Si le défunt n’est plus une personne, la législation funéraire impose le respect de sa volonté qu’il conviendra de rechercher.

 

Le droit civil distingue les personnes et les choses ; le corps mort, s’il appartient indubitablement à la seconde catégorie (X. Labbée, "Corps humain", dans S. Rials et D. Alland, "Dictionnaire de culture juridique" : Lamy-PUF 2003 p. 288), occupe néanmoins, au sein de cette catégorie des biens, une place à part, le corps du défunt étant parfois assimilé à une chose sacrée (H. Popu, "La dépouille mortelle, chose sacrée", L'Harmattan, 2009).

 

Une chose dont on a la garde

 

Néanmoins, il reste une chose et le juge a été amené à devoir statuer sur de terribles conséquences de la canicule. Dans un arrêt en date du 28 janv. 2009 (CA Paris, 25°ch. A, 28 janv. 2009, RG n° 07/6322 ; voir D. Dutrieux, "De la responsabilité de la fille d’un défunt du fait de la décomposition de la dépouille de sa mère" : Résonance n° 53, sept. 2009, p. 5), la cour d’appel de Paris était confrontée à une affaire où la décomposition d’un cadavre se trouvait au centre d’un rapport de voisinage en raison des dégâts provoqués à l’appartement situé en dessous de celui où va demeurer quelques jours une dépouille. Les juges de la cour d’appel de Paris choisissent alors la voie du trouble anormal de voisinage pour éviter de régler une question particulièrement difficile, à savoir si cette chose en elle-même (la dépouille) doit connaître l’art. 1384 précisant que l’on est responsable des choses que l’on a sous sa garde. Ce fondement "autonome" (voir D. Bert : "La reconnaissance d’un trouble anormal de voisinage à raison de la décomposition d’un cadavre" : Recueil Dalloz, 2009 J., 1804) de la responsabilité de Mme S, fille du défunt, est atteint à travers le droit successoral qui envoie Mme S en possession (et non en propriété comme l’a indiqué à tort le juge d’appel) des biens du défunt par le truchement de l’art. 724 du Code civil.

Dans une ancienne affaire, un établissement hospitalier avait vu sa responsabilité engagée du fait qu’un cadavre s’était décomposé en raison des mauvaises conditions de conservation dans la chambre mortuaire - qui à l’époque s’appelait encore la morgue - sur la base d’un contrat de dépôt (Cass. 2e civ., 17 juil. 1991, "Revue trimestrielle de droit civil" 1992, p. 412 note P.-Y. Gautier).

 

Une chose qui appartient à la famille



Le corps du défunt est donc une chose. Une chose a donc un propriétaire, qui semble être la famille (en 2003, la cour d’appel de Bordeaux ayant considéré qu’il s’agissait d’une copropriété familiale [CA Bordeaux, 1re chambre section B, 14 janv. 2003, Thebault c/ Nygren, rôle n° 99/03465] ; voir également TGI de Lille, 26 nov. 1998, consorts G. / Ville de Lille, n° 97-3576). Néanmoins, ce propriétaire ne dispose finalement d’aucune des prérogatives habituellement attachées à cette qualité de propriétaire puisqu’il est tenu par le respect de la volonté du défunt, volonté exprimée ou présumée.

Le défunt ayant été une personne, sera recherchée, lorsqu’il s’agira de s’intéresser au devenir de sa dépouille, l’expression de sa volonté avant la mort. En effet, la personne va, de son vivant, pouvoir "imposer" le devenir de son corps après le passage de vie à trépas, et demeurera en quelque sorte maîtresse de son corps, bien qu’ayant disparu. Il s’agira donc de rechercher une volonté exprimée qui devra être respectée comme l’affirme la grande loi du 15 nov. 1887 sur la liberté des funérailles toujours en vigueur.

 

Une volonté à rechercher



Cette loi est protégée tant par le juge civil que le juge pénal. Cette liberté est en effet protégée par le Code pénal qui érige en délit le non-respect de la volonté du défunt (C. pén., art.
433-21-1 ; six mois d’emprisonnement, 7 500 € d’amende). Par ailleurs, le juge d’instance est compétent pour trancher les litiges familiaux relatifs aux funérailles (COJ, ancien art. 

R. 321-12 devenu COJ, art. R. 221-7. - V. également CA Douai, 14 juin 1999, LPA 1er sept. 1999, p. 10, note X. Labbée). Le juge statue dans le jour de l’assignation et appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures. Le premier président de la cour d’appel statue immédiatement (par exemple, CA Paris, Premier prés., 23 juin 1989 ; CA Pau, Premier prés., 25 janv. 2002, n° 02/00319).

Si la décision du juge est notifiée au maire, l’ancien art. R. 321-12 précisait qu’il n’est pas "porté atteinte aux attributions de ce dernier, concernant les mesures à prendre dans l’intérêt de la salubrité publique". C’est le Code de procédure civile qui désormais précise, dans son art. 1061-1, les missions du juge d’instance et du premier président de la cour d’appel puisqu’il y est indiqué que :

"En matière de contestation sur les conditions des funérailles, le tribunal d’instance est saisi à la requête de la partie la plus diligente selon un des modes prévus à l’art. 829. 

Il statue dans les vingt-quatre heures. 

Appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d’appel. Celui-ci ou son délégué est saisi sans forme et doit statuer immédiatement. Les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. 

La décision exécutoire sur minute est notifiée au maire chargé de l’exécution".

Ce contentieux ne doit pas être confondu avec le contentieux civil de l’utilisation de la sépulture qui ressort de la compétence du tribunal de grande instance (notamment, Cass. 1re civ., 23 mai 2006, n° 05-13.774, Dr. famille 2006, comm. 195, note D. Dutrieux).

Le respect de la volonté du défunt va également permettre d’obtenir - mais il s’agit alors d’un contentieux différent puisqu’il intervient après les funérailles - l’exhumation d’un défunt (CA Poitiers, 7 mars 2007, n° 06/02825, B. c/ L., - D. Dutrieux, "Volonté du défunt et volonté du fondateur de la sépulture", JCP N 2008, 1178 ; Cass. 1re civ., 14 avr. 2010, n° 09-65.720, JCP A 2011, 2034, p. 28).

 

Une volonté à respecter



Cette volonté exprimée se trouvera au centre des interrogations essentielles que pose le corps du défunt. Quelle destination lui donner (inhumation ou crémation) ? Des prélèvements à but thérapeutique ou scientifique sont-ils envisageables, un don du corps a-t-il été décidé, une autopsie doit-elle être pratiquée pour connaître la cause du décès en dehors de tout signe de mort suspecte ? Un mandat posthume existe-t-il ou un mandat de protection future ? Le défunt a-t-il seulement exprimé un souhait sans en définir les modalités particulières, ou a-t-il pris en charge chaque détail de ses obsèques, notamment par la souscription d’une convention obsèques traditionnelle ? Comment le respect de cette volonté est-il protégé et évidemment comment celui du corps du défunt est-il assuré ?

Au préalable, une place à part sera faite pour le don du corps que peut seul décider le défunt (CGCT, art. R. 2213-13).

Le droit funéraire est particulièrement marqué par le principe du respect de volontés, qu’il s’agisse de celle du défunt quant à ses obsèques que de celle du fondateur de la concession funéraire.

La police des funérailles doit s’inscrire dans le respect du principe de laïcité et dans celui de la liberté des funérailles, qui lui est historiquement lié. S’appliquent les dispositions de l’art. 3 de la loi du 15 nov. 1887 (DP 1887, législ. p. 101) selon lesquelles tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, a le droit "de régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture".

Ainsi, par exemple, la cour d’appel de Poitiers a rendu un arrêt (CA Poitiers, 7 mars 2007, B. c/ L.) qui illustre cette liberté dans le cadre d’une demande d’exhumation formulée par un concubin et refusée par les parents de la défunte. Alors que le concubin avait laissé les parents de la défunte organiser les funérailles, il a saisi le tribunal de grande instance, pour obtenir l’autorisation de procéder à l’exhumation du corps de celle-ci afin de respecter les volontés qu’elle avait exprimées dans un testament ("je veux qu’après ma mort mon corps soit incinéré. Je charge M. L. Guy, mon ami très proche et le plus cher pour moi, d’assurer l’exécution de ma volonté").

À l’occasion de l’appel interjeté contre le jugement du tribunal de grande d’instance, la cour d’appel de Poitiers a indiqué que :

"Les parents de Corinne B. procèdent par affirmations pour soutenir que M. L. ne pouvait ignorer l’existence de ce testament, et ne pouvait en tout état de cause qu’être informé des volontés de sa compagne. En effet, les courriers de Me B. ne sont adressés qu’à Corinne B. et aucune pièce ne démontre qu’ils aient pu être portés à la connaissance de M. L. Aucun des termes du testament ne révèle une discussion ou un accord des concubins sur l’organisation de leurs funérailles respectives. Il n’est pas plus justifié que M. L. ait été associé à l’organisation des obsèques mises en oeuvre par les parents, l’existence de difficultés relationnelles entre les parties n’étant pas niées et que le lieu et les conditions de sépulture aient été décidés d’un commun accord. M. et Mme B. ne peuvent donc se prévaloir d’une renonciation tacite de M. L. à se conformer aux dispositions testamentaires de sa compagne alors même que l’exécuteur testamentaire, conscient de ses obligations, conteste toute défaillance de sa part".

Par ailleurs, et il est important de le préciser, le temps écoulé entre les obsèques et la demande d’exhumation est apprécié par le juge pour vérifier le bien-fondé de la demande présentée par le concubin puisque le juge relève que :

"Il apparaît que le 14 déc. 2005, M. L. a, par lettre recommandée avec accusé de réception de son avocat, saisi les parents de Corinne B. d’une demande officielle du respect des volontés de leur fille quant à sa sépulture, et il ne peut être considéré que le délai écoulé depuis le décès, soit six mois, vaille également renonciation tacite à exécuter le testament, compte tenu des motifs qui précèdent et de la réflexion raisonnable qu’il démontre, la douleur de M. L. de faire exhumer sa compagne ne pouvant être niée". 

En conséquence la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a ordonné l’exhumation suivie de l’incinération de la dépouille de Corinne, avec remise des cendres à M. L., celui-ci en supportant les frais.

Ainsi, le concubin, même après l’inhumation, a été en mesure d’organiser les obsèques conformément aux volontés de la défunte.

 

 

 

              Damien Dutrieux,

  Consultant au CRIDON

Nord-Est, maître de conférences

 associé à l'université de Lille 2

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations