Le décret du 23 prairial an XII a créé les concessions funéraires et leur a fixé un régime en grande partie toujours applicable, même si certains textes et de nombreuses jurisprudences ont apporté d’utiles précisions.

 

Une simple faculté

 

Le décret du 23 prairial n’a nullement prévu l’obligation pour les communes de délivrer des concessions funéraires. Ce n’est qu’en cas d’espace disponible, indique l’art. 10 du décret.

  1. 10 : "Lorsque l'étendue des lieux consacrés aux inhumations le permettra, il pourra y être fait des concessions de terrains aux personnes qui désireront y posséder une place distincte et séparée, pour y fonder leur sépulture et celle de leurs parents ou successeurs et y construire des caveaux, monuments ou tombeaux".

Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) indique aujourd’hui que "lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs". Il convient d’observer que le remplacement du mot "parents" par celui d’"enfants" dans le texte actuellement applicable n’a nullement modifié le régime de la concession.

La concession est donc une parcelle de terrain destinée à recevoir une sépulture permettant l’inhumation de défunts. Plus précisément, il s’agit d’une surface concédée dans un cimetière, qui devra être creusée afin de permettre l’inhumation. Celui qui acquiert une concession ne dispose pas d’un véritable droit de propriété, mais le juge considère que l’occupation du domaine public, auquel appartient le cimetière, n’est ni précaire ni révocable. Néanmoins, la question de la domanialité publique du cimetière ne faisait nullement l’unanimité parmi les juristes (se posait notamment la question de la personnalité juridique des communes pas nécessairement reconnues, avant la grande loi de 1884, comme des personnes morales de droit public) et la question ne fut réglée que plus d’un siècle après le décret de prairial an XII (le célèbre arrêt "Marécar" ; CE, 28 juin 1935, Mougamadousadagnetoullah : DP 1936, 3, p. 20, concl. Latournerie, note M. Waline ; voir également CE, ass., 21 oct. 1955, Méline : Rec. CE 1955, p. 491).

 

Une relation contractuelle avec la commune

 

Ce mode d’inhumation implique que s’établisse une relation contractuelle entre d’une part une commune qui cède une parcelle dans le cimetière et, d’autre part, un particulier qui fait l’acquisition de ce terrain. L’acquéreur est appelé le concessionnaire et l’on qualifie la commune de concédante. Contrat portant occupation du domaine public, la concession s’analyse aujourd’hui comme un contrat administratif ; il va néanmoins, le plus souvent, prendre la forme d’un arrêté du maire - auquel le conseil municipal a délégué en début de mandat la délivrance des concessions.

 

Seulement des concessions perpétuelles

 

Les communes ne peuvent, en 1804, qu’instituer des concessions perpétuelles. Le texte applicable ne précise pas qui peut acquérir une concession funéraire (pas plus que n’était d’ailleurs indiqué qui pouvait être inhumé en terrain commun). En effet, il sera seulement indiqué avec les évolutions connues par le droit funéraire quelles sont les personnes qui bénéficient du droit à l’inhumation, c’est-à-dire qui peut être enterré dans un terrain mis gratuitement à la disposition de la famille pendant au moins cinq années.

 

L’acte de concession peut déterminer lui-même la (concession individuelle) ou les (concession collective) personnes qui y seront inhumées. Dans cette hypothèse, aucune autre personne que celle(s) mentionnée(s) dans l’acte ne peut être inhumée dans la sépulture. Seul celui qui a créé la concession - le fondateur également appelé le concessionnaire - peut modifier la forme de la concession. Il peut ainsi augmenter la liste des personnes susceptibles d’être inhumées, voire transformer la concession en concession de famille. Ainsi, si sur le titre de la concession, il est indiqué que la concession est "fondée par M. X pour son inhumation et celle de son épouse" - et que M. X soit décédé - personne d’autre ne peut être inhumé, même avec l’accord de l’épouse encore vivante.

 

Des concessions de famille privilégiées

 

Néanmoins, si ces facultés sont offertes, les mœurs funéraires ont rapidement privilégié les concessions de famille. Comme l’observe Robert Auzelle, si "le décret de prairial a l’individualisme strict du Code civil" ("Dernières demeures", Imprimerie Mazarine, Paris, 1965, p. 139), force est d’admettre l’existence d’un désir de regroupement familial que permet d’ailleurs l’art. 10 précité (alors que le terrain commun est par essence individuel). Comme l’observe ce même auteur (ibid.) "ce désir de regroupement familial ne renoue-t-il pas avec l’ancien culte des morts romains" alors que, citant Fustel de Coulanges dans son ouvrage consacré à la cité antique, il est rappelé que "la famille avait donc un tombeau commun où ses membres devaient venir reposer l’un près de l’autre".

Dans le cas d’une concession de famille, si le fondateur n’a pas limité l’accès à la sépulture, la jurisprudence judiciaire tout au long du XXe siècle va fixer les principes selon lesquels pourront y être inhumés outre le corps du concessionnaire, ceux de son conjoint, de ses successeurs, de ses ascendants, de ses alliés et de ses enfants adoptifs. Après le décès du fondateur et en l’absence de volontés contraires de ce dernier, les ascendants et descendants (et leurs conjoints) jouissent d’un droit à l’inhumation, et les héritiers du fondateur - nouveaux titulaires de la sépulture - ne pourront s’y opposer et n’auront même pas à donner leur accord. Ainsi, les enfants du fondateur n’ont pas à donner leur accord pour l’inhumation de l’un d’eux, de leurs enfants et conjoints, ou, celles de leurs grands-parents. En revanche, l’inhumation d’un oncle ou d’un cousin (qui ne sont ni ascendants ni descendants ni conjoint d’un descendant), implique d’obtenir l’accord de ces héritiers.

 

Des personnes unies au concessionnaire par des liens particuliers d’affection

 

En 1957, le Conseil d’État viendra préciser que dans une concession de famille peuvent également être inhumés les corps de personnes unies au concessionnaire par des liens particuliers d’affection (CE, sect., 11 oct. 1957, Consorts Hérail : AJDA 1957, p. 429, concl. Kahn). Dans cette hypothèse l’accord exprès du ou des titulaires s’impose.

Ainsi, par exemple, M. X fonde une concession de famille, décède en laissant trois fils. Les deux premiers sont mariés, le troisième vit en concubinage. Si les veuves ont droit à être inhumées dans la concession de famille sans solliciter l’accord de leurs beaux-frères, en revanche, la concubine (qui, comme un partenaire de pacs aujourd’hui, n’est pas juridiquement un conjoint) ne peut être inhumée sans leur accord. Il en sera de même pour l’enfant d’un premier lit d’une des deux veuves, qui n’est pas un descendant.

Lorsqu’il détermine les catégories et les tarifs des concessions, rien n’interdit au conseil municipal de limiter le nombre de corps qu’est susceptible de recevoir une sépulture. Ainsi, le nombre de corps peut être limité par le titre de la concession. Ensuite, il est possible de distinguer deux hypothèses selon l’existence d’un caveau. En l’absence de caveau, seront pratiquées dans la concession des inhumations en pleine terre. Le titulaire pourra creuser, selon la taille de la concession, une ou plusieurs fosses, les renouveler tous les cinq ans, voire superposer les corps. De même la profondeur du premier creusement permet de connaître le nombre de corps qu’il est possible d’inhumer successivement. Un cercueil ayant en général une hauteur d’une cinquantaine de centimètres et chaque cercueil devant être recouvert d’un mètre de terre bien foulée (cela s’appelle étonnamment le "vide sanitaire"), si le premier corps est inhumé à 4,50 m, trois corps pourront être inhumés.

En présence d’un caveau, il ne peut y avoir plus d’inhumations que le caveau ne comporte de cases.

 

Réductions et réunions de corps ultérieurement admises

 

Plus tard, sera admis, dans certaines communes, que soit pratiquée une réduction (ou réunion) de corps, c’est-à-dire l’opération de réduction de corps qui consiste à recueillir, à la suite d’une exhumation, les restes mortels dans une boîte à ossements (ou reliquaire) pour la déposer dans la même sépulture (la réunion est la même opération, mais porte sur plusieurs corps). La réduction de corps est conditionnée par la délivrance d’une autorisation d’exhumation par le maire de la commune concernée, à la demande du plus proche parent de la personne défunte. Le reliquaire sera déposé à la tête ou au pied du nouveau cercueil que la place libérée est destinée à accueillir. Cette opération peut toutefois être interdite dans le règlement du cimetière. Elle n’est pas prévue par le décret de prairial an XII (elle n’est aujourd’hui que traitée par la jurisprudence).

Quand le fondateur de la concession est décédé, l’acquisition d’un nouveau monument funéraire implique l’accord préalable de tous les héritiers du défunt. Il n’en est pas de même de l’entretien de la sépulture qui concerne tous les titulaires de la concession funéraire (qualifiés d’ayants cause du concessionnaire), ces derniers ne pouvant échapper à cette obligation. Il sera plus tard reconnu par la jurisprudence que, dans l’hypothèse où l’un des membres de l’indivision, sans s’opposer expressément aux travaux, avait indiqué aux autres qu’il refuserait de participer aux frais générés par la remise en état de la sépulture, dès lors que la sépulture n’était pas en état de délabrement, il n’était pas possible d’imposer à ce coïndivisaire le remboursement de sa quote-part.

 

Transmission des concessions

 

À défaut de disposition testamentaire léguant la concession, cette dernière se trouve en indivision perpétuelle entre les héritiers du fondateur. Dès lors la sépulture appartiendra, dans l’ordre successoral, à l’ensemble des héritiers situés sur le même rang, sans qu’aucun d’entre eux ne puisse prétendre à plus de droits que les autres. Les travaux exécutés sur la sépulture doivent donc recevoir l’accord de tous les coïndivisaires. Il a été admis au XXe siècle par la Cour de cassation que l’un des membres de l’indivision pouvait renoncer à ses droits au profit des autres. En effet, la Cour de cassation est venue préciser que : "Si le droit à la sépulture est hors du commerce, aucune disposition légale n’interdit au bénéficiaire de ce droit d’y renoncer au profit des autres membres de la famille".

 

La reprise pour état d’abandon "inventée" en 1924

 

S’agissant d’une concession perpétuelle, l’absence de titulaire (disparition ou extinction de la famille) est sans influence sur les prérogatives dont jouit la commune. Celle-ci est en effet tenue de respecter le contrat qu’elle a souscrit en délivrant la concession, et ne pourra résilier ce dernier, au moyen d’une procédure de reprise pour état d’abandon qu’à partir de 1924.

 

Une concession réservée à "l’élite sociale"

 

Enfin, il convient de préciser que la concession était, en quelque sorte, réservée à une certaine élite sociale. En effet, l’art. du décret du 23 prairial an XII disposait que :

  1. 11 : "Les concessions ne seront néanmoins accordées qu'à ceux qui offriront de faire des fondations ou donations en faveur des pauvres et des hôpitaux, indépendamment d'une somme qui sera donnée à la commune et lorsque ces fondations ou donations auront été autorisées par le Gouvernement dans les formes accoutumées, sur l'avis des conseils municipaux".

Cette particularité a perduré jusqu’en 1996 et l’adoption de la partie législative du CGCT. Alors que, jusqu’à cette date, un tiers du prix des concessions funéraires revenait au Centre Communal d'Action Sociale (CCAS), cette quote-part est aujourd'hui facultative (Instr. n° 00-078-MO, 27 sept. 2000, relative à la répartition du produit des concessions de cimetières : BO Comptabilité publique ; D. Dutrieux, "Ressources des CCAS", la "part des pauvres" supprimée par erreur, RTD sanit. soc. 2001, p. 557).

 


Damien Dutrieux,

consultant au CRIDON

Nord-Est, maître

de conférences associé

à l’Université de Lille 2.

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