Les titulaires d’une concession funéraire peuvent engager la responsabilité de la commune en cas de refus illégalement opposé par le maire à l’inhumation.

Contrairement à la culture anglo-saxonne, où l’inhumation est le plus souvent individuelle, il est de tradition en France de regrouper les morts dans des sépultures familiales. Cependant, une sépulture ne peut recevoir un nombre de corps qu’à concurrence de limites que vont imposer soit l’acte de concession, soit les éléments purement matériels de la dimension de la sépulture. Lorsqu’il est saisi d’une demande d’inhumation, le maire doit d’abord vérifier le droit que possède le défunt d’être inhumé dans la sépulture.

Possibilité d’inhumer des corps supplémentaires

Parmi les décisions rendues par les juridictions administratives concernant la responsabilité du maire en la matière, il est possible de retenir celui de la cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy 18 mars 2004, commune de Haguenau, req. n° 99NC01602 [voir annexe]), qui, après avoir reconnu la possibilité qui existait d’inhumer des corps supplémentaires, considère que le maire ne pouvait refuser d’inhumer et a donc commis une faute engageant la responsabilité de la commune.

Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) indique en effet dans son art. L. 2223-3 que la sépulture dans un cimetière d’une commune est due :
"1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune, mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci."
Ainsi, dès lors que le défunt jouit du droit à être inhumé dans une concession familiale (ce que doit vérifier l’autorité municipale), le maire ne peut refuser la délivrance de l’autorisation d’inhumer, à l’exception de l’hypothèse où la sépulture ne peut plus recevoir d’autres corps. Or, c’est sur ce dernier point qu’une commune a vu sa responsabilité engagée devant la cour administrative d’appel de Nancy, puisque le requérant a démontré qu’une réduction de corps (qui est assimilée par la Cour de cassation à une exhumation ; Cass. 1re civ., 16 juin 2011, n° 10-13.580 : JCP A, n° 27, 4 juillet 2011, 2240, p. 21, note D. Dutrieux) permettait de jouir d’une place dans la sépulture, et rendait donc illégal le refus fondé sur l’absence de place.

Conséquences pour la commune

Il convient de rappeler que les communes peuvent choisir d’accorder dans leurs cimetières une ou plusieurs des catégories prévues par le Code, à savoir des concessions temporaires pour quinze ans au plus, des concessions trentenaires, des concessions cinquantenaires ou des concessions perpétuelles. Quelle que soit la durée retenue, c’est l’acte de concession qui va, tout d’abord, déterminer le nombre de corps pouvant être inhumés, en indiquant nommément la personne (concession individuelle) ou les personnes (concession collective).

Cependant, relativement souvent, l’acte est établi au nom du fondateur (premier concessionnaire) de la sépulture et pour leurs enfants et successeurs ; il s’agit des concessions dites "de famille". Pour ces concessions, l’acte n’indique donc pas nommément les personnes pouvant être inhumées. Ensuite, l’acte peut indiquer le nombre de "places" dans la sépulture, qu’il s’agisse d’ailleurs d’une concession en pleine terre ou dans laquelle aura été construit un caveau. Dans cette dernière hypothèse, le nombre de corps doit s’entendre comme des inhumations simultanées, puisqu’il va être possible pour les concessionnaires soit de changer les corps après exhumation des premiers inhumés, soit de réduire ou réunir les corps. C’est au regard de cette faculté que la cour administrative d’appel de Nancy, dans son arrêt du 18 mars 2004, considère le refus du maire d’autoriser l’inhumation comme illégal et engage à ce titre la responsabilité de la commune.

L’Administration étant tenue de respecter non seulement les règles de droit édictées par les autorités qui lui sont supérieures, mais encore ses propres règles, le maire ne pouvait refuser de délivrer l’autorisation d’inhumation, ne pouvant se prévaloir d’une interdiction de réunion ou réduction de corps dans son règlement (dont la légalité est désormais douteuse depuis l’arrêt précité de la Cour de cassation [Cass. 1re civ., 16 juin 2011, n° 10-13.580] puisque, a priori, la réduction ou réunion de corps, s’assimilant à l’exhumation, ne peut être interdite). Le refus étant illégal, et toute illégalité étant par définition fautive (CE, Sect. 19 juin 1981, Mme Carlier : Rec. CE p. 274), la commune est logiquement tenue d’indemniser le préjudice subi et notamment les frais inhérents aux exhumations pratiquées et à la fondation d’une nouvelle sépulture à la suite du refus.

Bibliographie :
D. Dutrieux, "Le régime juridique des concessions funéraires" : 5e éd. "La Lettre du Cadre Territorial" 2011.

Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.

CAA Nancy 18 mars 2004, Commune de Haguenau, req. n° 99NC01602

Extraits de l’arrêt :

"(…) Considérant que le maire de Haguenau a refusé l’inhumation de M. Léon Florent X, décédé le 28 août 1994, dans la tombe objet de la concession que ce dernier avait conclue avec la mairie de Haguenau le 30 juin 1975, au motif que la présence de trois corps dans la sépulture, qui ne pouvait en contenir que deux, ne le permettait pas ; que la sœur de M. X, sur les conseils de la commune, a conclu une nouvelle concession funéraire avec elle pour y inhumer M. Léon Florent X et a fait procéder ultérieurement à l’exhumation de sa mère et de ses grands-parents pour les réinhumer aux côtés de son père ; que M. Léon X, fils du défunt, a demandé, devant le tribunal administratif de Strasbourg, à la commune la réparation du préjudice qui a résulté pour lui du refus d’inhumation et des frais d’exhumation et de réinhumation qu’il a exposés ; que, par jugement en date du 10 juin 1999, les premiers juges ont déclaré la commune responsable du préjudice ainsi subi et condamné cette dernière à payer à M. Léon X la somme de 37 274 F ; que la requête de la commune de Haguenau est dirigée contre ledit jugement ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’art. 330-1 du règlement du service des cimetières de la ville de Haguenau fixé par arrêt du maire en date du 3 juillet 1990 : dans les tombes à double profondeur, une nouvelle inhumation à la place inférieure n’est possible qu’après expiration du délai de reprise pour la place supérieure. Le délai de reprise (durée de rotation) pour les tombes est fixé à 10 ans pour les enfants, jusqu’à 5 ans révolus, 15 ans pur les adultes ; qu’il résulte de l’instruction que si la tombe, objet de la concession que M. Léon Florent X avait conclue avec la mairie de Haguenau le 30 juin 1975, ne comprenait que deux places et si trois personnes y avaient été déjà inhumées en 1943, 1959 et 1978, le délai de reprise de 15 ans était écoulé en 1994 depuis la dernière inhumation ; que, par suite, la commune ne pouvait s’opposer à l’inhumation de M. Léon Florent X dans la sépulture familiale dès lors que le délai de rotation avait été respecté ; qu’il suit de là que la commune de Haguenau n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l’a déclarée responsable du préjudice subi par M. Léon X à raison du refus opposé à l’inhumation de son père M. Léon Florent X dans ladite sépulture et l’a condamnée à verser à M. Léon X la somme de 37 274 F ; (…)"

 

 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations