Mon attention a été attirée par plusieurs responsables d’entreprises spécialisées dans le transport des corps vers les pays du Maghreb sur les difficultés qui leur sont opposées par de nombreuses communes de la région PACA ; celles-ci exigent, depuis l’intervention du décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, que les autorisations de transport de corps vers l’Algérie soient délivrées, selon le régime de droit commun, par le sous-préfet de l’arrondissement du département où s’est produit le décès, par le préfet de l’arrondissement du chef-lieu et par le préfet de police à Paris.

 

JP-Tricon
Jean-Pierre Tricon,
avocat au barreau de Marseille

Selon la circulaire du ministère de l’Intérieur du 27 novembre 1962, cette autorisation requise par la loi française "n’exclut pas les formalités que peuvent exiger les pays étrangers qui reçoivent un corps ou le laissent passer en transit". Ladite circulaire rapelle qu’il convient de s’adresser à ce sujet aux représentants consulaires de ces puissances… "Les cercueils hermétiques utilisés pour les transports de corps à destination ou en provenance des pays étrangers doivent être établis conformément aux règles fixées par l’art. R. 2213-26 du CGCT."
Rappel art. R.2213-26 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), modifié par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, art. 25 :
"Le corps est placé dans un cercueil hermétique satisfaisant aux conditions fixées au a) de l’art. R. 2213-27 dans les cas ci-après :
1° Si la personne était atteinte au moment du décès de l'une des infections transmissibles dont la liste est fixée à l’art. R. 2213-2-1 ;
2° En cas de dépôt du corps soit à résidence, soit dans un édifice cultuel ou dans un caveau provisoire, pour une durée excédant six jours ;
3° Dans tous les cas où le préfet le prescrit."

 

Ce texte renvoie à l’art. R. 2213-27, ainsi libellé :

 

"Les cercueils hermétiques doivent être en matériau biodégradable et répondre à des caractéristiques de composition, de résistance et d'étanchéité fixées par arrêté du ministre chargé de la Santé après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, et du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF).
Ils doivent ne céder aucun liquide au milieu extérieur, contenir une matière absorbante et être munis d'un dispositif épurateur de gaz répondant à des caractéristiques de composition de débit et de filtration fixées par arrêté du ministre chargé de la Santé après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, et du CNOF.
Lorsque le défunt était atteint de l'une des infections transmissibles dont la liste est fixée au a) de l’art. R. 2213-2-1, le corps est enveloppé dans un linceul imbibé d'une solution antiseptique."
Antérieurement au décret du 28 janvier 2011, le transport de corps après mise en bière était régi par l’article R. 2213-21 du CGCT, qui prescrivait :
"Lorsque le corps d’une personne décédée est, après fermeture du cercueil, transporté dans une commune autre que celle où cette opération a eu lieu, l’autorisation de transport est donnée, quelle que soit la commune des destinations à l’intérieur du territoire métropolitain ou d’un département d’outre-mer, par le maire de la commune du lieu de la fermeture du cercueil."
Il convient donc d’insister sur le fait que les transports des corps après mise en bière, et cela valait, également, pour les transports des corps avant mise en bière, relevaient d’une autorisation délivrée par l’autorité communale compétente.
L’art. 22 du décret du 28 janvier 2011 a inséré dans le CGCT un nouvel art. R.2213‑21, qui prévoit :
"Après fermeture du cercueil, le corps d'une personne décédée ne peut être transporté dans une commune autre que celle où cette opération a eu lieu, sans une déclaration préalable effectuée, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de fermeture du cercueil, quelle que soit la commune de destination à l'intérieur du territoire métropolitain ou d'un département d'outre-mer.
La déclaration préalable au transport indique la date et l'heure présumée de l'opération, le nom et l'adresse de l'opérateur dûment habilité qui procède à celle-ci, ainsi que le lieu de départ et le lieu d'arrivée du cercueil."

 

Un constat s’impose :

 

Le maire n’est plus compétent pour autoriser spécifiquement un transport de corps après mise en bière, vers une commune autre que celle où la fermeture du cercueil a eu lieu, puisque le décret du 28 janvier 2011 a substitué au régime juridique de l’autorisation celui de la déclaration écrite effectuée par tout moyen, par l’opérateur funéraire.
Pour les transports des corps vers les départements d’outre-mer, la déclaration préalable suffit, mais en revanche, pour ceux ayant pour destination l’étranger, même si le décret a requalifié cette notion en distinguant les collectivités territoriales d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et l’étranger, le régime de droit commun est l’obtention d’une autorisation préfectorale pour que ces transports puissent avoir lieu, qui s’étend, en outre, au transport des urnes cinéraires, lequel est soumis intégralement à ces autorisations du représentant de l’État compétent, y compris, curieusement, les transports des cendres vers les départements d’outre-mer.
Ce rappel de l’évolution de la réglementation en vigueur, notamment depuis l’intervention du décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, permet d’aborder spécifiquement le cas des transports de corps vers l’Algérie.
En effet, seront rappelés les termes de la circulaire du ministère de l’Intérieur du 27 novembre 1962, qui énonçait que :
"L’autorisation de transport de corps est donnée par le maire de la commune du lieu de décès (ou du lieu d’inhumation s’il y a déjà eu transport de corps) sous réserve d’en rendre compte dans les 24 heures au préfet. Elle est donnée par le préfet de police dans le ressort de sa préfecture. En conséquence, une autorisation municipale est suffisante pour les transports de corps entre la France métropolitaine et l’Algérie, et vice versa…"
Il sera, également, précisé que cette circulaire imposait l’emploi d’un cercueil hermétique établi conformément aux dispositions du décret du 31 décembre 1941 (art. 9), modifié par l’arrêté du Gouverneur général de l’Algérie en date du 20 juillet 1951.
Et la circulaire de conclure :
"M. le ministre d’État chargé des Affaires algériennes m’a fait connaître que ces prescriptions demeuraient en vigueur, malgré l’accession de l’Algérie à l’indépendance."

 

La question que l’on doit se poser est la suivante :

 

Ces dispositions issues de la circulaire du ministère de l’Intérieur, en date du 27 novembre 1962, sont-elles toujours d’actualité ? À notre sens, la réponse est négative.
En effet, le maire n’étant plus compétent pour délivrer une autorisation de transport de corps soit vers une commune située dans le territoire métropolitain, soit vers un département d’outre-mer, puisqu’un régime de déclaration préalable a été substitué à celui de l’autorisation, il n’existe plus dans le droit français de situation, en matière de transport de corps après mise en bière, maintenant cette capacité à autoriser un tel transport, sachant que les autorisations expresses du maire ne portent, depuis le décret du 28 janvier 2011, que sur les crémations, l’inhumation et l’exhumation.
Dans ces conditions, la formulation de la circulaire du ministère de l’Intérieur en date du 27 novembre 1962, qui énonçait : "L’autorisation de transport de corps est donnée par le maire de la commune du lieu de décès (ou du lieu d’inhumation s’il y a déjà eu transport de corps…", ne trouve plus lieu à s’appliquer puisque, naturellement, le maire ne délivre plus de telles autorisations, la circulaire étant désormais dépourvue de base légale et réglementaire.

 

Une confirmation d’une telle analyse s’impose

 

Elle donnera lieu, prochainement, à une question écrite d’un sénateur des Bouches-du-Rhône adressée au ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales.

 

Jean-Pierre Tricon

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