citoyen lambda face à lui-même, face à ses idées, à son côté obscur. Celle fois-ci, Lucienne nous entraîne dans une usine de textile dans le nord de la France, une entreprise familiale, qui connaît la crise, mais qui, malgré cela, intéresse des Japonais...

 

Seulement, les Japonais, ce n’est pas forcément du goût de tous les actionnaires, voire des syndicalistes : "Plutôt crever !" Ben, il ne suffit pas de le dire, on le fait… Nous voici dans un imbroglio financier où les secrets de famille vont être balancés au grand jour. Et quelle famille, les Barré ! Une famille dans laquelle une seule chose a toujours compté : l’usine ! Vivre et mourir pour l’usine, d’ailleurs, malheur à ceux qui ne se plient pas à la règle, mais attention qu’ils ne reviennent jamais se venger…

 

Lucienne tisse la trame, ce qui est logique dans un polar qui se déroule dans le milieu du textile, d’un drame avec humour et cynisme. Elle fait intervenir son flic fétiche : Flahaut, elle s’amuse avec les personnages et avec ses lecteurs, et quand un auteur prend du plaisir à écrire, cela se voit quand on le lit, on savoure l’instant.

 

Un extrait et une citation :

 

"D'un geste nerveux, Liliane Barré claque la portière de son petit coupé Audi rouge. Elle est mal garée, mais en fin d'après-midi, surtout aux beaux jours, il n'y a jamais de place avenue Le Nôtre : les Roubaisiens profitent un maximum du parc Barbieux, situé en plein cœur de la ville. Indifférente aux arbres majestueux et d'essences rares, pourtant au plus beau de leur floraison de printemps, elle accélère le pas, ses hauts talons martelant le bitume, jusqu'à la grille de la propriété de sa tante."
"Du bonheur, on peut en trouver partout."

 

La quatrième de couverture :

 

Miss Lily-Ann, entreprise textile nordiste, intéresse les Japonais, mais les actionnaires ne veulent pas en entendre parler. Plutôt mourir que de céder à l'envahisseur asiatique ! Justement, la police trouve qu'on meurt beaucoup dans les environs. À qui profitent les crimes ? Aux investisseurs japonais ou à la directrice de l'entreprise ? Dynamique, charismatique et ambitieuse, Liliane Barré est le suspect idéal. À moins qu'elle ne devienne une cible à son tour.

 

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Lucienne Cluytens

Rencontre avec Lucienne :

 

Sébastien Mousse : Bonjour Lucienne, tu offres cette fois-ci à ton lectorat un livre moins noir, plus cynique et drôle, une sorte de pamphlet sur la crise, pourquoi ce choix ?

 

Lucienne Cluytens : Un pamphlet, non. Mais la grande Histoire (la crise économique, ici) interfère toujours dans le destin des êtres ordinaires, pas seulement dans celui de leurs dirigeants. Alors, dans ce polar, j’ai voulu montrer comment une crise économique mondiale provoque aussi une crise morale dans la vie de tous les jours des gens qui y sont confrontés. Le choc des valeurs traditionnelles qui n’ont plus cours contre les nouvelles valeurs induites par la modernité, la mondialisation, provoque des drames humains.

 

Sébastien Mousse : On sent dans l’écriture que tu t’es énormément amusée à dépeindre ces portraits, leurs caractères, leurs qualités et défauts. On y retrouve des âmes charitables, des salauds, tout ce qui peuple notre joli monde. Tu t’inspires de gens que tu connais, as connu, que tu côtoies ?


Lucienne Cluytens : Si je ne m’amuse pas en écrivant, alors ce n’est plus la peine d’écrire. J’écris d’abord pour me faire plaisir. Et me faire plaisir, c’est inventer des personnages bien vivants, psychologiquement bien campés qui vont subitement être confrontés à un ou des meurtres. Le meurtre pour moi est une énigme, et j’essaie de comprendre pourquoi des gens ordinaires tuent. Comment on passe de l’autre côté de la barrière… Les "motifs", dirait Nietzsche.
D’où sortent mes personnages ? J’ai coutume de dire que, dans tous les personnages de mes romans, il y a un peu de moi. Mais aussi, bien sûr, des personnes que je rencontre (les réelles et les virtuelles). D’ailleurs, cela se fait souvent inconsciemment. Comme tous les auteurs, je m’inspire de ce que ma mémoire a emmagasiné depuis des années. Quand on crée (peinture, musique, écriture…), on utilise son imagination. Mais sur quoi s’appuie-t-elle ? Ça ne tombe pas, comme ça, du ciel. L’imagination se nourrit de tout ce qu’on a vu, lu, entendu depuis notre naissance. J’imagine un grand chaudron au fond de mon cerveau dans lequel se déverse une tonne d’ingrédients tous les jours et qui mijote sans que ma volonté intervienne. Un personnage est souvent un petit bout de celui-ci, un petit bout de celui-là… Et parfois même des gens disent se reconnaître alors que je n’ai pas pensé à eux. C’est flatteur.

 

Sébastien Mousse : La plupart de tes collègues auteurs cèdent en ce moment à l’appel du psychopathe, du tueur en série, du cadavre méchamment mutilé, toi, non, tu restes classique, la construction de l’intrigue est solide. Doucement mais sûrement, tu vas distiller des indices au fur et à mesure, tu vas créer de vrais personnages, avec des caractères "de tous les jours", des gens simples qui dérapent. Aucune tentation de verser dans le glauque, dans l’hémoglobine à profusion ?

 

Lucienne Cluytens : Je n’accroche pas à l’horreur. Je n’en lis pas, je n’en regarde pas à l’écran. Ça me fait gerber. J’ai bien essayé mais j’ai décroché à chaque tentative. Je sais que ça existe. Je laisse ça à d’autres, plus doués. Quand j’ai dû décrire comment "La Grosse", Eva, avait fait pour tuer sa rivale, le corps-à-corps pour déjà l’endormir au chloroforme avec les chairs qui se touchent, qui gigotent l’une contre l’autre car bien sûr la victime n’était pas d’accord, j’ai dû réécrire le paragraphe à de nombreuses reprises et pas de gaieté de cœur. Je voulais faire ressentir au lecteur l’aversion qu’Éva avait pour ce qu’elle était en train de faire. Ça a été un vrai cauchemar pour moi.


Sébastien Mousse : Le commandant Flahaut est un flic atypique, c’est le moins que l’on puisse dire, pas un fanatique de la procédure, mais le genre de personnage que l’on aime bien, un flic attachant. On le retrouvera encore ?

 

Lucienne Cluytens : Un solitaire, épris de justice (je le qualifie parfois de psychorigide) mais en profond désaccord avec le fonctionnement carriériste de ses supérieurs et de ses collègues. Dans Miss Lily-Ann, il en est à sa quatrième enquête. Une cinquième aventure est terminée. Je n’ai pas envie de l’abandonner. Se mettre dans la peau d’un homme est assez jouissif.

 

Sébastien Mousse : On va inaugurer ensemble deux nouvelles questions, que les lecteurs retrouveront désormais avec chaque auteur, la première : Si l’on doit écouter une musique, une chanson en lisant Miss Lily-Ann, laquelle et pourquoi ?

 

Lucienne Cluytens : La musique culte du film "In the mood for love". J’ai adoré le film, bien sûr, mais j’ai eu un coup de foudre pour les vêtements de l’héroïne, ces cols montants très hauts des tuniques de soie qu’elle porte et qui mettent en valeur d’une façon très romantique son long cou gracile. Ils m’ont inspiré la ligne de vêtements "Miss Lily-Ann" qui est au cœur de l’intrigue de mon polar.

 

Sébastien Mousse : Si tu devais faire lire ton livre à un personnage, fictif, réel, mort, vivant, peu importe, qui serait-ce ?

 

Lucienne Cluytens : Ce serait Simenon, pour lui demander après lecture : "Est-ce que vous avez pris plaisir à entrer dans ce microcosme ? Vous semble-t-il crédible ?"

 

Sébastien Mousse : Quelle est ton actualité littéraire du moment, Lucienne ?

 

Lucienne Cluytens : Polars, philosophie et critique sociale de Philippe Corcuff (avec des dessins de Charb). J’essaie de comprendre pourquoi le polar a tant la faveur du public, car je suis sûre que ce n’est pas qu’une mode mais qu’il répond à un besoin profond des lecteurs. Je m’accroche, car c’est assez ardu (pour moi).

 

Sébastien Mousse : Lucienne, je te remercie de m’avoir accordé un peu de ton temps.

 

Sébastien Mousse,
Directeur littéraire et thanatopracteur.

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