L’intervention dans le domaine du funéraire obéit à une économie dégagée depuis la loi de 1993 et qui peut se résumer par les mots du sénateur Jacques Bellanger : "L’organisation des funérailles ne peut pas être et ne doit pas devenir un acte commercial banal, ordinaire. […] [Cette réforme] n’atténuera certes pas le chagrin des familles des défunts, mais […] les protégera des abus" (JO Sénat débats, séance du 21 décembre 1992, p. 4633 et 4634). C’est ce qui motive que l’art. L. 2223-23, alinéa 1, du CGCT, dispose que : "Les régies, les entreprises ou les associations et chacun de leurs établissements qui, habituellement, sous leur marque ou non, fournissent aux familles des prestations énumérées à l’art. L 2223-19 ou définissent cette fourniture ou assurent l’organisation des funérailles, doivent être habilités à cet effet selon des modalités et une durée prévues par décret en Conseil d’État". Ainsi, la détermination du champ d’application de l’habilitation dans le domaine funéraire doit s’articuler autour de deux critères cumulatifs : un critère matériel (les prestations dont l’exercice exige une habilitation) et un critère organique (les opérateurs soumis à la détention d’une habilitation pour pouvoir exercer leur(s) activité(s)).

 

Les opérateurs concernés par l’habilitation

La rédaction du premier alinéa de l’art. L. 2223-23 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), reproduit ci-dessus, met en lumière que la détermination des opérateurs soumis à la détention d’une habilitation pour intervenir dans le domaine funéraire doit s’analyser au regard de leur forme juridique et de leur mode d’intervention.

Des opérateurs soumis à l’habilitation en raison de leur forme juridique

L’art. L. 2223-23 du CGCT approche de manière très large les opérateurs soumis à l’obligation de détention d’une habilitation en retenant des formes juridiques très diverses : les régies, les entreprises, les associations, ainsi que l’ensemble des établissements dépendant de ces opérateurs. Cette disposition précise encore qu’il n’importe pas que ces opérateurs interviennent sous leur marque ou non. Dans une circulaire du 15 mai 1995 (NOR INT/B/95/00169/C), le ministre de l’Intérieur est venu apporter certaines précisions.

Les régies visées

Il s’agit des régies de pompes funèbres. Les régies ainsi visées sont donc les régies municipales, voire intercommunales. Les pompes funèbres étant une (des) activité(s) industrielle(s) ou commerciale(s), les régies concernées sont visées aux articles L. 2221-1 et suivants du CGCT. Il s’agira donc, indifféremment, de régies simples (dans les conditions définies à l’art. L. 2221-8 du CGCT : existence antérieure au 28 décembre 1926), ou dotées de la seule autonomie financière (art. L. 2221-4-2° du CGCT), ou dotées de l’autonomie financière et de la personnalité morale (on parle alors d’établissement public) (art. L. 2221-4-1° du CGCT). La circulaire précise encore que "l’habilitation est toujours requise même si une commune n’exerce pas la totalité des prestations du service extérieur des pompes funèbres et dispose uniquement, par exemple, d’un agent communal affecté aux travaux de fossoyage dans le cimetière" (§ 1.2.1.1.).

Les entreprises

Le ministre de l’Intérieur, dans cette circulaire (§ 1.2.1.2.), indique que le législateur a entendu viser l’ensemble des entreprises, quelles que soient leur personnalité (morale ou physique) et/ou leur forme [entreprise individuelle, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, société en nom collectif, société à responsabilité limitée, société d’économie mixte (locale)…]. La question de savoir si les entreprises franchisées étaient ou non assujetties à la détention d’une habilitation a été soulevée dans le cadre des débats parlementaires (JO AN, débats, 2e séance du 2 décembre 1992, p. 6456), ce qui fut confirmé. Sur cette question, la circulaire du 15 mai 1995 reprend cette affirmation, dès lors que les entreprises franchisées remplissent les conditions requises (§ 1.2.1.5.).

Les établissements secondaires

Pour le ministre de l’Intérieur : "La loi soumet donc à l’habilitation les établissements secondaires, même s’ils n’ont pas la personnalité morale. Pour les opérateurs funéraires qui disposent de nombreux établissements secondaires, cette disposition est importante : l’infraction éventuellement commise par un établissement ne remet pas nécessairement en cause l’activité de l’opérateur dans son ensemble." (§ 1.2.1.4.). Le ministre propose alors une définition de l’établissement secondaire tirée d’un décret du 30 mai 1984. Ce décret ayant été, depuis, abrogé (décret n° 2007-431 du 25 mars 2007 relatif à la partie réglementaire du Code de commerce, art. 3-III), il convient désormais de se reporter au Code de commerce qui traite de cette question à l’occasion de la nécessité d’inscription au registre du commerce et des sociétés. Aux termes de l’art. R. 123-40 du Code de commerce : "Est un établissement secondaire […] tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l’établissement principal et dirigé par la personne tenue à l’immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers."

Les associations

Les débats parlementaires mettent en exergue l’assimilation des associations aux entreprises, au sens de la loi du n° 93-23 du 8 janvier 1993 (en ce sens, voir les interventions du député Maurice Adevah-Pœuf et du rapporteur François Colcombet, JOAN débats, 2e séance du 2 décembre 1992, p. 6453). Il faut, toutefois, relever que, dans sa circulaire n° 95-169 du 15 mai 1995, précitée, le ministre de l’Intérieur pose une condition supplémentaire à la recevabilité de la demande d’habilitation : le demandeur "[…] doit obligatoirement fournir l’extrait de la déclaration en préfecture de l’association considérée" (§ 1.2.1.3.).

La soumission à l’habilitation résultant d’une intervention habituelle

L’art. L. 2223-23 du CGCT exige que les régies, entreprises et associations, pour être soumises à la détention d’une habilitation, fournissent des prestations relevant du service extérieur des pompes funèbres ou définissent cette fourniture ou assurent l’organisation des funérailles de manière habituelle. La circulaire considère que l’habitude est créée par la répétition de l’exercice de la prestation dans le cadre d’une année civile (§ 1.2.2.1.). Il n’en va pas de même quant aux exclusions introduites par l’absence du critère de la prestation habituelle.

L’exclusion en raison d’interventions exceptionnelles

La famille et/ou les proches d’un défunt n’interviennent que de manière ponctuelle, exceptionnelle, à l’occasion d’obsèques d’un familier, dans le service extérieur des pompes funèbres. Dès lors, c’est de manière logique que le ministre de l’Intérieur propose de les exclure du champ d’application de l’habilitation, en raison de la carence du critère d’habitude (circulaire du 15 mai 1995, précitée, § 1.2.2.1., alinéa 2).

Cette interprétation des dispositions de la loi du 8 janvier 1993 est confirmée l’année suivante. À l’occasion d’une interprétation par voie de circulaire de l’utilisation des véhicules funéraires, le ministre du Travail et des Affaires sociales, visant expressément la circulaire n° 95-169, partage l’approche du ministre de l’Intérieur quant à l’exclusion des familles de la nécessité de disposer d’une habilitation (circulaire n° FPPA/96/10082C du 12 août 1996, III, citée in D’Abbadie Guillaume et Bouriot Claude, "Code pratique des opérations funéraires", Paris : Le Moniteur, 2e édition, 2000, p. 222).
Mais, au-delà et surtout, l’art. L. 2223-28 du CGCT dans son alinéa 2 est venu prévoir, partiellement, cette hypothèse, la conditionnant à l’autorisation du conseil municipal et à la surveillance du maire : "Dans les localités où les familles pourvoient directement […] en vertu d’anciennes coutumes, au transport ou à l’enterrement de leurs morts, les mêmes usages peuvent être maintenus avec l’autorisation du conseil municipal et sous la surveillance du maire." Cet article résulte de la loi du 28 décembre 1904.

Les autres exclusions

- Les associations charitables

À l’instar de l’état du droit dérogatoire en faveur des familles, évoqué supra, l’art. L. 2223-28, alinéa 2, du CGCT, dispose que les "sociétés charitables laïques" bénéficient de la même exonération

- Une "exception" résultant d’une interdiction

Aux termes de l’art. L. 2223-28, alinéa 1er, les associations, établissements… cultuels ont interdiction d’entreprendre des prestations du service extérieur des pompes funèbres.

Les prestations soumises à habilitation

L’art. L. 2223-23 du CGCT soumet à la détention d’une habilitation trois catégories de prestations :
- les prestations énumérées à l’art. L. 2223-19 du CGCT ;
- la définition de la fourniture des prestations énumérées à l’art. L. 2223-19 du CGCT ;
- assurer l’organisation des funérailles.

Ces prestations ne sont, cependant, pas les seules pour l’exercice desquelles une habilitation est exigée. En effet, les articles L. 2223-41 et L. 2223-43 du CGCT procèdent à un renvoi explicite à l’art. L. 2223-23 du CGCT et ainsi à la nécessité de disposer d’une habilitation pour exercer les activités qu’ils visent. Respectivement, ces activités concernent la gestion d’un crématorium, ainsi que les transports des corps avant mise en bière et les transferts des corps dans une chambre funéraire assurés par les établissements (publics ou privés) de santé.
Les activités directement visées à l’art. L. 2223-23 du CGCT

Les prestations du service extérieur des pompes funèbres

Aux termes de l’art. L. 2223-19 du CGCT, ces prestations comprennent :
- Le transport des corps avant et après mise en bière ;
- L’organisation des obsèques ;
- Les soins de conservation ;
- La fourniture des housses, des cercueils et de leurs accessoires intérieurs et extérieurs ainsi que des urnes cinéraires ;
- La gestion et l’utilisation des chambres funéraires ;
- La fourniture des corbillards et des voitures de deuil ;
- La fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l’exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d’imprimerie et de la marbrerie funéraire.

La définition de la fourniture des prestations de service extérieur des pompes funèbres

Comme le rappelle le ministre de l’Intérieur dans sa circulaire du 15 mai 1995, l’inclusion de cette catégorie vise à attraire dans la sphère de l’habilitation les sociétés qui franchisent des entreprises (§ 1.2.2.3.).

L’organisation des funérailles

L’organisation des funérailles, au sens de l’art. 4 de la loi, devenu l’art. L. 2223-23 du CGCT, renvoie à la notion d’organisation des obsèques, composante des prestations du service extérieur des pompes funèbres, visé à l’art. 1er de la loi du 8 janvier 1993, codifié à l’art. L. 2223-19 du CGCT. Ainsi, l’organisation des funérailles doit être comprise comme signifiant la fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l’exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d’imprimerie et de la marbrerie funéraire. La sous-traitance y est incluse.

Les autres activités nécessitant une habilitation funéraire

La gestion d’un crématorium (L. 2223-41 du CGCT). Les prescriptions de l’art. L. 2223-43 du CGCT
Aux termes de cet article, les établissements de santé doivent être titulaires d’une habilitation, telle que prévue à l’art. L. 2223-23 du CGCT, pour pouvoir procéder à des transports de corps avant mise en bière ainsi qu’à des transferts de corps dans une chambre funéraire. La délivrance de cette habilitation est cependant moins sévèrement encadrée, puisque ces établissements ne devront répondre qu’à deux des cinq exigences posées par l’art. L. 2223-23 : la capacité professionnelle des agents et la conformité des véhicules aux prescriptions techniques réglementaires.

La procédure d’habilitation

Aux termes de l’art. L. 2223-23 du CGCT, la délivrance d’une habilitation est réalisée selon des modalités et pour une durée réglementairement définies. Les conditions auxquelles doit satisfaire le demandeur d’une habilitation sont énumérées au deuxième alinéa de l’art. L. 2223-23 du CGCT. Elles sont au nombre de cinq, et correspondent à :
- des conditions requises des dirigeants telles que définies à l’art. L. 2223-24 ;
- des conditions minimales de capacité professionnelle du dirigeant et des agents, fixées par décret ;
- la conformité des installations techniques à des prescriptions fixées par décret ;
- la régularité de la situation du bénéficiaire au regard des impositions de toute nature et des cotisations sociales ;
- la conformité des véhicules à des prescriptions fixées par décret.

Examinons chacune d’elles : les exigences concernant le dirigeant de la personne demanderesse

- L’incompatibilité de la qualité de dirigeant d’un organisme habilité avec certaines condamnations pénales prononcées par une juridiction française

L’art. L. 2223-24-1° du CGCT dresse la liste de certaines condamnations pénales que le législateur estime incompatibles avec la qualité de dirigeant d’organisme habilité à intervenir dans le domaine funéraire. Ces incompatibilités tendent à garantir l’honnêteté, l’honorabilité, voire une certaine probité, professionnelle et morale. L’incompatibilité ne vise que des sanctions pénales privatives de liberté (la commission d’un crime ou d’un délit), devenues définitives (les voies de recours étant infructueusement épuisées ou forcloses) et ayant fait l’objet d’une inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Les délits, voire les crimes, retenus par le législateur sont :
- exercice illégal d’une activité professionnelle ou sociale dont l’accès est réglementé ;
- corruption active ou passive ou trafic d’influence ;
- acte d’intimidation contre une personne exerçant une fonction publique ;
- escroquerie ;
- abus de confiance ;
- violation de sépulture ou atteinte au respect dû aux morts ;
- vol ;
- attentat aux mœurs ou agression sexuelle ;
- recel ;
- coups et blessures volontaires.

Dans sa circulaire du 15 mai 1995, le ministre de l’Intérieur vient préciser qu’il faut entendre, au sens de l’art. L. 2223-24 du CGCT, par dirigeant ou gérant :
- le directeur de la régie municipale ou du service municipal ;
- le maire, si la régie ou le service municipal n’a pas de directeur ;
- le président ou le gérant de l’entreprise ;
- le président de l’association ;
- le responsable de l’établissement secondaire.
Cette même circulaire précise encore que cette condition d’honorabilité est exigible des dirigeants d’établissements principaux et secondaires, mais pas de la part du propriétaire des locaux ni des employés de l’organisme.

- L’incompatibilité de la qualité de dirigeant d’un organisme habilité avec certaines condamnations prononcées par des juridictions étrangères

L’art. L. 2223-24-2° dispose qu’un organisme ne peut solliciter ou détenir une habilitation funéraire dès lors que son dirigeant (ou gérant) a fait l’objet d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère et passée en force de chose jugée. Encore faut-il que cette condamnation porte sur des faits constitutifs d’un des crimes ou délits visés au 1° de ce même art. L. 2223-24. À cette première condition est ajoutée une deuxième. Il faut, en outre, que le tribunal correctionnel, statuant en chambre du conseil et ayant dûment appelé l’intéressé, du lieu de résidence française de cet intéressé, ou à défaut de résidence en France, du lieu où l’habilitation est demandée, apprécie la légalité et la régularité de cette condamnation ainsi que l’applicabilité en France de cette interdiction.

Le dirigeant de l’organisme demandeur ne doit pas avoir été frappé de faillite personnelle

Les dispositions de l’art. L. 2223-24-3° prohibe qu’une personne frappée de faillite personnelle, de banqueroute, de liquidation des biens, de règlement judiciaire dirige un organisme détenant ou sollicitant l’obtention d’une habilitation funéraire.

Une condition de "nationalité"

L’art. L. 2223-24-4° exige enfin que le dirigeant d’un organisme détenant ou sollicitant l’obtention d’une habilitation pour exercer dans le domaine funéraire soit de nationalité française ou ressortissant communautaire ou encore ressortissant d’un État membre de l’accord sur l’Espace économique européen.

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Résonance n°123 - Septembre 2016

Instances fédérales nationales et internationales :

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