La crémation d’un cercueil hermétique reste problématique, car les crématoriums refusent de crématiser ce type de cercueil. Un article récent paru dans "La Voix du Nord" (08 avril 2015) relate la déconvenue d’un opérateur funéraire français qui n’a pas pu obtenir la possibilité de rouvrir le cercueil en France. La défunte était décédée en Belgique, mais la famille souhaitait organiser une cérémonie en France avant la crémation du cercueil. Or le procureur de la République, sollicité par l’opérateur funéraire, a refusé de donner suite à sa demande et le corps a dû faire l’objet d’une crémation en Belgique avec retour des cendres en France. Plusieurs fois interrogée sur ce cas de figure, la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) reprend l’article qu’elle avait déjà publié en août 2012, mais qui conserve toute son actualité. Il n’est pas prévu réglementairement de pouvoir rouvrir un cercueil hermétique afin de transférer le corps dans un cercueil en bois susceptible d’être incinéré.

 CPFM fmt

Laribe Pierre 2015 fmt
Pierre Larribe,
responsable juridique
de la CPFM

Les Français voyagent de plus en plus. De fait, le risque de décéder à l’étranger augmente. Les rapatriements ne sont pas exceptionnels et ces opérations sont prévues et encadrées par la réglementation. Une fois arrivé en France, le cercueil doit être inhumé ou incinéré dans les six jours (non compris dimanches et jours fériés) à compter du jour de l’arrivée (articles R. 2213-33 et R. 2213-34 du CGCT). Si l’inhumation d’un cercueil provenant de l’étranger ne présente pas de difficulté (sous réserve de valider la compatibilité des dimensions du cercueil avec celle du caveau…), il en va autrement de son incinération.

En effet, si réglementairement l’opération peut être autorisée par la commune du lieu de crémation, les crématoriums, pour des contraintes techniques, n’acceptent pas d’incinérer des cercueils métalliques. Et l’idée qui consiste à envisager de "changer de cercueil" n’est pas prévue par la réglementation française.

La réglementation n’autorise pas la réouverture d’un cercueil avant cinq ans, même pour permettre une crémation !

Que prévoit la réglementation actuelle ? Une fois un cercueil fermé, il n’est pas possible, en France, de le rouvrir avant que ne se soit écoulé un délai de cinq ans (troisième alinéa de l’art. R. 2213-42 du CGCT). Et ceci s’applique, que le cercueil ait été fermé en France ou à l’étranger. Ces dispositions relèvent d’un principe de santé publique, considérant que les risques biologiques liés au corps en décomposition sont susceptibles d’être inexistants au-delà de cette durée. C’est donc dans l’intérêt de la collectivité que le cercueil ne soit pas rouvert avant un certain temps à compter de sa fermeture.

Le développement de la crémation en France a généré des cas de figure que les pouvoirs publics n’ont pas encore identifiés ni pris en compte, et qui sont à l’origine de difficultés pour les opérateurs funéraires. Le rapatriement des corps des ressortissants français décédés à l’étranger se fait avec un cercueil hermétique. Ceci découle de l’application des accords internationaux sur les rapatriements des corps (accord de Berlin et accord de Strasbourg) et de l’application des accords internationaux pour les transports aériens, qui prévoient les uns comme les autres que les corps soient transportés dans un cercueil hermétique.
Les cercueils hermétiques habituellement utilisés sont en métal, munis d’un filtre épurateur, enchâssés dans un cercueil en bois. Il n’est pas question de rouvrir ce type de cercueil avant que ne se soient écoulés cinq ans.

Si la famille souhaite organiser une crémation, elle se heurtera à une difficulté d’ordre technique, car les crématoriums refusent d’introduire dans les fours des cercueils métalliques. Si la réponse "technique" proposée par les crématoriums semble simple (il n’y a qu’à "changer" de cercueil !), elle est réglementairement impossible.

Une solution consisterait à transporter le cercueil contenant le défunt dans une caisse "hermétique" le temps du voyage ; à l’arrivée, il serait procédé à l’ouverture de la caisse et à l’extraction du cercueil sans que celui-ci soit ouvert. Cette solution est difficile à mettre en œuvre. Elle se heurte, d’une part, à des résistances d’usage (on n’a jamais fait ça) et, d’autre part, à l’inadaptation des équipements (la plupart des véhicules de transport de corps après mise en bière ne sont pas en mesure de transporter des caisses aussi volumineuses). Sans compter les surcoûts qu’engendre la construction de cet emballage spécial.

Ainsi, la plupart du temps, on pense pouvoir se tourner vers la solution qui consisterait à ouvrir le cercueil en bois, puis à ouvrir le cercueil hermétique et à en sortir le corps du défunt pour le redéposer dans le cercueil en bois (ou un autre cercueil compatible avec une crémation). Il est impératif que les opérateurs funéraires comprennent que cette opération (souvent évoquée sous l’appellation de "dépotage" ou de "dézingage") n’existe pas dans la réglementation funéraire française.
On objectera que "cela s’est déjà fait" et qu’il suffit, pour pouvoir rouvrir un cercueil, de "demander l’autorisation du procureur de la République".

Étudions cette proposition d’un peu plus près et voyons pourquoi elle n’est pas solide

Le procureur de la République (en tant que représentant du ministère public) peut, dans des cas exceptionnels, passer outre certaines contraintes réglementaires et peut ordonner (et non pas "autoriser") la réouverture d’un cercueil alors que sa fermeture remonte à moins de cinq ans. Mais il faut que le procureur ait une bonne raison pour ordonner l’ouverture du cercueil (par exemple, la suspicion d’une infraction, d’un problème médico-légal, dont l’ouverture du cercueil et l’examen du corps permettraient sans doute de confirmer ou d’infirmer les hypothèses préalables).

Ainsi, un procureur de la République sollicité pour ordonner la réouverture d’un cercueil en provenance de l’étranger, alors que la cause du décès ne présente aucun caractère suspect et que l’identité du défunt est avérée, pourra considérer qu’il n’a aucune raison pour aller à l’encontre des règles qui prévoient que le cercueil ne soit pas être rouvert avant une durée définie. Et les familles, tout comme les opérateurs funéraires qu’elles ont sollicités, devront alors se conformer aux dispositions réglementaires générales.

En l’occurrence, la seule réponse réglementaire possible consiste à inhumer le cercueil pendant une durée d’au moins cinq ans. Et au-delà de ce délai, un des proches parents demandera l’autorisation d’exhumer le cercueil afin de faire procéder à la crémation des restes exhumés. Il sera alors possible, réglementairement, d’ouvrir le cercueil et de transférer les restes mortuaires dans un cercueil compatible avec une crémation.

"Autoriser" et "Ordonner" : deux verbes qui ne sont pas du tout synonymes

La notion d’autorisation, accordée par une autorité (administrative ou judiciaire) suite à la demande formulée par un demandeur, renvoie à une opération clairement définie et prévue par la réglementation. Elle sera accordée si les critères qui encadrent l’opération sont respectés, et dans ce cas, elle ne peut être refusée.

La notion d’ordre, intimé par une autorité (administrative ou judiciaire), renvoie à une situation d’exception, qui n’est pas "prévue" de façon habituelle ou régulière. L’autorité, au vu de la situation spécifique, donnera, au cas par cas, un ordre qui devra être exécuté. Mais, selon les circonstances et les différents cas de figure, l’ordre ne sera pas systématique.


S’il est humainement compréhensible que les familles soient très affectées par ce refus, il est fondamental que l’opérateur funéraire soit pleinement conscient des valeurs qui sont en jeu afin de ne pas se mettre en porte-à-faux, tant à l’égard de ses clients que de la réglementation. Il sera confronté, d’une part, à une demande particulière (le souhait de la crémation, souvent exprimé par le défunt, et que les familles ont à cœur de respecter, sous peine de s’attirer les foudres du défunt mécontent…) et, d’autre part, à la sauvegarde d’un intérêt collectif (enjeu sanitaire à laisser le cercueil fermé durant cinq années). Et l’intérêt collectif prime sur l’intérêt particulier.

L’opérateur funéraire prend un grand risque quand il s’avance auprès de ses clients, leur assurant qu’il suffira d’obtenir une "autorisation" pour pouvoir rouvrir le cercueil et procéder à son changement afin de pouvoir techniquement réaliser ensuite la crémation. Cette autorisation n’existe pas, ni un maire ni un préfet ne peuvent donc l’accorder (voir réponse ministérielle à la question n° 51785 parue au J.O.A.N. du 1er février 2005). Il essaiera alors d’obtenir d’un procureur de la République que soit donné l’ordre de rouvrir le cercueil, mais, comme on l’a vu plus haut, rien ne garantit que le procureur accepte de donner cet ordre. Devant ces fins de "non-recevoir", l’opérateur funéraire sera dans l’obligation de revenir vers ses clients et de leur signifier l’impossibilité de donner suite à leur demande.
Il est important, pour un opérateur funéraire confronté à une demande de ce type, d’informer la famille dès le début de l’entretien sur l’impossibilité réglementaire de donner suite à leur demande. Il conviendra de proposer l’inhumation du cercueil pendant cinq ans et de veiller à mettre en œuvre une exhumation et une crémation des restes exhumés. Il pourra également évoquer, mais avec réserve et précaution, la possibilité, pour la famille, de solliciter le procureur de la République et si celui-ci accepte de prendre en considération les arguments qu’elle soulève et qu’il ordonne la réouverture du cercueil, envisager le changement de celui-ci et mettre en œuvre une crémation

Attention ! Il existe, dans l’opinion publique, des a priori quelquefois tenaces (à l’instar des taxes qui doivent être acquittées sur chaque commune traversée lors d’un transport funéraire sur une longue distance…). La possibilité de pouvoir rouvrir systématiquement un cercueil hermétique afin de permettre la crémation du défunt en est un.

Un exemple récent est venu d’un attaché d’ambassade française dans un pays d’Amérique du Sud, qui a garanti à la famille d’une personne décédée lors d’un voyage touristique, qu’une fois le cercueil parvenu en France, l’ouverture du cercueil serait facilement autorisée. Quels ne furent pas les désagréments et l’incompréhension de la famille, une fois revenue en France, devant le refus qui lui était opposé à la pratique de cette opération.

Quel procureur de la République solliciter ?

Il n’existe pas d’indication sur ce point. A priori, on peut penser qu’il conviendra que la famille s’adresse au procureur de la République du lieu de la crémation.

Qui devrait solliciter le procureur de la République ?

Ce ne peut être que la famille, ou la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. L’opérateur funéraire n’est pas fondé à formuler cette requête. Il sera judicieux que la famille trouve, pour argumenter sa demande, des critères renvoyant à un doute sur l’identité du défunt ou sur des circonstances suspectes concernant le décès. Il ne faut pas perdre de vue qu’il ne s’agit pas d’une autorisation, et que rien n’oblige le procureur à répondre favorablement à la sollicitation de la famille


Le "dépotage" : mythe ou réalité ?

Des opérations de "dépotage" ont effectivement déjà été réalisées. En effet, il arrive qu’un procureur de la République, sollicité pour ordonner la réouverture d’un cercueil hermétique, accepte de prendre cette décision exceptionnelle. Attention, cependant, à ne pas en conclure que cette opération est donc devenue possible (au sens où l’on pourrait considérer le "dépotage" comme une opération courante, soumise à autorisation). Chaque situation est un cas particulier et les cas où un procureur de la République ordonne la réouverture d’un cercueil hermétique sont autant d’exceptions qui confirment le principe de la non-réouverture du cercueil avant un délai de cinq ans.

Pratiquement, que prévoir si un procureur ordonne la réouverture d’un cercueil hermétique ?

Ce n’est pas une opération simple. Il faut d’abord s’assurer de pouvoir disposer d’un local propice au bon déroulement de cette opération. À tout le moins une salle technique dans une chambre funéraire… Il conviendra également de prévoir des tenues de protection adaptées pour le personnel qui procédera aux différentes étapes de l’opération. L’ouverture du cercueil métallique se fera avec des instruments et des protections adéquats. Attention, même si le cercueil est pourvu d’un filtre épurateur, il peut s’être produit dans le cercueil hermétique une accumulation de gaz. Il conviendra d’être prudent lors de la rupture de l’enveloppe métallique (risque de projection de gaz ou de liquide). Le port d’équipement de protection du visage (masque, lunettes) est recommandé.

La manipulation de la dépouille mortelle devra se faire avec précaution, après avoir apprécié l’état de celle-ci (risque de thanatomorphose avancée…) et en prenant les précautions nécessaires compte tenu des arêtes que pourront présenter les parois du cercueil métallique dont le couvercle aura été découpé. La dépose de la dépouille mortelle dans le nouveau cercueil en bois devrait présenter moins de risques, mais nécessitera d’œuvrer avec prudence jusqu’à la fermeture du couvercle. Bien que rien ne le prévoie (il s’agit d’une disposition exceptionnelle), il est probable que le procureur exige qu’un représentant de la police assiste à l’opération depuis la réouverture du cercueil jusqu’à la fermeture du nouveau cercueil, sur lequel devraient être apposés deux scellés de cire.

Il faudra également prendre en compte l’évacuation des anciens cercueils (celui en bois et celui en métal). Le cercueil en bois devra être démantibulé, les éléments ligneux (planches) et les éléments métalliques (poignées, tirefonds, emblèmes…) seront traités dans les filières de retraitement de déchets correspondants. L’élimination du cercueil métallique pourra présenter quelques difficultés compte tenu de son état suite à la présence de la dépouille mortelle. Il conviendra d’en assurer une "désinfection" avant de le diriger vers une filière collectant les déchets de nature métallique.
Sur un plan économique, le devis que l’entreprise devra établir préalablement devra prendre en compte l’ensemble des frais consécutifs à ces opérations, y compris les frais d’élimination des déchets, qui devront être refacturés aux clients (dans la rubrique des prestations réglées auprès d’entreprises tierces pour le compte du client).

Vers un allègement des contraintes pour le rapatriement des corps ?

Il existe une possibilité plus simple pour les familles, lorsque le décès est survenu dans un pays où la crémation est pratiquée. La crémation peut être réalisée dans le pays du lieu de décès, et il est plus facile de rapatrier l’urne contenant les cendres du défunt, pour leur donner en France, la destination finale correspondant aux attentes du défunt et de sa famille. Mais cela implique, pour les proches, une difficulté en termes d’obsèques et de cérémonial, puisque la crémation n’aura pas lieu en France. Or, l’adieu au défunt en présence de son cercueil reste un moment fort et important des traditions funéraires en France.
La CPFM a déjà interrogé et sollicité les pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau européen, afin d’alléger les contraintes pesant sur les rapatriements, au moins en Europe (voir le manifeste rédigé par la CPFM), sans obtenir de réponse claire. Ce questionnement reste d’actualité et la Confédération va de nouveau relancer cette réflexion. En attendant que cette situation connaisse un aménagement réglementaire, il convient que les opérateurs funéraires restent prudents lorsqu’ils sont confrontés à une demande de crémation du corps d’une personne décédée à l’étranger.

Pierre Larribe
CPFM

Ce qu’en dit le ministère de l’Intérieur …

Plusieurs réponses du ministère de l’Intérieur à des questions de parlementaires sur ce sujet confirment les éléments suivants :

"Le droit en vigueur ne permet pas en effet la réouverture du cercueil (l’art. R. 2213-20 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) prévoit que la fermeture du cercueil est définitive)."

Extrait de la réponse à la question N° 08950 publiée au JOSN du 6 mars 2014

"S’agissant de la crémation d’un cercueil métallique, cette opération n’est pas réalisable, pour des raisons techniques, dans les crématoriums situés sur le territoire français. De plus, conformément à l’art. R. 2213-20 du Code précité, la fermeture du cercueil est définitive. Toute réouverture du cercueil est donc impossible, sauf dans le cadre d’une instruction judiciaire diligentée par le procureur de la République. Dans ces conditions, lorsque le corps d’une personne décédée est mis en bière dans un cercueil métallique, il n’est plus possible de procéder à la crémation de la dépouille."

Extrait de la réponse à la question n° 11626 publiée au JOSN du 30 décembre 2010

"En l’état actuel du droit, le cercueil ne peut être rouvert, sauf à constituer une violation de sépulture. L’art. R. 2213-20 du CGCT prévoit en effet qu’une fois les formalités légales et réglementaires accomplies, il est procédé à la fermeture définitive du cercueil. L’intervention du procureur de la République ne peut être envisagée que dans le cadre d’une procédure judiciaire, essentiellement en cas de doute sur l’identité de la personne se trouvant dans le cercueil ou de circonstances suspectes concernant le décès."

Extrait de la réponse à la question n° 00179 publiée au JOAN du 14 février 2006

"Toute réouverture du cercueil, étant, en principe, considérée comme une violation de sépulture, est susceptible d’être sanctionnée pénalement. Toutefois, cette opération peut être réalisée, à titre exceptionnel, après intervention du ministère public."

Extrait de la réponse à la question n° 48496 publiée au JOAN du 14 février 2006

"En l’état actuel du droit, ni le maire ni le préfet ne peuvent autoriser la réouverture du cercueil ; il appartient donc à la famille souhaitant faire procéder à la crémation d’une personne décédée à l’étranger de solliciter auprès du procureur de la République une telle autorisation [sic] permettant le transfert du corps de la personne décédée dans un cercueil en bois, conforme aux prescriptions fixées par l’art. R. 2213-25 du CGCT et utilisable en cas de crémation."

Extrait de la réponse à la question n° 5178cinq publiée au JOAN du 1er février 2005

Résonance n°110 - Mai 2015

 

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