Le 17 décembre 2015 est publiée au Journal officiel une ordonnance (2015-1682) abrogeant l’art. L. 2223-32 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) et faisant évoluer les conditions de reconnaissance de nos métiers pour les ressortissants européens via les modifications des articles L. 2223-47 à 50. Surprise par ces dispositions, qui n’ont fait l’objet d’aucune concertation auprès de la Fédération Française des Pompes Funèbres (FFPF), pourtant organisation patronale représentative, qui n’émanent d’aucun des thèmes abordés lors des réunions du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF) – signalons au passage qu’aucune n’a eu lieu en 2015 –, la FFPF envoie aussitôt à ses adhérents une newsletter pour les alerter et connaître leur opinion. Ce qui crée une deuxième surprise… puisque la newsletter, pourtant lue à plus de 70 %, ne suscite… aucun étonnement et un silence unanime.

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Florence Fresse 2011
Florence Fresse,
déléguée générale de la FFPF.

Mais que dit donc ce fameux texte L. 2223-32 qui devait à nos yeux provoquer des réactions de la part des professionnels ?

L. 2223-32 : “Les régies et les entreprises ou associations habilitées doivent faire mention dans leur publicité et leurs imprimés de leur forme juridique, de l'habilitation dont elles sont titulaires et, le cas échéant, du montant de leur capital.“

D’accord, mais, comme me demandait un adhérent : “Dans le fond, ça change quoi, cette abrogation du texte ?“
Souvenez-vous… Par le passé, il y avait un monopole. Les plus anciens d’entre nous l’ont vécu, et normalement les autres en ont entendu parler… Puis il y eut la loi de 1993, et pour être plus précis la loi 93-23 du 8 janvier 93, qui libéralisait la profession, et permettait aux “privés“ une reconnaissance de leur expérience professionnelle ou les obligeait à suivre une formation, de 16 à 96 heures pour les salariés auxquels il fallait ajouter 40 heures de comptabilité pour les dirigeants, sésame pour obtenir ce qui fut d’abord un agrément, puis une habilitation en préfecture.
En gros, afficher notre nom de pompes funèbres dans un espace public (un de ces panneaux dont monsieur Macron aurait voulu sans doute peupler encore plus nos villages !) nous obligeait à y ajouter des mentions pas forcément lisibles par tous, comme notre numéro d’habilitation, la forme sous laquelle l’entreprise s’était créée, EURL, SARL…
Oui, c’était contraignant de penser dans nos messages à rappeler ces numéros. Contraignant, mais sécurisant. Pour les familles d’abord, parce que cette habilitation qu’il faut renouveler tous les six ans, avec un personnel en bonne santé, vacciné, apte, des diplômes devenus nécessaires, des équipements dans les funérariums qui ont nécessité des investissements pour être aux normes…, c’est un gage de sérieux de nos entreprises.
Pour nous aussi, car nous sommes 3 700 sur le territoire. Et mieux pouvoir se reconnaître les uns les autres quand le défunt quitte notre région pour arriver à l’autre bout du pays et qu’il faut déléguer à un confrère qu’on n’a jamais vu.
Combien de fois, d’ailleurs, avons-nous été contactés au siège de la FFPF par un adhérent qui nous demandait de prendre attache auprès d’une préfecture parce que le confrère exerçait sans habilitation ou implantait ses panneaux sans ces fameuses mentions obligatoires ? Ce numéro d’habilitation, par exemple, même si les listes préfectorales ne sont pas toujours revues chaque année, c’est notre crédit, notre sérieux, une preuve de notre respect de la réglementation. Et dans le pire des cas, la garantie d’un éventuel recours pour une famille insatisfaite ou spoliée par ceux qui ne méritent pas d’entrer ou de rester dans la “famille“.
Alors, à qui profiterait cette dispense de ces mentions que nous, pompes funèbres, avons inscrites sur tous nos documents ? En regardant l’ordonnance de plus près, on s’aperçoit qu’elle revient aussi dans le CGCT sur un autre volet, celui de la reconnaissance des compétences des ressortissants européens.
Pour mieux comprendre, nous avons publié l’avant/après. C’est sans doute une lecture fastidieuse, mais elle révèle des éléments intéressants, comme en témoigne le tableau ci-dessous :

Articles relatifs à la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen :
Texte initial (en rouge : les suppressions)Texte modifié (en vert : les ajouts)

Art. L. 2223-47 :

Les professionnels ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer de façon temporaire et occasionnelle sur le territoire national les activités professionnelles mentionnées aux articles L. 2223-23 et L. 2223-41, sous réserve :

1o D'être légalement établis dans un État membre ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen pour exercer la même activité ;

2o Lorsque l'activité ou la formation y conduisant ne sont pas réglementées dans l'État d'établissement, d'avoir exercé celle-ci dans un ou plusieurs États membres pendant au moins deux ans au cours des dix années qui précèdent la prestation ;

3o D'être titulaire de l'habilitation prévue à ces articles sans toutefois avoir à justifier du respect du 2o de l'article L. 2223-23 ;

Art. L. 2223-47 :

Les professionnels ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer de façon temporaire et occasionnelle sur le territoire national tout ou partie de ces activités professionnelles mentionnées aux articles L. 2223-23 et L. 2223-41, sous réserve :

1o D'être légalement établis dans un État membre ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen pour exercer la même activité ;

2o Lorsque l'activité ou la formation y conduisant ne sont pas réglementées dans l'État d'établissement, d'avoir exercé celle-ci dans un ou plusieurs États membres pendant au moins une année à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années qui précèdent la prestation ;

3o D'être titulaire de l'habilitation prévue à ces articles, sans toutefois avoir à justifier du respect du 2o de l'article L. 2223-23 ;

L'accès à une partie seulement des activités professionnelles s'effectue dans les conditions prévues par arrêté du ministre de l'Intérieur.

Art. L. 2223-48 :

Les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen souhaitant s'établir en France pour exercer les activités professionnelles mentionnées aux articles L. 2223-23 et L. 2223-41 doivent justifier :

1o D'une expérience professionnelle, en qualité de dirigeant au sens de l'art. 3. 1. i de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ou en qualité d'indépendant pour l'activité considérée :

  • de trois années consécutives ;
  • ou de deux années consécutives si le demandeur justifie d'une formation préalable sanctionnée par une attestation reconnue par l'État où il a exercé, ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent de cet État ;
  • ou de deux années consécutives si le demandeur justifie de l'exercice, pendant trois années, à titre de salarié ;

2o Ou d'une expérience professionnelle de trois années consécutives en qualité de salarié dans l'une des fonctions mentionnées aux articles L. 2223-19 et L. 2223-41, et aux mesures prises pour leur application au titre de laquelle il souhaite s'établir, si le demandeur justifie d'une formation préalable sanctionnée par une attestation reconnue par l'État où il a exercé, ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent de ce même État.

Dans tous les cas mentionnés au présent article, l'expérience professionnelle doit avoir été acquise dans un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen pendant les dix années qui précèdent la demande de reconnaissance de qualifications professionnelles.

Art. L. 2223-48 :

Les ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen souhaitant s'établir en France pour exercer tout ou partie des activités professionnelles mentionnées aux articles L. 2223-23 et L. 2223-41 doivent justifier :

1o D'une expérience professionnelle, en qualité de dirigeant au sens de l'article 3. 1. i de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ou en qualité d'indépendant pour l'activité considérée :

  • de trois années consécutives ;
  • ou de deux années consécutives si le demandeur justifie d'une formation préalable sanctionnée par une attestation reconnue par l'État où il a exercé, ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent de cet État ;
  • ou de deux années consécutives si le demandeur justifie de l'exercice, pendant trois années, à titre de salarié ;

2o Ou d'une expérience professionnelle de trois années consécutives en qualité de salarié dans l'une des fonctions mentionnées aux articles L. 2223-19 et L. 2223-41, et aux mesures prises pour leur application au titre de laquelle il souhaite s'établir, si le demandeur justifie d'une formation préalable sanctionnée par une attestation reconnue par l'État où il a exercé, ou jugée pleinement valable par un organisme professionnel compétent de ce même État.

Dans tous les cas mentionnés au présent article, l'expérience professionnelle doit avoir été acquise dans un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen pendant les dix années qui précèdent la demande de reconnaissance de qualifications professionnelles.

L'accès à une partie seulement des activités professionnelles s'effectue dans les conditions prévues par arrêté du ministre de l'Intérieur.

Article L. 2223-49 :

I. - Lorsque le demandeur ne remplit pas les exigences visées à l'art. L. 2223-48, il doit justifier :

1o Si la demande de reconnaissance porte sur l'activité de thanatopraxie :

  1. D'un diplôme, certificat ou titre, délivré par une autorité compétente lorsque cette activité est réglementée dans l'État dans lequel il a été délivré, d'un niveau équivalent ou immédiatement inférieur à celui prévu pour le diplôme national de thanatopracteur visé à l'art. L. 2223-45 et sanctionnant une formation professionnelle acquise principalement dans la Communauté européenne ou l'Espace économique européen ;
  2. Ou de l'exercice à plein temps de l'activité de thanatopraxie pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes dans un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas cette activité à condition de détenir un titre de formation. Toutefois, cette condition d'une expérience professionnelle de deux ans n'est pas exigée lorsque le titre de formation détenu par le demandeur sanctionne une formation réglementée ;

2o Si la demande de reconnaissance porte sur une des fonctions, autre que celle de thanatopracteur, mentionnées aux articles L. 2223-19 et L. 2223-41 et aux mesures prises pour leur application :

  1. D'une attestation de compétence, délivrée par une autorité compétente lorsque la fonction est réglementée dans l'État dans lequel elle a été délivrée, d'un niveau équivalent ou immédiatement inférieur à celui exigé en la matière par la réglementation nationale ;
  2. Ou de l'exercice à plein temps de la fonction considérée pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes dans un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas cette activité à condition de détenir une attestation de compétence. Toutefois, cette condition d'une expérience professionnelle de deux ans n'est pas exigée lorsque l'attestation de compétence détenue par le demandeur sanctionne une formation réglementée.

Art. L. 2223-49 :

I. - Lorsque le demandeur ne remplit pas les exigences visées à l'art. L. 2223-48, il doit justifier :

1o Si la demande de reconnaissance porte sur l'activité de thanatopraxie :

  1. D'un diplôme, certificat ou titre, qui est requis par un autre État membre pour accéder à cette activité sur son territoire ou l'y exercer, délivré par une autorité compétente lorsque cette activité est réglementée dans l'État dans lequel il a été délivré, d'un niveau équivalent ou immédiatement inférieur à celui prévu pour le diplôme national de thanatopracteur visé à l'art. L. 2223-45 et sanctionnant une formation professionnelle acquise principalement dans la Communauté européenne ou l'Espace économique européen ;
  2. Ou de l'exercice à plein temps de l'activité de thanatopraxie pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes dans un État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas cette activité, à condition de justifier de la possession d'une ou plusieurs attestations de compétences ou preuves de titres de formation. Toutefois, cette condition d'une expérience professionnelle d'une année n'est pas requise lorsque le titre de formation détenu par le demandeur certifie une formation réglementée ;

2o Si la demande de reconnaissance porte sur une des fonctions, autre que celle de thanatopracteur, mentionnées aux articles L. 2223-19 et L. 2223-41 et aux mesures prises pour leur application :

  1. D'une attestation de compétence ou d'un titre de formation qui est requis par un autre État membre pour accéder à cette activité sur son territoire ou l'y exercer, et qui est délivré par une autorité compétente lorsque la fonction est réglementée dans l'État dans lequel il a été délivré ;
  2. Ou de l'exercice à plein temps de la fonction considérée pendant une année ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente dans un État membre de l'Union européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne réglemente pas cette activité, à condition de justifier de la possession d'une ou plusieurs attestations de compétences ou preuves de titres de formation. Toutefois, cette condition d'une expérience professionnelle d'une année n'est pas requise lorsque l'attestation de compétence détenue par le demandeur certifie une formation réglementée.

II. - Les attestations de compétences ou les titres de formation mentionnés au présent article remplissent les conditions suivantes :

  1. Être délivrés par une autorité compétente dans un État membre, désigné conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État membre ;
  2. Attester la préparation du titulaire à l'exercice de la profession concernée.

Art. L. 2223-50 :

Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'art. L. 2223-49, l'autorité compétente peut exiger que le demandeur accomplisse, selon son choix, un stage d'adaptation, ou se soumette à une épreuve d'aptitude préalablement à la reconnaissance de qualification, suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'État :

  • lorsque la formation du demandeur porte sur des matières substantiellement différentes en termes de durée ou de contenu par rapport aux matières exigées par la formation sur le territoire national et dont la connaissance est essentielle à son exercice ;
  • ou lorsque l'activité considérée n'est pas réglementée dans l'État d'origine du demandeur et que son exercice nécessite en France une formation spécifique des matières substantiellement différentes de celles couvertes par l'attestation de compétence ou le diplôme, certificat ou titre dont le demandeur fait état.

L'autorité compétente doit cependant vérifier au préalable si les connaissances acquises par le demandeur au cours de son expérience professionnelle sont de nature à couvrir, en tout ou partie, cette différence substantielle.

Art. L. 2223-50 :

Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'art. L. 2223-49, l'autorité compétente peut exiger que le demandeur accomplisse, selon son choix, un stage d'adaptation ou se soumette à une épreuve d'aptitude préalablement à la reconnaissance de qualification, suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'État :

  • lorsque la formation du demandeur porte sur des matières substantiellement différentes en termes de contenu par rapport aux matières exigées par la formation sur le territoire national et dont la connaissance est essentielle à son exercice ;
  • ou lorsque l'activité considérée n'est pas réglementée dans l'État d'origine du demandeur et que la formation requise en France porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par l'attestation de compétence ou le diplôme, certificat ou titre du demandeur.

L'autorité compétente doit cependant vérifier au préalable si les connaissances, aptitudes et compétences acquises par le demandeur au cours de son expérience professionnelle ou de l'apprentissage tout au long de la vie et ayant fait l'objet à cette fin d'une validation en bonne et due forme par un organisme compétent sont de nature à couvrir, en tout ou partie, cette différence substantielle.

Vous venez de le voir, un opérateur funéraire qui serait issu d’un pays sans réglementation pourrait prétendre au bout d’un an “à temps partiel“, avoir certaines de nos compétences… Alors que les fédérations représentatives se sont battues pendant des années pour obtenir la reconnaissance de nos métiers via un diplôme, il suffira d’avoir un an à temps partiel ailleurs pour exercer ? Et pourrait-on imaginer aussi que notre ami européen vienne implanter tranquillement une publicité en bas de chez vous ? Qui sait…

Florence Fresse

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