Il est important de savoir différencier la chambre mortuaire de la chambre funéraire. Les conséquences attachées à cette qualification sont importantes puisque, si la chambre funéraire est partie intégrante du service public des pompes funèbres, la chambre mortuaire, elle, ressort du service public hospitalier. Voici donc une petite et rapide étude des caractéristiques juridiques de cet équipement.

 

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Philippe Dupuis, consultant
au Cridon, chargé de cours
à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires
territoriaux au sein
des délégations du CNFPT.

I - Définition

L’art. L. 2223-39 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que :
"Les établissements de santé publics ou privés qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d’État doivent disposer d’une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées. Toutefois, la chambre mortuaire peut accessoirement recevoir, à titre onéreux, les corps des personnes décédées hors de ces établissements en cas d’absence de chambre funéraire à sa proximité. Les dispositions de l’art. L. 2223-38 ne sont pas applicables aux chambres mortuaires."

Les établissements de santé concernés sont ceux qui répondent aux critères suivants :
"Les établissements de santé publics ou privés doivent disposer au moins d’une chambre mortuaire dès lors qu’ils enregistrent un nombre moyen annuel de décès au moins égal à deux cents.
L’appréciation de la condition définie à l’alinéa précédent s’effectue au vu du nombre moyen de décès intervenus dans chacun des établissements considérés au cours des trois dernières années civiles écoulées.
Un établissement de santé cesse d’être soumis à l’obligation prévue au premier alinéa du présent article dès lors que le nombre de décès enregistré en son sein reste inférieur au seuil défini au même alinéa pendant trois années civiles.
Pour l’application du présent article, il est tenu compte des décès intervenus dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées gérés par les établissements de santé dans les conditions définies à l’art. L. 6111-3 du Code de la santé publique" (art. R. 2223-90 du CGCT). Quant au juge administratif, il précise que : "La chambre mortuaire est un équipement destiné à permettre aux familles des personnes décédées dans les établissements de santé de disposer du temps nécessaire à l’organisation des obsèques, dès lors que le maintien des corps des défunts dans des locaux destinés aux soins n’est pas envisageable" (CE 5 octobre 1998 Fédération Française des Pompes Funèbres, Association force ouvrière consommateurs, Rec. p. 349).
Par un avis du 24 mars 1995, le CE avait déjà eu l’occasion de répondre aux multiples questions concernant les chambres mortuaires, dont celle de leur régime juridique (CE, Avis, 24 mars 1995, n° 357297, rapport public 1995, "La Documentation française", 1996, p. 470, cf. annexe).

II - Régime juridique

L’exigence d’un seuil
Ainsi que nous l’avons précédemment évoqué, à partir d’un seuil de deux cents décès par an, la chambre mortuaire est obligatoire. En dessous de ce seuil, sans toutefois que cela soit obligatoire, il est recommandé de disposer d’un local de mise en bière. En effet, une circulaire de 1999 (DH/AF 1 n° 99-18 du 14 janvier 1999, publiée au Bulletin officiel n° 99-4) dispose qu’il est "recommandé aux établissements de santé qui ne sont pas tenus à l’obligation de disposer d’une chambre mortuaire, comme à ceux qui ne disposent pas d’un tel équipement sur chacun de leurs sites d’implantation géographiquement distincts, de se doter d’un local permettant la mise en bière du corps des personnes décédées d’une des maladies contagieuses susmentionnées".
Il s’agit ainsi de permettre donc la mise en œuvre des pouvoirs dévolus au maire en matière de fermeture immédiate des cercueils dans certaines hypothèses. En effet, l’art. R. 2213-18 CGCT dispose que : "Sans préjudice des dispositions de l’art. R. 2213-2-1, le maire peut, s’il y a urgence, compte tenu du risque sanitaire ou en cas de décomposition rapide du corps, après avis d’un médecin, décider la mise en bière immédiate et la fermeture du cercueil."

Un équipement dépendant du service public hospitalier

Si, indubitablement, ces équipements sont dans les faits fortement ressemblants, il convient de relever que, juridiquement, on ne peut leur appliquer le régime juridique de la chambre funéraire. Si cette dernière est un élément du service extérieur des pompes funèbres, et, comme tel, délégable, il n’en va pas de même pour la chambre mortuaire, qui appartient au service public hospitalier, qui doit le gérer directement. Le CGCT établit clairement cette différence à travers plusieurs dispositions :

Art. L. 2223-39 du CGCT
"Les établissements de santé publics ou privés qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d’État doivent disposer d’une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées. Toutefois, la chambre mortuaire peut accessoirement recevoir, à titre onéreux, les corps des personnes décédées hors de ces établissements en cas d’absence de chambre funéraire à sa proximité. Les dispositions de l’art. L. 2223-38 ne sont pas applicables aux chambres mortuaires."

Art. L. 2223-38 du CGCT
"Les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant l’inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées.
Les locaux où l’entreprise ou l’association gestionnaire de la chambre funéraire offre les autres prestations énumérées à l’art. L. 2223-19 doivent être distincts de ceux abritant la chambre funéraire. La violation des dispositions de l’alinéa précédent est punie d’une amende de 75 000 €."

Art. R. 2223-97 du CGCT
"Les établissements de santé autres que ceux mentionnés à l’art. R. 2223-90, ainsi que les établissements qui assurent l’hébergement des personnes âgées mentionnés au 6° de l’art. L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles, peuvent créer et gérer des chambres mortuaires dans les conditions définies aux art. R. 2223-91 à R. 2223-96.".

Art. R. 2223-98 du CGCT
"Les établissements de santé et les établissements mentionnés à l’art. L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles ne peuvent être habilités à gérer les chambres funéraires mentionnées à l’art. L. 2223-38.
Ils ne peuvent autoriser sous quelque forme que ce soit l’installation d’une chambre funéraire dans leurs locaux ou sur l’un de leurs terrains."
Et surtout :

Art. R. 2223-91 du CGCT
"Sous réserve de l’art. R. 2223-92, les établissements de santé publics ou privés doivent gérer directement leurs chambres mortuaires."
Comme tel, cet équipement ne peut donc en aucun cas être délégué à un opérateur privé ; pour illustration, on lira avec attention l’arrêt par lequel la CAA de Marseille sanctionne le centre hospitalier de Bastia (CAA Marseille, 2e chambre, 5 juillet 2011, nos 09MA04145, 09MA04146, 09MA04147, Centre hospitalier de Bastia) : "Considérant que, par la délibération du 4 avril 2004 de son conseil d’administration, le centre hospitalier de Bastia a décidé, sur le fondement combiné des articles précités L. 2223-19, L. 2223-20 et L. 2223-39 du CGCT, que les recettes correspondant au nombre de jours passés dans la chambre mortuaire sont perçues par les entreprises de pompes funèbres au titre de prestations servies par le centre hospitalier, en étant considérées comme prestations d’un tiers figurant sur le devis présenté aux familles, et que ces recettes doivent être reversées par les entreprises de pompes funèbres au centre hospitalier ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées qu’une chambre mortuaire doit être placée sous la responsabilité directe de l’établissement de santé, sans que sa gestion puisse être confiée par convention à un opérateur extérieur ; que le centre hospitalier soutient à ce sujet qu’aucune délégation de service public n’a été en l’espèce conclue afin de gérer l’entière exploitation de sa chambre mortuaire incluant gestion des charges et des recettes ; que toutefois, le centre hospitalier a entendu déléguer aux entreprises de pompes funèbres une partie de cette exploitation en leur laissant le soin d’encaisser, et éventuellement de recouvrer par les voies d’exécution forcée dont elles disposent, la redevance journalière de 50 € décidée par le conseil d’administration ; qu’il est constant qu’aucune des dispositions précités ne l’y autorise, en particulier pas les dispositions des art. L. 2223-19 et L. 2223-20 précités qui sont relatives à la seule mission de service public du service extérieur des pompes funèbres, non à l’organisation des chambres mortuaires dont l’utilisation n’est pas dissociable des activités de service public de l’établissement hospitalier ; que dans ces conditions, le mode de facturation ainsi mis en place par la délibération du 4 avril 2004 est illégal ; que s’avèrent à cet égard inopérantes les dispositions invoquées du point 3-2 de la circulaire DH/AF n° 99-18 du 14 janvier 1999 du ministre chargé de la Santé selon lequel le gestionnaire d’une chambre mortuaire doit fournir aux familles toute information utile sur les opérations funéraires ;
Considérant qu’il s’ensuit que la décision attaquée du 28 août 2008, qui se fonde sur cette délibération pour justifier le mode de facturation à l’origine des titres de recettes émis, est elle-même illégale et doit être annulée ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les entreprises de pompes funèbres intimées sont fondées à demander l’annulation, chacune en ce qui la concerne, de la décision du 28 août 2008 rejetant le recours gracieux tendant à l’annulation des titres de recettes relatifs à la facturation de séjours en chambre mortuaire au titre des années 2005 à 2007."

III - Les conditions financières de l’occupation d’une chambre mortuaire

L’art. R. 2223-89 du CGCT énonce que : "Le dépôt et le séjour à la chambre mortuaire d’un établissement de santé public ou privé du corps d’une personne qui y est décédée sont gratuits pendant les trois premiers jours suivant le décès." Or, nous savons que les obsèques d’un défunt doivent survenir dans un délai de six jours à compter de son décès pour le cas général. De surcroît, le Code de la santé publique impose aux établissements de santé de conserver les corps non réclamés pendant un délai de dix jours (art. R. 1112-76 du Code de la santé publique). Ainsi, ces établissements devraient instituer un tarif pour l’occupation de leurs chambres mortuaires au-delà d’un délai de trois jours.

En revanche, il est impossible que la commune du lieu d’implantation de l’établissement de santé prélève une quelconque taxe. La question pouvait sembler saugrenue, néanmoins, la jurisprudence à déjà eu à connaître le cas d’une commune ayant institué une taxe de séjour aux corps des personnes décédées et conservées dans les chambres mortuaires d’un hôpital implanté sur son territoire (CAA Lyon 9 mars 2006, req. n° 00LY00349).
D’ailleurs, la commune avait institué la même taxe pour les corps séjournant en chambre funéraire. Le juge affirma alors à cette occasion : "Aucune disposition législative ou réglementaire alors applicable ne permettait à la ville de Moulins d’instituer des taxes sur le séjour des corps en chambres mortuaire et funéraire." La solution est des plus logiques.
En effet, le CGCT, en son art. L. 2223-22, ne connaît que trois taxes en matière funéraire. Aucune autre taxe que celles se trouvant dans cette liste ne peut être prélevée par la commune, or cet article dispose que : "Les convois, les inhumations et les crémations peuvent donner lieu à la perception de taxes dont les tarifs sont votés par le conseil municipal. Dans ces tarifs, aucune surtaxe ne peut être exigée pour les présentations et stations dans un lieu de culte." En dépit de cela, de très nombreuses communes continuent de percevoir un nombre varié de taxes, relatives aux exhumations (Rép. min. JOAN, Q 18 avril 1994 n° 11051), ou bien encore aux ouvertures de caveau (Rép. min. JOAN Q 22 mars 1999), ce qui est indubitablement illégal.
Il nous faut néanmoins distinguer entre celles qui continuent de les percevoir sous ce nom mais qui, en contrepartie, s’acquittent d’une prestation, et dans ce cas, nonobstant l’incorrection lexicologique, ce prélèvement est légal, de celles qui n’accordent rien en échange de ce versement, ce qui le rend illégal. Par exemple, si une commune perçoit une telle taxe de séjour relative au dépôt d’un corps dans une chambre funéraire, c’est que du personnel communal doit effectuer cette opération dans un local communal, et alors nous sommes en présence d’une redevance pour un service rendu, alors que si la commune taxe une opération effectuée par un opérateur privé, cette opération est illégale et pourrait même faire encourir au maire le risque de poursuite pour concussion en vertu de l’art. 432-10 du Code pénal : "Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction."
 
IV - L’accès à la chambre mortuaire

Le principe : seules les personnes décédées dans l’établissement y ont accès.
Élément du service public hospitalier, ces chambres ont vocation à ne recevoir que les corps des personnes qui sont décédées dans leur enceinte. Néanmoins, le Code prévoit l’hypothèse où la chambre mortuaire d’un établissement ne se trouve pas sur le territoire de la même commune que celui-ci, l’art. R. 2223-95 CGCT dispose alors que : "Lorsque le transfert du corps en chambre mortuaire nécessite de sortir de l’enceinte d’un établissement de santé ou d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées ou de l’un de leurs sites d’implantation, le transport sans mise en bière s’effectue après accord du chef d’établissement, dans les conditions prévues aux 4° et 5° de l’art. R. 2213-8 et aux 1° à 3° de l’art. R. 2213-9.
Lorsque le transfert visé à l’alinéa précédent s’effectue vers une chambre mortuaire située sur le territoire d’une autre commune, le maire de celle-ci reçoit sans délai copie de cet accord.
Lorsque l’établissement de santé où le décès a eu lieu n’est pas le gestionnaire de la chambre mortuaire d’accueil, le responsable de celle-ci reçoit copie de cet accord."

V - Les exceptions

a) La coopération hospitalière
L’art. R. 2223-92 du CGCT permet qu’un établissement de santé utilise dans ce cadre la chambre mortuaire d’un autre établissement : "Sans préjudice des dispositions de l’art. R. 2223-91, les établissements de santé peuvent satisfaire à leur obligation de disposer d’une chambre mortuaire en utilisant les facultés qui leur sont ouvertes en matière de coopération hospitalière."

b) Les recherches de la cause du décès
L’art. R. 2213-14 du CGCT organise des transports de corps à visage découvert dans le but de rechercher les causes du décès, ou à des fins thérapeutiques.
"Le transport du corps d’une personne décédée vers un établissement de santé, pour réaliser des prélèvements à des fins thérapeutiques, est déclaré préalablement, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt, à la demande du directeur de l’établissement de santé où est décédée cette personne ou de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. La déclaration est subordonnée à la détention de l’extrait du certificat de décès prévu à l’art. L. 2223-42, attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal.
Le transport du corps d’une personne décédée vers un établissement de santé, pour réaliser une autopsie médicale, est déclaré préalablement, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt, à la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. La déclaration est subordonnée à la détention de l’extrait du certificat de décès prévu à l’art. L. 2223-42, attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal.
Lorsque l’autopsie médicale est réalisée en vue de diagnostiquer l’une des infections transmissibles dont la liste est fixée au c de l’art. R. 2213-2-1, le délai mentionné à l’art. R. 2213-11 est porté à 72 heures.
Le corps admis dans un établissement de santé dans les conditions fixées au présent article peut faire l’objet, à la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles et après accord du directeur de cet établissement, d’un nouveau transport de corps avant mise en bière, dans le respect de l’art. L. 1232-5 du Code de la santé publique, vers une chambre funéraire, la résidence du défunt ou d’un membre de sa famille ou, le cas échéant, vers la chambre mortuaire de l’établissement où il est décédé.
Les frais de transport aller et retour du lieu de décès à l’établissement de santé et les frais de prélèvement sont à la charge de l’établissement de santé dans lequel il a été procédé aux prélèvements."

c) Réquisition des services de police
Il s’agit d’une tolérance en cas de décès sur la voie publique admise par l’Administration :

Rép. min. n° 6573, JOAN Q, 19 janvier 1998

"En vertu des dispositions de l’art. L. 2223-39 du CGCT, les chambres mortuaires ont pour vocation de recevoir, avant l’inhumation ou la crémation, le corps des personnes qui sont décédées dans les établissements de santé publics ou privés dont elles dépendent. Elles ne doivent donc pas accueillir les corps des personnes décédées en dehors des établissements de santé, qui doivent être acheminés, en principe, vers une chambre funéraire. S’agissant des corps des personnes décédées sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, ceux-ci doivent être acheminés vers une chambre funéraire en vertu de l’art. R. 361-38 du Code des communes [devenu art. R. 2223-77 du CGCT]. Cependant, lorsqu’il n’y a pas de chambre funéraire à proximité, il est admis que la chambre mortuaire puisse servir à déposer le corps des personnes décédées sur la voie publique".

On sait que la réquisition est le droit pour une autorité administrative de contraindre une personne physique ou morale à concourir à une mission de service public. Dans le cadre précis des pompes funébres, ce pouvoir de réquisition trouvera son origine dans les dispositions de l’art. L. 2121-2 du CGCT qui énonce que "la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique" tandis que plus particulièrement le cinquiéme alinéa de cet article dispose parmi ces attributions l’article distingue particulièrement en cinquièmement : "Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature… les maladies épidémiques ou contagieuses… de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et s’il y a lieu de provoquer l’intervention de l’administration supérieure."

Ici donc, la réquisition aura pour but d’enlever le plus rapidement possible un corps, que ce soit sur la voie publique ou bien en cas de découverte de corps, voire de mort violente. Pour qu’il y ait réquisition, le juge exigera trois paramètres. Le premier est l’urgence (la situation ne permettait pas de passer par les voies normales), le deuxième paramètre est le caractère exceptionnel de la procédure (la réquisition ne doit pas être un moyen d’administration), enfin le troisième est l’existence d’un trouble à l’ordre public. La réquisition de police administrative n’a pas à être obligatoirement écrite, une réquisition verbale est parfaitement valable pour les raisons précédemment évoquées.

d) Absence de chambre funéraire à proximité

L’art. L. 2223-39 du CGCT dispose désormais en son premier alinéa que : "Toutefois, la chambre mortuaire peut accessoirement recevoir, à titre onéreux, les corps des personnes décédées hors de ces établissements en cas d’absence de chambre funéraire à sa proximité." Il convient néanmoins de remarquer que le terme "proximité" ne connaît aucune définition précise.

VI - Accès des familles

L’art. R. 2223-70 du CGCT reconnaît expressément aux familles un droit d’accès à la chambre mortuaire : "Les familles ont accès à la chambre funéraire, à la chambre mortuaire ou au crématorium où se trouve leur défunt. Le règlement intérieur précise les modalités de cet accès." Les modalités devront être fixées par un règlement intérieur (R. 2223-68 du CGCT), qui est donc une obligation pour l’établissement : "Les gestionnaires des chambres funéraires et des crématoriums déposent leur règlement intérieur daté et signé, dès son adoption et lors de toute modification, auprès du préfet qui leur a délivré l’habilitation. Les établissements de santé publics ou privés qui gèrent une chambre mortuaire déposent leur règlement intérieur daté et signé, dès son adoption et lors de toute modification, auprès du préfet dans le département où ils sont installés."

Le dépôt en chambre mortuaire ne pourra être différé au-delà d’un délai de dix heures à compter du décès (R. 2223-93 du CGCT), étant entendu que la famille aura pu organiser le transport du corps vers une chambre funéraire : "Dans toute la mesure du possible, la famille a accès auprès du défunt avant que le corps ne soit déposé dans la chambre mortuaire sans que ce dépôt ne soit différé, de ce fait, d’un délai supérieur à dix heures, tel que prévu au cinquième alinéa de l’art. R. 2223-76."

Philippe Dupuis

Résonance n°121 - Juin 2016

Annexe
Communes
Service extérieur des pompes funèbres
Chambres funéraires

Santé publique
Établissements publics ou privés de santé
Chambres mortuaires

Section sociale et Section de l’intérieur réunies
N° 357 297 – 24 mars 1995
 
Le Conseil d’État (Section sociale et Section de l’intérieur), saisi par le ministre d’État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville, le ministre de l’Économie et le ministre délégué à l’Aménagement du territoire et aux Collectivités locales des questions de savoir :
 
1) quelle est la nature juridique de la chambre mortuaire des établissements de santé publics ou privés, et s’il s’agit d’une mission de service public relevant de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, ou d’une mission relevant du service public hospitalier, ou d’une mission sans aucun caractère de service public ;
2) si un établissement de santé public ou privé peut conclure une convention pour confier la gestion de sa chambre mortuaire à un opérateur extérieur à cet établissement et, dans l’affirmative, quelles sont les conditions nécessaires au caractère licite de la conclusion de cette convention et de l’organisation de cette structure ;
3) si le caractère obligatoire ou facultatif de la chambre mortuaire a une incidence sur la réponse aux deux questions précédentes ;
4) si un établissement de santé public ou privé constitué de plusieurs sites géographiquement distincts peut n’avoir qu’une seule chambre mortuaire pour l’ensemble de ses sites alors même que plusieurs d’entre eux rempliraient individuellement les conditions, définies par le décret en Conseil d’État prévu à l’art. L. 361-19-1 du Code des communes, qui rendent obligatoire une telle structure ;
5) si plusieurs établissements de santé publics ou privés soumis à l’obligation de disposer d’une chambre mortuaire peuvent y satisfaire au moyen d’une structure commune gérée dans le cadre de la coopération interhospitalière en vertu des dispositions de l’art. L. 713-12 du Code de la santé publique ;
6) si l’on peut considérer que l’obligation de déposer le corps dans la chambre mortuaire est opposable aux établissements de santé publics ou privés tenus de disposer d’une telle structure, lesquels ne peuvent prendre l’initiative de déposer le corps en un autre lieu, mais ne l’est pas aux familles, qui peuvent demander que le corps soit directement transféré du service d’hospitalisation au domicile ou à une chambre funéraire ;
7) si un établissement de santé public ou privé ou une maison de retraite peut être gestionnaire d’une chambre funéraire conformément aux articles ter et 4 de la loi du 8 janvier 1993 précitée ;
8) si un établissement de santé public ou privé peut autoriser l’installation, dans ses locaux ou sur l’un de ses terrains, d’une chambre funéraire gérée par un opérateur extérieur et, dans l’affirmative, quelles doivent être les modalités d’attribution de cette autorisation ;
9) si le caractère communal ou privé de la chambre funéraire a une incidence sur la réponse à la question précédente ;
10) si une maison de retraite peut autoriser l’installation, dans ses locaux ou sur l’un de ses terrains, d’une chambre funéraire gérée par un opérateur extérieur et, dans l’affirmative, quelles doivent être les modalités d’attribution de cette autorisation ;
11) si le caractère communal ou privé de la chambre funéraire a une incidence sur la réponse à la question précédente ;
12) si un établissement de santé public ou privé peut conclure une convention avec une ou plusieurs régies, entreprises ou associations, habilitées conformément aux articles 1er et 4 de la loi du 8 janvier 1993 précitée, pour confier le transport des corps des personnes décédées dans cet établissement vers une chambre funéraire extérieure, et, dans l’affirmative, quelles doivent être les modalités de conclusion et de fonctionnement de cette convention ;

Vu le Code des communes, livre III, titre VI, modifié notamment par la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire ;
Vu le Code de la santé publique, notamment ses articles L. 711-1 à L. 711-9, L. 712-8 et L. 713-12 ;
Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu le décret n° 56-284 du 9 mars 1956 modifié complétant le décret n° 46-1834 du 20 août 1946 modifié fixant les conditions d’autorisation des établissements privés de cure et de prévention pour les soins aux assurés sociaux ;
Vu le décret n° 72-162 du 21 février 1972 relatif aux normes applicables aux établissements privés d’accouchement ;
Vu le décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux ;
Vu le décret n° 77-1289 du 22 novembre 1977 modifié portant application de l’art. 5 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;
Vu le décret n° 94-1027 du 23 novembre 1994 portant modification de dispositions réglementaires du Code des communes relatives aux opérations funéraires ;

Considérant qu’aux termes des articles L. 361-19, L. 361-19-1 et L. 362-1 du Code des communes :
• Art. L. 361-19 : "Les chambres funéraires ont pour objet de recevoir, avant l’inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées. – Les locaux où l’entreprise ou l’association gestionnaire de la chambre funéraire offre les autres prestations énumérées à l’art. L. 362-1 doivent être distincts de ceux abritant la chambre funéraire. – La violation des dispositions de l’alinéa précédent est punie d’une amende de 500 000 € ;
• Art. L. 361-19-1 : "Les établissements de santé publics ou privés qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d’État doivent disposer d’une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées. Les dispositions de l’art. L. 361-19 ne sont pas applicables aux chambres mortuaires" ;
• Art. L. 362-1 : "Le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant : ... la gestion et l’utilisation des chambres funéraires ; ... Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée. Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d’aucun droit d’exclusivité pour l’exercice de cette mission. Elle peut également être assurée par toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l’habilitation prévue à l’art. L. 362-2-1" ;

Est d’avis de répondre aux questions posées dans le sens des observations qui suivent :

• Sur les trois premières questions :
Il ressort des dispositions précitées du Code des communes que le législateur a établi une nette distinction entre les chambres funéraires et les chambres mortuaires.
Contrairement à la chambre funéraire, la chambre mortuaire des établissements de santé n’est pas mentionnée à l’art. L. 362-1 et ne constitue donc pas un des éléments du service extérieur des pompes funèbres. Par suite, elle ne relève pas de la mission de service public funéraire définie par cet article.

La chambre mortuaire est un équipement hospitalier, qui est imposé à certains établissements de santé, publics ou privés, pour que les familles des personnes décédées dans ces établissements puissent disposer du temps nécessaire à l’organisation des obsèques, dès lors que le maintien des corps des défunts dans les locaux destinés aux soins n’est pas envisageable pour des raisons évidentes.
 
Dans les établissements de santé où il existe, à titre obligatoire ou volontaire, cet équipement n’est pas plus dissociable que les autres de l’ensemble des activités de l’établissement, et son utilisation n’a pas, par elle-même, le caractère d’une mission de service public. Le régime juridique – de droit public ou de droit privé – applicable au fonctionnement d’une chambre mortuaire n’est pas distinct de celui qui gouverne l’ensemble des activités de l’établissement de santé, public ou privé, où elle est installée.
 

2) Compte tenu de la distinction essentielle opérée par la loi entre les chambres funéraires et les chambres mortuaires, il y a lieu d’interpréter strictement les termes de l’art. L. 361-19-1 du Code des communes : en prévoyant que les établissements de santé publics ou privés qui remplissent certaines conditions doivent "disposer d’une chambre mortuaire", sans d’ailleurs évoquer ici la possibilité de gestion déléguée qui est mentionnée à l’art. L. 362-1, le législateur a entendu que cette chambre mortuaire soit placée sous la responsabilité directe de l’établissement de santé lui-même, ce qui exclut la faculté de confier par convention à un opérateur extérieur la gestion de la chambre mortuaire installée dans un établissement de santé. Une telle convention, au surplus, procurerait évidemment un avantage à cet opérateur dans l’exercice de ses activités funéraires, ce qui contredirait l’esprit de la loi du 8 janvier 1993 et, plus généralement, les principes de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
 
La même interprétation de la loi et les mêmes règles doivent être retenues à l’égard des établissements de santé qui, sans être tenus par les dispositions du décret prévu à l’art. L. 361-19-1 d’avoir une chambre mortuaire, garderont celle dont ils disposent déjà ou en installeront une volontairement.

• Sur les quatrième et cinquième questions :
Les dispositions précitées du premier alinéa de l’art. L. 361-19-1 du Code des communes n’interdisent pas au gouvernement de prévoir, dans le décret en Conseil d’État, les circonstances dans lesquelles, lorsqu’un établissement de santé public ou privé est constitué de plusieurs entités géographiquement distinctes, suffisamment différenciées et dont chacune ou certaines remplissent les conditions mentionnées audit article, chacune de ces entités sera tenue de disposer d’une chambre mortuaire.
Il sera également loisible au gouvernement de fixer par ce décret les modalités selon lesquelles les établissements de santé concernés pourraient satisfaire aux obligations qu’il édicte en utilisant tant les facultés de coopération ouvertes aux établissements publics et privés de santé par l’art. L. 713-12 du Code de la santé publique que, s’agissant de la coopération entre établissements privés, d’autres modalités à déterminer.
Dans tous les cas, il devra être tenu compte tant des nécessités du service que des intérêts des familles.

• Sur la sixième question :
En disposant que les établissements de santé qui remplissent des conditions fixées par décret en Conseil d’État doivent disposer d’une chambre mortuaire "dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées", l’art. L. 361-19-1 du Code des communes, s’il ne prévoit pas la durée du dépôt du corps dans la chambre mortuaire, impose, à l’égard des établissements concernés comme à l’égard des familles, que ce dépôt ait lieu.

Il convient toutefois d’observer qu’il serait loisible à l’administration de l’établissement de santé d’accepter, à la demande de la famille, que le corps du défunt ne passe pas en chambre mortuaire dès lors que son maintien pendant un très court délai dans les services d’hospitalisation et les modalités de son enlèvement ne seraient en rien de nature à gêner les personnes séjournant dans l’établissement.

• Sur la septième question :
La gestion et l’utilisation des chambres funéraires font partie, en vertu de l’art. L. 362-1 du Code des communes, du service extérieur des pompes funèbres. Les opérations de ce service sont étrangères aux missions et obligations des établissements de santé, définies aux articles L. 711-1 à L. 711-11 du Code de la santé publique, ainsi qu’à celles des institutions sociales et médico-sociales dont font partie, en vertu de l’art. 1er, 4°) de la loi susvisée du 30 juin 1975, les organismes publics ou privés qui hébergent les personnes âgées. Dès lors, ni les établissements de santé ni les maisons de retraite ne peuvent être gestionnaires de chambres funéraires.
 
• Sur les huitième, neuvième, dixième et onzième questions :
1) Un établissement de santé public ou privé ne doit pas autoriser, sous quelque forme que ce soit, l’installation dans ses locaux ou sur l’un de ses terrains d’une chambre funéraire gérée par un opérateur extérieur.

On observera en premier lieu que l’existence d’une telle chambre funéraire ne déchargerait pas l’établissement de santé de son éventuelle obligation de disposer d’une chambre mortuaire, et que la coexistence de ces deux installations à l’intérieur d’un même établissement serait de nature à créer un risque de confusion.

En second lieu et surtout, l’existence dans un établissement de santé d’une chambre funéraire aurait pour conséquence de fausser le jeu de la concurrence entre opérateurs funéraires au profit de celui d’entre eux avec lequel l’établissement passerait convention, dans la mesure où les familles de personnes décédées dans cet établissement seraient évidemment conduites à choisir, pour des raisons de proximité, le transfert dans cette chambre funéraire.

Une telle convention serait incompatible tant avec les dispositions du Code des communes issues de la loi du 8 février 1993, qui ont entendu permettre aux familles de choisir l’opérateur funéraire, qu’avec celles de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

2) Le caractère communal ou privé de la chambre funéraire est sans incidence sur la réponse apportée ci-dessus.
 
Ces réponses valent également pour les maisons de retraite, pour les mêmes raisons et quel que puisse être le mode de gestion de la chambre funéraire.

• Sur la douzième question :
En vertu de l’art. L. 363-2 du Code des communes, les établissements de santé publics ou privés peuvent être habilités à assurer "le transport de corps avant mise en bière et le transfert de corps dans une chambre funéraire".
 
Eu égard tant aux termes mêmes de cet article qu’aux réponses apportées aux questions précédentes, ces dispositions doivent être interprétées strictement, c’est-à-dire comme permettant seulement aux établissements de santé d’assurer eux-mêmes ces transports, mais non de conclure des conventions pour les faire effectuer par des opérateurs funéraires.
 
Toutefois, une telle convention, passée avec un ou plusieurs opérateurs, est possible pour assurer le transport de corps dans les cas, et seulement dans les cas, où l’admission en chambre funéraire est demandée par le directeur d’un établissement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’art. R. 361-37 du Code des communes.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations