La loi du 19 décembre 2008 consacre le cimetière comme lieu de destination principal des cendres, à côté du site cinéraire des crématoriums lorsqu’il en existe et de la dispersion en pleine nature. Il convient ainsi de noter la création d’une sous-section du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dénommée "destination des cendres".

 

Dupuis Philippe 2015 fmt
Philippe Dupuis, consultant
au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires
territoriaux au sein
des délégations du CNFPT.

L’art. L. 2223-18-2 y dispose :

À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité :
- soit conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’art. L. 2223-40 ;
- soit dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’art. L. 2223-40 ;
[...]

Liminairement, le Gouvernement affirme que les règles d’implantation du cimetière ne s’imposent aucunement aux sites cinéraires qui ne seraient pas situés dans l’enceinte de ceux-ci (Réponse ministérielle n° 52752, JO AN du 23 décembre 2014).
 
Nous ne partageons pas cette position.

En effet, l’art. L. 2223-1 du CGCT, quand il énonce que "chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetières dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts et, dans les communes de 2 000 habitants et plus ou les établissements publics de coopération intercommunale de 2 000 habitants et plus compétents en matière de cimetières, d’au moins un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation", semble effectivement reconnaître la possibilité du site cinéraire isolé. Il apparaît néanmoins que l’art. R. 2223-9 du CGCT dispose que "le conseil municipal peut décider l’affectation de tout ou partie d’un cimetière au dépôt ou à l’inhumation des urnes et à la dispersion des cendres des corps ayant fait l’objet d’une crémation".
Ainsi, à la lecture de ce texte, la position gouvernementale ne peut plus être soutenue. En effet, si un espace peut être entièrement dédié au site cinéraire, ce que traduit l’emploi de l’expression "tout ou partie", cet espace obéira indubitablement aux règles d’implantation des cimetières puisque cet article emploie expressément ce terme pour désigner l’espace entièrement consacré aux cendres. Ainsi, les règles régissant l’implantation doivent être respectées.

La dispersion des cendres dans le cimetière

Généralement dénommé "jardin du souvenir" (l’expression "jardin du souvenir" a néanmoins disparu des textes avec l’adoption du décret du 20 juillet 1998 relatif à la crémation). L’utilisation de l’expression neutre de "lieu spécialement affecté à cet effet" (CGCT, R. 2223-6) ne fait que consacrer la disparité des équipements mis en place par les communes et la variété des appellations qu’ils ont reçues.

Rappelons qu’il n’existe aucune règle juridique quant à la consistance des lieux de dispersion, l’imagination est donc au pouvoir public, dans le respect de la dignité et de décence, notions par ailleurs toutes relatives. L’opération de dispersion est désormais régie par l’art. R. 2212-39 du CGCT (la circulaire n° 97-00211 C du 12 décembre 1997 reconnaît même la faculté de prélever une taxe d’inhumation à l’occasion de la dispersion des cendres, même si l’appellation "taxe" est évidemment inappropriée).

La nouvelle rédaction de cet article issue du décret du 12 mars 2007 relatif à la protection des cendres funéraires subordonne désormais cette dispersion à une autorisation du maire. Il sera interdit, si ce lieu existe, de disperser les cendres à un autre endroit dans le cimetière, puisque, si un lieu est spécifiquement dédié à cette utilité, c’est bien qu’il est impossible d’en utiliser un autre. Le règlement pourrait prévoir la présence d’un fonctionnaire. Cet équipement est obligatoire depuis le 1er janvier 2013 pour les communes de plus de 2 000 habitants. Il doit de plus être muni d’un dispositif destiné à recueillir l’identité des défunts (L. 2213-2 du CGCT) : "Le site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation comprend un espace aménagé pour leur dispersion et est doté d’un équipement mentionnant l’identité des défunts […]."

Ce dispositif, à notre avis, ne peut être qu’un équipement où les familles auront la faculté de graver le nom de leurs défunts, voire, à l’instar de ce qui se pratique pour les carrés militaires, un registre placé dans un édicule sur le lieu de dispersion. La commune étant propriétaire de cet équipement en fixera les modalités d’utilisation. Néanmoins, le Gouvernement n’exclut pas, à notre sens à tort, que ceci consiste en un simple fichier (Rép. min. n° 09034, JO Sénat du 4 mars 2010, p. 537) ; voire qu’il soit temporaire (Rép. min. n° 12621 JO Sénat du 2 décembre 2010, p. 3165). La formulation de l’article pourrait laisser à penser que l’inscription de cette mention serait obligatoire, nous n’envisageons qu’avec difficulté qu’il puisse en pratique en aller ainsi.

Le columbarium

Le columbarium : ouvrage public

Parmi tous les dispositifs funéraires servant de sépultures, le columbarium est le seul qui soit propriété communale, il est un ouvrage immobilier incorporé au domaine public communal qu’est le cimetière (CE, 28 juin 1935, "Marécar", précité) et par là même un ouvrage public (CE 12 décembre 1986 : Rec. CE, p. 429 ; AJDA 1987 p. 283, obs. X. Prétot). Il est composé de cases où les familles déposent leurs urnes funéraires. La jurisprudence décida d’y appliquer le régime juridique des concessions funéraires (TA Lille, 30 mars 1999, Tillieu c/ Cne Mons-en-Baroeul : LPA 2 juin 1999, p. 17, note D. Dutrieux, : "contrairement à ce que soutient le maire de Mons-en-Barœul, le contrat de concession d’un emplacement dans le columbarium municipal comporte pour son titulaire les mêmes droits que le contrat de concession d’un terrain dans le même cimetière"), alors même que le CGCT n’y faisait pas explicitement référence, permettant alors de défendre la position suivant laquelle il ne s’agissait que de contrats d’occupation du domaine public usuel. On remarquera enfin que cet équipement ne sera pas obligatoire lorsqu’on dispose d’espaces concédés (or, en dépit du caractère facultatif des concessions funéraires, la plupart des communes en disposent, permettant alors l’inhumation de l’urne ou son scellement).

Le problème irrésolu du régime juridique du columbarium : une source inutile d’insécurité juridique

La loi du 19 décembre 2008 reformule l’art. L. 2223-2 du CGCT, qui dispose désormais que le site cinéraire devra comporter : "un columbarium ou des espaces concédés pour l’inhumation des urnes", renouvelant le questionnement quant à sa nature juridique. Tandis que le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, créant une nouvelle section consacrée au site cinéraire, vient compléter la partie réglementaire du Code consacrée au cimetière. L’art. R. 2223-23-2 vient désormais énoncer dorénavant que : "Lorsqu’ils sont concédés, les espaces pour le dépôt ou l’inhumation des urnes dans le site cinéraire sont soumis aux dispositions des articles R. 2223-11 à R. 2223-23."

Il existe donc une contradiction apparente entre la partie législative qui n’appliquerait pas le régime de la concession funéraire aux columbariums et la partie réglementaire : l’expression "espaces de dépôt des urnes" ne pouvant s’analyser que comme s’appliquant au columbarium. La perplexité touche à son comble, quand ce même premier alinéa applique aux columbariums les dispositions des articles R. 2223-11 à R. 2223-23 du CGCT. Or, ces articles renvoient essentiellement à la reprise des concessions en état d’abandon, ce qui est problématique car inapplicable aux cases de columbarium. En effet, le Conseil d’État, en dépit de quelques jurisprudences divergentes de CAA, qualifiant ces actes de contrats (CE, ass., 21 oct. 1955, Méline, Rec. CE 1955, p. 491 ; CE 1er décembre 1979, Berezowski, Rec. CE, p. 521). La reprise d’une concession abandonnée est depuis lors analysée par le juge comme la rupture de l’obligation qu’a le concessionnaire d’entretenir l’espace concédé, mais le columbarium étant propriété communale, c’est à la commune de l’entretenir, et il serait à tout le moins étrange qu’elle rompe unilatéralement ses liens avec une personne privée en raison de la méconnaissance d’une obligation qui lui incombe.

Les conséquences de cette lecture sont d’autant plus néfastes que l’art. R. 2223-23-3 du CGCT applique le régime de l’exhumation à la demande des familles au retrait d’urne des concessions du site cinéraire ; par contre, dans le cas où l’urne est déposée dans une sépulture n’obéissant pas à ce régime, une autorisation préalable suffira émanant du maire du lieu d’implantation du site. De nouveau, nous analysons, d’un strict point de vue exégétique, cette disposition comme s’appliquant aux columbariums, alors même que l’exhumation d’une urne d’une propriété privée (L. 2223-9 et R. 2213-32 du CGCT) se voit imposer le régime juridique de l’exhumation et donc tant d’une autorisation du maire que de la vérification de la qualité de plus proche parent du défunt, de la part du demandeur (R. 2213-40 du CGCT).

La réponse à cet imbroglio réside en fait dans une circulaire (NOR : CITBE 1201868C, du 2 février 2012 relative à l’application du décret du 28 janvier 2011 concernant les opérations funéraires) et tout particulièrement dans le passage suivant : "A contrario, un site cinéraire contigu à un crématorium peut être géré en gestion déléguée, dès lors que le crématorium auquel il est accolé fait l’objet d’une convention de délégation de service public.
Dans cette dernière hypothèse, le gestionnaire d’un crématorium ne disposant pas des prérogatives du conseil municipal (ou du maire, lorsque cette compétence lui est déléguée) relatives à l’octroi de concessions funéraires, les emplacements réservés aux urnes funéraires (columbariums, cavurnes...) sont soumis aux règles de nature contractuelle, de droit privé, établies entre le gestionnaire et les usagers du site. Toutefois, en application du second alinéa de l’art. R. 2223-23-3, tout dépôt ou retrait d’une urne au sein du site cinéraire ainsi géré devra faire l’objet d’une déclaration préalable auprès du maire de la commune, effectuée par la famille ou, à défaut, par le responsable du site."

Ainsi, nous comprenons que, sous le vocable de "site cinéraire", l’Administration a tant voulu réglementer ceux des cimetières que ceux contigus aux crématoriums. On appliquerait ainsi le régime des concessions aux premiers, les règles du droit privé aux seconds. Il est évident que cette position est fausse.

En effet, si un crématorium peut être géré par le biais d’une délégation de service public, et si le délégataire va devoir de plus souvent édifier cet équipement, l’art. L. 2223-40 du CGCT dispose expressément que le crématorium (par là même son site cinéraire contigu qui en est nécessairement l’accessoire au sens du Code général de la propriété des personnes publiques) est un bien de retour, c’est-à-dire un bien que le délégataire finance et réalise pour les nécessités du service public dont il a accepté l’exécution. Il ne peut donc en aucun cas en être propriétaire, car ces biens, dès l’origine, sont la propriété du délégant du service public (R. Le Mestre, "Droit des services publics", éditions Gualino, 283).
De surcroît, étant affecté au service public de la crémation, et aménagé pour la permettre, il appartient indubitablement au domaine public de la collectivité concédante. La nature contractuelle du lien unissant l’exploitant au titulaire de la case ne peut donc que relever du juge administratif. D’ailleurs, récemment, le Tribunal des conflits a rappelé que la compétence du juge judiciaire ne pouvait être retenue pour un contrat passé entre deux personnes privées, quant à une occupation du domaine public, dont l’une était délégataire d’un service public (TC, 14 mai 2012, Gilles c/ SESE et Ville de Paris, n° 3896 ; AJDA 2012, note R. Grand, n° 19, 4 juin 2012, p. 1031).

De surcroît, classiquement, le décret-loi du 17 juin 1938 qualifie de contrats administratifs ces contrats d’occupation du domaine public, et en attribue corollairement le contentieux au juge administratif. L’art. R. 2223-23-3 alinéa 2 du CGCT nous semble ainsi d’une légalité douteuse. Nous ne saurions trop recommander aux communes de s’en tenir à l’application tant du régime juridique des concessions funéraires, que de celui de la police des mêmes opérations dans la gestion des columbariums, et ce, quel que soit leur lieu d’implantation. Un règlement de cimetière sera particulièrement utile pour aligner le dépôt et le retrait sur celui des inhumations et des exhumations. Corollairement, le régime des concessions funéraire ainsi que celui des inhumations et exhumations trouvent pleinement à s’appliquer, même pour les sites cinéraires des crématoriums gérés en gestion déléguée.

Les sépultures d’urnes

Les sépultures d’urnes sont des concessions aux dimensions réduites (80 cm sur 80 cm le plus souvent, mais la réglementation ne fixe aucune dimension) destinées à recevoir des urnes (elles sont généralement regroupées au sein du cimetière, et est alors utilisée l’expression de "jardin d’urnes"). Très souvent, ces sépultures sont déjà aménagées par la commune, sous la forme de petits caveaux pré-aménagés dans lesquels seront introduites les urnes, et sur lesquels pourront être placés par les familles des monuments aux dimensions réduites. Le décret du 28 janvier 2011 leur applique le régime des concessions. Il importe de relever que, lorsque les communes se chargent de l’édification de ces sépultures d’urnes, le creusement, aussi superficiel soit-il, devra nécessairement être effectué par du personnel habilité (voir Résonance n° 112 p. 62 L’agent public et le cimetière : quelles limites a ses missions).

L’inhumation dans une concession, ou le scellement sur un monument

L’art. R. 2213-39 du CGCT permet le scellement de l’urne cinéraire sur un monument funéraire. C’est une possibilité offerte depuis le décret n° 98-635 du 20 juillet 1998 et qui est venu consacrer une pratique jusque-là illégale mais souvent tolérée par les maires. Les modalités de cette opération ne sont pas organisées par le décret, mais nous disposons d’une réponse ministérielle à ce sujet (réponse ministérielle n° 30827, JOAN Q, 30 août 1999, p. 5178). Ainsi, selon le Gouvernement, le scellement d’une urne équivaut donc à une inhumation et emporte les mêmes autorisations et perceptions de taxes. Le maire devra donc prévoir au règlement les modalités de ce scellement, particulièrement quant à la solidité de la fixation. Il pourra imposer que l’opération se fasse avec décence et soit surveillée par le personnel communal. Enfin, si l’urne est inhumée dans une sépulture classique, elle connaîtra le même régime juridique que le corps placé dans un cercueil.

Philippe Dupuis

Résonance hors-série #1 - Spécial Crémation - Août 2015

 

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