Après une autopsie judiciaire, le procureur rend le corps à la famille, pour qu’elle procède aux funérailles du défunt, conformément à l’article 230-29 du Code de procédure pénale. Cet article prévoit que le procureur autorise l’inhumation du corps, mais il ne prévoit ni la crémation, ni le certificat médical de décès nécessaire au maire pour autoriser la fermeture du cercueil, opération préalable et indispensable à l’inhumation ou la crémation.
Or, en 2011, un procureur particulièrement pointilleux a respecté à la lettre cet art. 230-29 en délivrant un permis d’inhumer alors que le défunt souhaitait une crémation et sans délivrer le certificat médical de décès, opérations pourtant demandées et renouvelées par la famille.
In fine, le maire ne pouvait autoriser la fermeture du cercueil, ni encore moins autoriser la crémation. Il a donc dérogé au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) pour autoriser la fermeture du cercueil et l’inhumation, au grand dam de la famille.
Conscient que la crémation représente 30 % des funérailles et que l’absence de certificat médical de décès empêche toute opération funéraire légale, le sénateur Jean-Pierre Sueur a donc interrogé le ministre de la Justice afin de le sensibiliser à la mise à jour de cet article. Cette mise à jour est d’autant plus nécessaire que l’article actuel viole la liberté des funérailles dans le cas d’une crémation. La question écrite, ci-jointe, déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur est donc particulièrement claire.
Le ministre de la Justice, dans sa réponse, ignore totalement le problème du certificat médical de décès, qui est la base des opérations funéraires dans le CGCT. Toutefois, il est d’accord pour que le procureur autorise l’inhumation, et même la crémation, si toutes les analyses ont été réalisées. Le maire, ne pouvant autoriser l’inhumation ou la crémation sans la fermeture préalable du cercueil (art. R. 2213-17 du CGCT), est donc en droit d’exiger du procureur un certificat médical de décès, sur la base du CGCT et de cette réponse du ministre de la Justice.
Le procureur demandera alors à son médecin légiste (qui a recherché les causes de décès dans le cadre de l’autopsie judiciaire) de remplir un certificat médical de décès. Puisque ce certificat médical est indispensable au maire, il peut être procédé à une réquisition du procureur car c’est le procureur qui commande le médecin légiste. Cette réquisition doit être réalisée par l’autorité administrative compétente sur le territoire du bureau du procureur : si le maire est dans une autre commune, il doit demander la réquisition au préfet du département du bureau du procureur.
Dans sa réponse, le ministre de la Justice, qui est le garant du droit, assimile l’autorisation d’inhumation prévue à l’art. 230-29 du Code de procédure pénale à une autorisation générale : pour lui, si le procureur a terminé les analyses à réaliser sur le corps de la personne autopsiée, et seulement dans ce cas, il peut délivrer une autorisation de crémation. Cette réponse à la question écrite du sénateur Jean-Pierre Sueur complète donc l’art. 230-29 et permet au maire de réclamer une autorisation de crémation au procureur si les dernières volontés de la personne décédée sont pour cette crémation.
Attention cependant, le procureur peut délivrer une autorisation d’inhumation et refuser une autorisation de crémation s’il estime que des analyses complémentaires pourraient être effectuées.
Cette réponse à la question écrite du sénateur Jean-Pierre Sueur complète donc l’article 230-29 du Code de procédure pénale pour que le procureur délivre une autorisation de crémation, si c’est possible.
L’opérateur funéraire pourrait demander cette autorisation au procureur, mais il peut être suspecté de volonté mercantile et il vaut mieux que ce soit le maire qui effectue cette demande. Le maire en profitera pour rappeler l’art. 433-21-1 du Code pénal qui réprime tout délit de violation des funérailles.
L’opérateur funéraire, qui est au contact des familles, doit garder cette question écrite car il lui revient d’informer la famille confrontée à ce problème, le maire et parfois même le procureur de cette subtilité du droit. À la famille, il doit expliquer ce qu’il est possible de faire en cas d’autopsie judiciaire, sous réserve de l’autorisation du procureur. En cas de difficulté entre le procureur et les volontés du défunt, il doit fournir au maire les arguments juridiques (c’est-à-dire cette question écrite) pour que le maire intervienne auprès du procureur.
Sur le plan juridique, la réponse du ministre de la Justice laisse à désirer puisqu’elle permet de réaliser des actions non prévues par le Code de procédure pénale. Toutefois, la logique est sauvegardée. On peut légitimement penser que ce Code vient d’être mis à jour par la loi du 17 mai 2011 pour prendre davantage en compte la famille lors des autopsies judiciaires et qu’il était certainement trop tôt pour envisager une nouvelle mise à jour. Nul doute que cette lacune du droit, désormais levée, soit enregistrée au ministère pour être intégrée lors de la prochaine modification de l’art. 230-29 du Code de procédure pénale.
En attendant, force est de conserver cette question écrite et sa réponse.

Claude Bouriot
 
Crémation après une autopsie judiciaire

13e législature


Question écrite n°19952 de M. Jean-Pierre Sueur (Loiret – SOC)
Publiée dans le JO Sénat du 08/09/2011 – page 2316

M. Jean-Pierre Sueur appelle l’attention de M. le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés, sur les conditions de l’application de l’art. 230-09 du Code de procédure pénale qui précise les conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire rend le corps de la personne décédée à sa famille et délivre une autorisation d’inhumer à l’issue d’une enquête ou d’une information judiciaire. Cet article ne prévoit pas explicitement la possibilité de recourir à une crémation du corps. L’art. L. 2223-42 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) interdisant à un maire d’autoriser la fermeture d’un cercueil sans que soit délivré par un médecin un certificat de décès conforme au modèle imposé par l’arrêté du 24 sept. 1996. Ni l’inhumation ni la crémation du corps ne peuvent avoir lieu dès lors que ce certificat n’est pas présenté. Il s’étonne, dans ces conditions, qu’un procureur de la République ait récemment refusé de faire établir un certificat de décès au motif que le Code de procédure pénale n’y faisait pas explicitement référence. Cette décision a eu pour conséquence de contraindre le maire à déroger à la réglementation funéraire. C’est pourquoi il lui demande de lui confirmer que la crémation est possible dans les cas précités nonobstant le fait que ces dispositions ne sont pas explicitement mentionnées dans l’art. 230-29 du Code de procédure pénale.

Réponse du ministère de la Justice et des Libertés
Publiée dans le JO Sénat du 29/12/2011 – page 3346

L’art. L.2223-42 du CGCT dispose que "l’autorisation de fermeture de cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat, établi par un médecin, attestant le décès". En outre, l’art. R.2213-17 du même Code précise que "l’autorisation, établie sur papier libre et sans frais, est délivrée sur production d’un certificat du médecin chargé par l’officier d’état civil de s’assurer du décès et attestant que celui-ci ne pose pas de problème médico-légal".
Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence d’obstacle médico-légal, le certificat de décès établi par un médecin conditionne l’autorisation de fermeture de cercueil, et par suite, d’inhumation ou de crémation. En revanche, en application de l’art. 81 du Code civil, "lorsqu’il y aura des signes ou indices de mort violente, ou d’autres circonstances qui donneront lieu de le soupçonner, on ne pourra faire l’inhumation qu’après qu’un officier de police judiciaire, assisté d’un docteur en médecine ou en chirurgie, aura dressé procès-verbal de l’état du cadavre, et des circonstances y relatives, ainsi que des renseignements qu’il aura pu recueillir sur les prénoms, nom, âge, profession, lieu de naissance et domicile de la personne décédée".
L’art. 74 du Code de procédure pénale précise d’ailleurs que "en cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai et procède aux premières constatations".
Ainsi, dès lors qu’il existe un obstacle médico-légal, une enquête judiciaire est menée sous le contrôle du procureur de la République, qui peut notamment ordonner la réalisation d’une autopsie médico-légale. Dans cette hypothèse, l’art. 230-29 du Code de procédure pénale, introduit par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, prévoit que : "lorsqu’une autopsie judiciaire a été réalisée dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire et que la conservation du corps du défunt n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, l’autorité judiciaire compétente délivre dans les meilleurs délais l’autorisation de remise du corps et le permis d’inhumer".
S’agissant de la crémation, l’art. R.2213-34 du CGCT précise que "Lorsque le décès pose un problème médico-légal, la crémation ne peut avoir lieu qu’après l’autorisation du parquet qui peut subordonner celle-ci à une autopsie préalable, effectuée par un médecin légiste choisi sur la liste des experts et aux frais de la famille".

Ainsi, dès lors qu’une autopsie judiciaire a été réalisée et que le corps de la personne décédée n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, il appartient au procureur de la République d’autoriser ou de refuser la crémation du défunt, après avoir vérifié qu’aucun nouvel examen technique ne sera nécessaire.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations