Les règlements de cimetières ne sont pas normalement obligatoires en tant que tels. Néanmoins, l’édiction d’un tel document est en pratique une nécessité pour la commune. En effet, ce document rédigé, tous les usagers, les entreprises, la commune elle-même, auront en main la ligne de conduite à suivre, le bréviaire de l’utilisation de cet espace public si particulier.

 

Le règlement de cimetière est une manifestation du pouvoir de police du maire

- La police administrative générale et le maire
Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), en son art. L. 2212-2, confie au maire la police municipale qui est la police du bon ordre, de la sécurité et de la salubrité publique. En droit, le terme "police administrative" est utilisé comme désignant une activité de réglementation. Il faut donc comprendre, par ce terme, que le maire doit prévenir les atteintes éventuelles sur le territoire de sa commune aux éléments que nous venons de citer. Nous verrons que de nombreuses interdictions édictées par le maire dans le cadre du règlement de cimetière ne sont en fait que l’application de mesures de prévention des atteintes à la sécurité, à la salubrité ou bien à l’ordre public.
 
- Le maire est titulaire d’une police spéciale en matière funéraire
Nous venons d’évoquer la police administrative générale, mais il existe des polices spéciales, c’est-à-dire des polices qui sont différentes de la police administrative générale quant à leur but, quant à l’autorité dépositaire du pouvoir de police, ou bien encore quant aux procédures permettant la réalisation de ces mesures de police. Il en va ainsi en matière funéraire, puisque les articles L. 2213-9 et suivants du CGCT instituent en matière funéraire des polices spéciales confiées au maire dans les domaines de l’hygiène, de la décence et de la neutralité, des inhumations et des exhumations dans les cimetières.
Le règlement de cimetière sera alors la manifestation écrite de ces compétences, destinées à faire respecter dans ces lieux les prescriptions touchant à ces notions. Il reste bien entendu que, si le maire dispose de ses pouvoirs de police, le conseil municipal reste seul compétent pour tout ce qui concerne la création, l’agrandissement, la translation, l’aménagement ou la suppression de cimetières, ainsi que pour instituer les concessions, en fixer la durée, et plus généralement fixer les prix et taxes applicables au cimetière. Le juge administratif a d’ailleurs étendu, pour mieux les contrôler, les pouvoirs de police du maire jusqu’au pouvoir de gestion de cette portion du domaine public qu’est le cimetière (CE, 20 février 1946, Cauchoix, Rec. CE, p. 53), et ce, au détriment des compétences du conseil municipal. Tout le problème du règlement est justement alors celui de savoir quelles sont les obligations que peut imposer le maire, au nom même des fondements de ce pouvoir de police, comme restrictions aux libertés des individus.

Le contenu du règlement de cimetière

- Quelles sont les dispositions possibles dans un règlement de cimetière ?
Le règlement de cimetière ne peut créer du droit que dans le respect de la hiérarchie des normes juridiques. Il est soumis aux règles juridiques supérieures édictées par les autorités nationales. S’il n’existe aucun règlement de cimetière, on appliquera les dispositions du CGCT, mais l’existence d’un tel règlement ne saurait avoir pour effet de permettre à la commune de s’affranchir des règles contenues dans celui-ci.
Par exemple, le Code fixe les dimensions minimales des espaces entre les tombes (art. R. 2223-4 du CGCT), il serait alors impossible d’en diminuer l’espacement dans le règlement. En effet, les règles contenues dans le CGCT s’imposent aux autorités locales. Néanmoins, le CGCT ne règle pas tout. Il existe de nombreux articles du CGCT où un principe est posé, mais pas ses modalités.
Par exemple, le scellement d’une urne est autorisé par le Code, mais celui-ci n’en précise pas les modalités. Il appartiendra alors au règlement, pour des raisons de police, d’en prévoir les prescriptions pratiques. De surcroît, en droit funéraire, la règle est souvent d’origine prétorienne, il existe donc des opérations autorisées par la jurisprudence, mais que le Code ne reprend pas, telle par exemple la réduction de corps. Il appartiendra alors au règlement d’en organiser les conditions de déroulement.
Enfin, il existe de nombreux points où le règlement vient tout simplement organiser la vie de cet équipement public, alors que ces points n’ont jamais été saisis par le droit, le plus souvent parce que relevant de simples règles d’organisation. In fine, il reviendra au juge administratif d’évaluer la régularité de ces normes eu égard tant aux règles juridiquement supérieures qu’aux grands principes gouvernant l’action administrative et organisant les libertés constitutionnelles.

- Le rôle fondamental du juge administratif
Qui dit mesures de police administrative dit nécessairement contrôle du juge administratif. Ce contrôle est guidé traditionnellement par trois principes.
Tout d’abord, celui selon lequel les pouvoirs de police doivent poursuivre des buts de police. Il convient alors, lorsqu’on édicte une mesure de police, de pouvoir la rattacher systématiquement à un motif de police. Ainsi, le juge refuse l’immixtion du pouvoir de police dans ce qui, pour lui, relève de l’esthétique (CE 18 février 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne : Rec. CE, p. 153). En effet, dans les énumérations des articles L. 2212-2 et L. 22213-9 et suivants du CGCT, il n’existe aucune référence à l’esthétique. Or, c’est un classique que de constater qu’un règlement tend parfois à vouloir réglementer l’esthétique, on pourrait par exemple citer l’impossibilité de l’interdiction des porte-fleurs sur les cases de columbarium, qui ne relève, pour le juge, pas de la police, mais bien de l’esthétique (TA Lille 30 mars 1999, Mme Tillieu c/ Commune de Mons-en-Barœul : LPA 2 juin 1999, note Dutrieux).
Deuxièmement, certaines mesures sont impossibles : le maire ne pourra subordonner l’activité d’administrés à une déclaration ou une autorisation préalable, que seul le législateur est susceptible de prendre. Il en va ainsi par exemple des inscriptions placées sur les pierres tumulaires, où l’art. R. 2223‑8 du CGCT oblige le maire à en vérifier la teneur, et lui permet d’interdire celles portant atteinte à l’ordre public (CE 4 février 1949, Dame Moulis c/ Maire de Sète : Rec. CE, p. 52). Par contre, le maire ne pourrait pas subordonner le dépôt d’une gerbe sur un monument aux morts à une quelconque autorisation (CE 23 décembre 1927, Delle Lucien : Rec. CE, p. 257). De plus, si une activité est interdite, il sera impossible à l’autorité de police de prévoir les modalités différentes pour accomplir cet acte.

Troisième principe : la mesure de police doit être nécessaire. C’est un principe traditionnel du droit administratif que la restriction posée par la mesure de police doit être proportionnée aux faits qui l’ont motivée. Une mesure de police disproportionnée aux faits qu’elle entend circonvenir ne pourra être qu’illégale. Enfin, comme corollaire, les mesures de police ne doivent être ni générales ni absolues.

La forme de l’exercice des pouvoirs de police : l’arrêté portant règlement de cimetière

L’arrêté est un acte juridique, il n’a pas à obéir sur la forme à des règles précises et déterminées. Néanmoins, il devra être daté, signé par l’autorité qui a le pouvoir de l’édicter. Il devra de plus pour créer du droit être publié et transmis au préfet afin que le contrôle de légalité puisse s’exercer.

- L’arrêté suit une structure simple
Le titre : ici "Arrêté portant règlement de cimetière". Ce titre définit l’objet de l’arrêté.
Les visas : les visas mentionnent les textes invoqués à l’appui de cet arrêté, ils doivent suivre la hiérarchie des normes et la chronologie des textes à l’intérieur de cette hiérarchie. Néanmoins, il importe de relever que les visas ne conditionnent pas la validité de l’acte en lui-même.
Les considérants énoncent les faits et circonstances qui ont motivé l’édiction de cet acte. Il suffit d’en indiquer deux ou trois en partant du plus général vers le plus particulier.

La mention : "Arrêté"

Le corps du texte subdivisé en chapitres et articles autant que de besoin. Ces articles doivent faire apparaître clairement les obligations et droits, les modalités de mise en œuvre, les conséquences, les effets voire les sanctions pour non-respect du règlement. Le style le plus simple est le meilleur, le temps utilisé sera le présent de l’indicatif, qui, en droit, vaut impératif.
La date et la signature (avec le nom et le prénom du signataire lisiblement écrits).
Ce qui importe surtout, c’est le perpétuel souci des services qui rédigeront ce document de bien poser clairement les obligations qu’impose ce règlement afin que tous puissent les comprendre et si possible être convaincus du bien-fondé des mesures imposées. Ce règlement, on l’a vu, est un arrêté, mais un arrêté de police. Il faut comprendre qu’il pose pour tous les usagers du cimetière le cadre de l’utilisation de cet ouvrage public si particulier. Néanmoins, sa dimension pédagogique n’est pas à mésestimer, le règlement devrait être le guide de conduite de tous ceux qui se rendent dans le cimetière.

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Résonance n°114 - Octobre 2015

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