Les litiges susceptibles de s’élever entre des élèves de centres de formation aux métiers du funéraire et les écoles : le jugement de la juridiction de proximité d’Avignon en date du 21 janvier 2013.

 

Le 21 janvier dernier, le juge de proxi- mité auprès du tribunal d’instance d’Avignon a rendu une décision qui, à notre sens, serait susceptible de servir de référence, à défaut de jurisprudence, eu égard au faible degré de la juridiction dans la hiérarchie des instances judiciaires françaises, décision relative à une situation conflictuelle qui opposait une élève stagiaire dans une école de la région P.A.C.A, à cet organisme.

M. M. s’était inscrit auprès d’une école du sud-est de la France afin de recevoir une formation pour la préparation à l’examen théorique du diplôme national de thanatopracteur. Après cinq semaines de présence, il décidait de changer de centre de formation et rejoignait une école concurrente, avec deux de ses col- lègues qu’il avait subtilement convaincus de le suivre dans cette démarche.

 

Les griefs qu’il adressait à l’orga- nisme de formation portaient sur les points suivants :

 

- Il estimait que les cours proposés n’étaient pas conformes au contenu du programme imposé par le décret n° 2010-516 du 18 mai 2010 et son arrêté d’application du même jour, notamment dans le domaine de l’enseignement des matières médicales qui, selon lui, n’étaient pas dispensées par des enseignants universitaires en médecine.

- Que certains enseignants et intervenants dans cette école ne disposaient pas de diplômes afférents aux matières qu’ils professaient ;

- Que l’organisme, lui-même, ne possé- dait pas d’habilitation (terme utilisé par le requérant, alors qu’il ne pouvait s’agir que d’un agrément) pour dispen- ser la formation ;

- Que la formation théorique aux soins de conservation n’était pas suivie par les candidats au diplôme national de thanatopracteur sur une période de trois mois consécutifs ;

- Que les feuilles de présence étaient falsifiées ;

- Que le ménage des salles de cours ainsi que celui de la cuisine étaient laissés à la charge des élèves ;

- Que le requérant n’aurait jamais été destinataire de la convention de stage et avait appris au début de sa formation qu’il devait s’inscrire lui-même à l’examen du diplôme national de thanatopracteur.

 

Dans ses considérants, le juge de proximité a examiné tour à tour ces griefs.

 

- Sur l’enseignement des matières médicales : Après avoir énoncé les textes désormais en vigueur (décret n° 2010-516 du 18 mai 2010 sur les conditions de la formation et de l’organisation de l’examen aux épreuves théoriques, ayant modifié le Code Général des Collectivités Territoriales, articles D. 2223-122 à D. 2223-126 et D. 2223-130 à D. 2223-132, et l’arrêté ministériel du 18 mai 2010, le magistrat se fonde sur l’art. 1er de l’arrêté susvisé qui mentionne que : "Les matières médicales sont dispen- sées par des enseignants universitaires de médecine", pour estimer que les documents produits aux débats attes- taient que les deux médecins étaient bien de tels enseignants, l’un en activité à la faculté de médecine de Montpellier et le second ayant occupé durant plus de vingt ans les fonctions d’assistant du professeur titulaire de la chaire de médecine légale au sein de cette même faculté. Que ni le décret, ni l’arrêté du 18 mai 2010, n’imposent de par leur formulation, que ces enseignants universitaires de médecine soient ou non en activité, aucune proposition de cette nature n’y étant édictée. La défense de l’organisme de formation avait plaidé cette rédaction assez laconique du texte, et si elle admettait que le juge judiciaire avait bien capacité à interpréter un texte réglementaire, l’art. 1er de l’arrêté du 18 mai 2010 ne pouvait donner lieu à une interprétation par le juge de proximité car, dans ce cas, il s’agissait de déterminer la volonté du ministre, ce qui relevait d’une question préjudicielle, uniquement de la compétence des juridictions administratives, le Conseil d’État en l’espèce, s’agissant d’un acte du gouvernement.

 

- Sur les autres moyens portant sur les qualifications des enseignants intervenant dans les autres matières, dont le requérant soutenait qu’ils ne possédaient pas les diplômes exigés, le juge n’a pu que les écarter en relevant que les textes susvisés n’imposaient aucune obligation de détention de diplômes, seul le contenu des enseignements prodigués pouvant, le cas échéant, être contesté en produisant des moyens formels.

- En ce qui concernait le défaut d’habilitation reproché par le plaignant à l’organisme de formation, le magistrat a retenu les arguments exposés par la défense, qui avait fait valoir que la notion d’habilitation était circonscrite en droit funéraire, depuis la loi du 8 janv. 1993 et les textes subséquents, aux opérateurs funéraires (entre- prises, associations et régies municipales, chargées de l’organisation et de l’exploitation du service extérieur des pompes funèbres), alors que les organismes formateurs relevaient des articles L. 6352-1 et suivants du Code du travail, imposant un déclaration auprès des autorités compétentes et recevant, à la suite, un numéro de formateur. Que de surcroît, la société incriminée par son ancien élève était reconnue par les pouvoirs publics, puisque membre désigné par le décret du 18 mai 2010 du Comité national d’évaluation de la formation pratique, ce qui lui assurait une notoriété certaine et une légitimité incontestable.

- Sur la durée de la formation sur une période continue de trois mois :

Il était fait grief à l’organisme d’avoir accordé entre Noël et le jour de l’an un congé exceptionnel aux stagiaires pour leur permettre de passer ces fêtes dans leurs familles, nombre d’entre eux ayant été coupés de leurs proches par les exigences et la durée de la formation. Le jugement a rejeté cet argument, au demeurant assez fallacieux, en disposant "qu’il paraît légitime d’accorder aux stagiaires une période de pause pour retrouver leurs familles".

Sur ce point, la défense de la société de formation avait plaidé qu’en matière sociale et de droit du travail, une période de congé n’était pas interruptive du contrat de travail et par extension, cette semaine accordée ne portait pas atteinte à l’unicité de la convention de formation, et n’était pas contraire aux dispositions des textes réglementaires régissant la formation des thanatopracteurs, qui n’interdisaient pas expressément cette courte pause, la coupure n’ayant pas affecté, de surcroît, la durée globale de la formation.

- Sur la falsification des feuilles de présence, le requérant n’ayant produit aucun moyen de preuve, cette accusation a été rejetée.

Nous passerons volontairement sur les allégations afférentes au ménage des salles qui, selon les dires du requérant, était imposé aux élèves, alors que la société avait produit des factures de l’entreprise de nettoyage.

- Sur le moyen relatif à la convention de stage, il a été démontré que le sta- giaire mécontent avait bien été destina- taire de la documentation générale, du bulletin d’inscription qu’il avait validé, mais aussi de la convention, qu’il s’était abstenu volontairement de signer, alors qu’il avait suivi durant cinq semaines la formation, ce qui a été qualifié par le juge d’une adhésion volontaire aux conditions générales proposées par l’organisme.

- Enfin, sur le reproche adressé à la société de formation portant sur les modalités d’inscription à l’examen théorique, il a été démontré par la défense que l’arrêté ministériel intervenant chaque année pour fixer le nombre de places dédiées à la formation pratique, qui, en fait, instaure un véritable numérus clausus, indique les modalités de l’inscription des candidats, laquelle leur incombe désormais, depuis les textes parus le 18 mai 2010. L’unique obligation imposée aux organismes de formation porte sur la délivrance d’une attestation de suivi de l’enseignement des matières théoriques, dont nous rappellerons que leur durée est passée de 150 h (décret du 1er avr. 1994) à 195 h.

En définitive, non seulement le plaignant a été débouté de toutes ses demandes et prétentions, mais a été condamné au paiement de dommages et intérêts ainsi qu’au règlement des frais dits irrépétibles (frais exposés par la défense de la partie qui triomphe), sur le fondement de l’art. 700 du Code de procédure civile. Certes, il s’agit, en l’espèce, d’un jugement émanant d’une juridiction de premier degré située au rang le plus bas de la hiérarchie des tribunaux de l’ordre judicaire, mais elle vaut, néanmoins, par l’interprétation qu’elle a fournie de la notion "d’enseignants universitaires de médecine", qui servira de référence aux écoles de formation pour la préparation de l’examen théorique et, à un degré moindre, sur la faculté d’accorder, en période de fin d’année, une pause afin de permettre aux stagiaires de passer les fêtes de Noël et du jour de l’an en famille.

 

   Jean-Pierre Tricon

 

Jean-Pierre Tricon, Avocat au bureau de Marseille. 

 

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