Inévitablement, les communes, essentiellement urbaines, se posent ou se poseront la question de l’abandon du régime des concessions funéraires perpétuelles. Il conviendra alors de gérer au mieux les droits des concessionnaires au renouvellement de leurs concessions.

 

Dupuis Philippe 2015 fmt
Philippe Dupuis, consultant
au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires
territoriaux au sein
des délégations du CNFPT.

Le renouvellement est un droit

Le renouvellement est un droit, un droit contre lequel le maire ne peut s’opposer que pour des raisons tirées de l’ordre public. Le renouvellement se fait normalement au même emplacement. Le renouvellement fait par un héritier est valable pour tous les autres (CAA Marseille 9 février 2004 X, req ; n° 99MA00943), voire par une autre personne qu’un concessionnaire, quoique cela ne soit pas conforme au texte de l’art. L. 2223-15 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT – (TA Paris 18 février 2004, M. C. : Coll. Terr. 2004, n° 69). Le paiement du prix n’influant en rien sur les noms des titulaires de la concession.

L’article L. 2223-15 du CGCT dispose en effet en son alinéa quatre que : "Les concessions… sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, "les concessionnaires et leurs ayants cause peuvent user de leur droit au renouvellement".

Si le principe est clair, les modalités, l’étaient moins, jusqu’à l’intervention de l’arrêt Pujol du 21 mai 2007 (req : n° 281615). Les faits de l’arrêt sont les suivants : Une famille a acquis le 16 août 1960 dans le cimetière parisien de Bagneux une concession funéraire d’une durée de trente ans. Cette concession expirait le 16 août 1990. La famille n’en sollicite le renouvellement que le 9 août 1992 en demandant l’application du tarif en vigueur à la date d’échéance de la concession et non à la date du renouvellement effectif. La Ville de Paris refuse d’appliquer ce premier tarif, qui désormais n’a plus cours, et estime devoir appliquer celui en vigueur depuis le 1er juillet 1992.

Le Conseil d’État affirme alors "qu’il résulte de ces dispositions que le titulaire d’une concession funéraire temporaire, trentenaire ou cinquantenaire, bénéficie, à la date d’expiration de la période pour laquelle le terrain a été précédemment concédé, d’un droit au renouvellement de sa concession et que, s’il dispose d’un délai de deux ans pour exercer ce droit en formulant une demande en ce sens et en acquittant la redevance capitalisée payable par avance au titre de la nouvelle période, celle-ci court dans tous les cas à compter de la date d’échéance de la précédente concession, qui est celle à laquelle s’opère le renouvellement ; que, dès lors, le montant de la redevance due est celui applicable à cette date". Examinons les conséquences de cette jurisprudence.

Le prix du renouvellement

D’un strict de point de vue pratique, par l’arrêt Pujol, on est désormais fixé sur le sens de l’expression "au moment du renouvellement" au sens de l’art. L. 2223-15 du CGCT. Il faut bien entendre le moment où la concession arrive à son terme et non le moment où le renouvellement a effectivement lieu.
D’un point de vue théorique, on soulignera néanmoins que la position du juge administratif est étonnante, puisque l’émission d’un titre de recette pour une période déjà écoulée et pour un tarif qui n’est plus en vigueur semble à tout le moins difficile. Il faut alors préciser que, d’un point de vue pratique, les communes devront dorénavant archiver les tarifs des concessions funéraires, puisque ceux-ci leur seront indispensables pour l’application du tarif de renouvellement. Il ne serait pas surprenant que certains comptables publics renâclent devant une telle pratique. En résumé, le renouvellement effectué dans le délai de deux ans courra néanmoins à compter du terme précisé dans le contrat de concession, son prix sera celui qui était en vigueur au moment de l’échéance du contrat de concession.

Conséquence d’un non-renouvellement dans le délai de deux ans

Une question qui pourrait se poser est celle de connaître la position à adopter pour une commune, lorsque le renouvellement est demandé postérieurement au délai de deux ans. Juridiquement, le terme est échu et, le délai offert étant expiré, nous nous retrouvons devant des concessions funéraires non renouvelées. Or, passé ce délai, le terrain sur lequel est sise la concession fait retour à la commune, et les concessionnaires ne disposent plus d’aucun droit sur cet emplacement duquel les restes mortels et les ornements funéraires pourront être ôtés par la commune sans aucune formalité (CE 26 juillet 1985, M. Lefèvre et autres, Rec. CE, tables, p. 524).
En effet, il n’existe aucun formalisme autre que le délai de deux ans offert pour renouveler. La commune n’est en aucune façon obligée de lancer une procédure aussi lourde que celle de reprise des concessions en état d’abandon. Il n’est nullement exigé de prévenir la famille, de rédiger des procès-verbaux de description, etc. (le seul écueil étant de ne pas avoir prévu une procédure "maison" au règlement de cimetière). Passé ce délai de deux ans, la commune pourra alors enlever les ornements funéraires et concéder de nouveau l’emplacement après avoir procédé à l’exhumation des restes mortels s’y trouvant. Le caveau et le monument sont évidemment devenus sa propriété, elle en disposera comme bon lui semble.
Néanmoins, le ministère semble autoriser le maire à pratiquer un renouvellement tardif (Rép. min. n° 43470, JOAN 21 juillet 2009) : "Toutefois, dans la mesure où la commune n’a pas encore procédé à la reprise de la concession, le maire peut accepter discrétionnairement une demande de renouvellement qui serait présentée au-delà du délai de deux ans." La jurisprudence corrobore cette position : "Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’art. L. 361-15 du Code des communes alors applicable : "Les concessions sont accordées moyennant le versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal. Les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement.
À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement" ; qu’il résulte de ces dispositions que si un délai de deux années après l’expiration du contrat de concession funéraire est laissé à tous les concessionnaires ou à leurs ayants cause pour user de leur droit à renouvellement, la période pendant laquelle la demande de renouvellement peut être présentée à l’Administration et le renouvellement octroyé par cette dernière avant l’expiration du contrat n’est limitée par aucun délai" (CAA Douai, 3 avril 2003, M. Maurice X, req. n° 00DA00873).
En revanche, nous n’avons aucun renseignement sur les modalités tarifaires de ce renouvellement tardif. Néanmoins, à la lumière des faits de l’arrêt Pujol, il serait logique d’opter pour une régularisation des années écoulées. La question de savoir si un maire pouvait refuser le renouvellement en raison du défaut d’entretien de celle-ci aurait pu se poser. Néanmoins, une jurisprudence du tribunal administratif de Paris illustre à l’envi que le droit du concessionnaire et de ses ayants droit au renouvellement est en pratique absolu : "Si le maire assure, en vertu de l’art. L. 2213‑8 du même Code, la police des cimetières et peut, sur ce fondement, imposer au titulaire d’une concession funéraire et, en particulier, aux nouveaux titulaires, la réalisation de travaux propres à améliorer la sécurité ou la salubrité du cimetière, il ne saurait subordonner à la réalisation de tels travaux le renouvellement de ladite concession, dès lors que l’absence de réalisation de ces travaux ne saurait, en l’espèce, constituer un motif d’ordre public suffisant pour faire obstacle au droit de renouvellement précité." TA Paris 9 janvier 2007, n° 0418233, "La lettre du tribunal administratif de Paris" n° 12, avril 2007, p. 2 (http://paris.tribunal-administratif.fr/ta-caa/lettre-de-la-jurisprudence/)

Conversion

L’art. L. 2223-16 du CGCT dispose que "les concessions sont convertibles en concessions de plus longue durée". Il s’agirait donc, à la différence du renouvellement, d’une modification du contrat de concession en cours d’exécution, alors que le renouvellement ne devrait s’opérer qu’à l’expiration du titre. Cette opération est subordonnée à l’existence de la catégorie demandée dans le règlement de cimetière. Le maire ne peut s’y opposer, la conversion est un droit. Dans cette hypothèse, le maire peut décider d’accorder la conversion dans un autre emplacement que celui initial de la concession ; en quelque sorte, nous sommes devant une nouvelle concession en fait sinon en droit (CE 12 janvier 1917, Deconvoux : Rec. CE p. 38). Toutefois, le déplacement de la sépulture ne peut constituer une condition imposée à la conversion (Rép. min. n° 22464, JOAN Q 12/04/99 p. 2240).

Philippe Dupuis

Résonance n°115 - Novembre 2015

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