Le plus fréquemment la perte d’un enfant sans vie se déroule en milieu hospitalier, le corps devant alors être déposé à la chambre mortuaire où il sera rendu à ses parents.

 

Alors que la circulaire n° 2001-576 du 30 nov. 2001 traitait également du sort des fœtus de moins de 500 grammes et de moins de 22 semaines d'aménorrhée, le décret du 1er août 2006 se limite aux enfants sans vie visés à l'art. 79-1 du Code civil. Toutefois, cette précision est devenue sans objet depuis l'adoption de trois arrêts de la Cour de cassation en date du 6 fév. 2008 venant préciser le statut des enfants nés sans vie (Cass., 1re civ., 6 fév. 2008, pourvois nos 06-16.498, 06-16.499 et 06-16.500) et des textes qui les ont suivis (deux décrets du 20 août 2008).

Comme le rappelle le communiqué de presse de la Cour de cassation publié en même temps qu'étaient rendus publics les trois arrêts, depuis la loi n° 93-22 du 8 janv.1993 instituant l'art. 79-1 du Code civil, les enfants nés sans avoir vécu peuvent être déclarés à l'officier d'état civil, lequel établit alors un acte d'enfant sans vie qui énonce les jour, heure et lieu de l'accouchement. Cet acte, qui est inscrit à sa date sur les registres de décès, permet notamment d'attribuer des prénoms à l'enfant, de désigner ses parents, de l'inscrire sur le livret de famille à titre de simple mention administrative, d'avoir accès à certains droits sociaux, et autorise les parents à réclamer le corps de l'enfant afin d'organiser des obsèques.

 

Fœtus, enfant sans vie et viabilité

 

À défaut de précision de la loi, une difficulté est apparue pour déterminer le moment à partir duquel un fœtus pouvait être considéré comme "un enfant sans vie". Se fondant sur la définition de la viabilité donnée en 1977 par l'Organisation mondiale de la santé, l'instruction générale de l'état civil prescrivait aux officiers d'état civil de n'inscrire que les enfants mort-nés après un terme de 22 semaines d'aménorrhée ou ayant un poids égal ou supérieur à 500 grammes. C'est ainsi que, dans les

 

trois affaires soumises à la Cour de cassation, une cour d'appel avait débouté de leur demande tendant à ordonner à l'officier d'établir un acte d'état civil, les parents d'enfants mort-nés ne répondant pas à ces critères.

En cassant les arrêts rendus par cette cour d'appel, au motif qu'elle avait ajouté à la loi des conditions que celle- ci ne prévoit pas, la Cour de cassation a, au contraire, entendu indiquer que l'art. 79-1 du Code civil ne subordonnant l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du fœtus, ni à la durée de la grossesse, tout fœtus né sans vie à la suite d'un accouchement pouvait être inscrit sur les registres de décès de l'état civil, quel que soit son niveau de développement.

 

Il est possible à cet égard de rappeler les propos de M. Pierre Murat qui estime que : "la nature d'être humain des fœtus même en deçà du seuil de viabilité et l'aide due aux parents pour accomplir leur travail de deuil passent certainement par la possibilité de donner une forme de sépulture, mais on ne dira jamais assez vigoureusement que la qualité d'être humain et le respect qui lui est dû n'ont rien à voir avec l'octroi de la personnalité juridique ou même avec une inscription quelconque à l'état civil" ("Droit de la famille", avr. 2002, chro- nique n° 48, p. 23). Ce même auteur a d'ailleurs posé la question essentielle du débat (Droit de la famille, oct. 1999, chronique 112, p. 15) : "À partir de quel seuil la sensibilité contemporaine sur les débuts de la vie humaine pousse-t-elle à conserver la trace d'un tout jeune être ?".

 

 

De la viabilité au certificat d’accouchement

 

Ces arrêts ont amené le Gouvernement à publier, au cours de l’été 2008 (JO 22 août 2008 p. 13144, 131475 et 13165), une série de textes destinés à faire respecter les dispositions du Code civil (V. notamment D. Dutrieux, "Enfant sans vie et livret de famille" : JCP A 2008, act. 800 ; J.-R. Binet, "Inscription à l’état civil des enfants nés sans vie" : JCP N 2008, act. 611), à savoir deux décrets du 20 août 2008, n° 2008-798 modifiant le décret n° 74-449 du 15 mai 1974 rela- tif au livret de famille et n° 2008-800 relatif à l’application du second alinéa de l’art. 79-1 du Code civil, et un arrêté relatif au modèle de certificat médical d’accouchement en vue d’une demande d’établissement d’un acte d’enfant sans vie.

 

Ce dernier texte a été l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (recours en quelque sorte annoncé eu égard à la réaction des requérants lors de la publi- cation des textes précités ; V. G. Loiseau, L’acte II d’enfant sans vie : Dr. famille 2008, comm. 135) rejeté par le juge administratif suprême (D. Dutrieux, Le modèle de certificat d’accouchement destiné à l’établissement des actes d’enfant sans vie validé par le Conseil d’État : note CE 2 avr. 2010, n° 325252 : Droit administratif, août – sept. 2010, comm. 124, p. 43). Le juge administratif a en effet confirmé la possibilité pour le Gouvernement de fixer par arrêté le modèle de certificat d’accouchement et la légalité du pouvoir des médecins de délivrer un tel certificat.

 

Restitution immédiate

 

Les textes applicables prévoient que le corps de l'enfant sans vie peut être réclamé dans les dix jours. Par ailleurs, sauf l'hypothèse d'une autopsie destinée à la recherche des causes du décès (Code de la santé publique, art. 1112-76-III), le corps non réclamé doit faire l'objet d'une crémation dans le délai de deux jours francs. La restitution de l'enfant sans vie est, comme celle du corps des personnes décédées à l'hôpital, immédiate. Il convient d'observer que seuls le père et la mère sont en droit de réclamer le corps de l'enfant sans vie, les autres membres de la famille ne se voyant reconnaître aucun droit sur le corps. Par ailleurs, aucune disposition ne prévoit l'hypothèse d'un conflit entre les père et mère. Il semble néanmoins que soit applicable le recours au juge d’instance, compétent en matière de funérailles.

 

Crémation ou inhumation

 

Alors que les enfants sans vie non réclamés étaient considérés comme des déchets anatomiques par la circulaire du 30 nov. 2001, le décret (Code de la santé publique, art. R. 1112-76 II-2°) impose la crémation, à la charge de l'établissement de santé (aucune participation de la commune n'est dès lors exigible), sauf si la commune de rattachement de l'établissement hospitalier permet l'inhumation dans le cimetière. Le Code de la santé publique prévoit, pour l'inhumation, l'existence d'une convention entre l'établissement et la commune, cette convention ayant très certainement également pour objet la prise en charge financière des opérations d'inhumation (eu égard aux tarifs pratiqués dans différents crématoriums, certains établissements de santé devraient être tentés, pour des raisons budgétaires, d'obtenir l'accord de la commune afin de procéder à des inhumations).

 

Damien Dutrieux,

consultant au CRIDON Nord-Est,

maître de conférences associé

à l’Université de Lille 2.

 

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