Chaque année, en général vers la mi-octobre, les Services Funéraires de la Ville de Paris (SFVP) propose un rendez-vous d’avant-Toussaint afin d’exposer les différentes études qui ont pu être réalisées. Pour 2017, les SFVP ont souhaité dresser un état des lieux de l’impact écologique des rites funéraires, un sujet pertinent… et ancré dans les préoccupations actuelles.

 SFVP quadri

 

Dans une société occidentale qui connaît de profondes évolutions, où les croyances et les rites traditionnels occupent de moins en moins l’espace des obsèques, le besoin de valeurs fortes malgré tout perdure, et de nouvelles naissent. L’écologie fait partie de celles-ci, conduisant aujourd’hui - et d’autant plus depuis la COP 21 et les suivantes - à réfléchir sur "l’équivalent CO2" généré par les deux rites funéraires que sont la crémation et l’inhumation.

Aucune analyse scientifique sur le sujet n’existait jusqu’à maintenant. Les SFVP ont donc commandé une étude inédite pour répondre à la question : entre l’inhumation et la crémation, laquelle est la plus écologique ? Pour cela, elle est passée par sa Fondation dans le cadre d’un appel à projet(1) et a sollicité Durapôle(2) et Verteego(3) pour réaliser cette analyse comparative de cycle de vie simplifiée des deux types de rites. Les flux de référence choisis pour celle-ci correspondent à la prise en charge du corps jusqu’à son altération.

SFVP Etude 121017 01Quelques membres des Services Funéraires de la Ville de Paris dont François Michaud-Nérard et Cendrine Chapel.
Et en arrière plan, les représentants de Verteego et Durapôle.

Définir deux systèmes précis

Il est important de noter que l’altération du corps du défunt a été définie selon deux systèmes bien précis. Le "A" est celui de l’inhumation. Il va de l’altération du corps à la fin d’une concession de trente ans après crémation et pulvérisation ou mise en ossuaire. Pour le "B", celui de la crémation, il part de l’altération du corps à la remise de l’urne cinéraire aux pompes funèbres ou aux familles pour les différentes destinations de l’urne.

Ceux-ci prennent en compte tout le cycle en examinant l’extraction, le traitement et la transformation des ressources naturelles, les différents transports (matières premières et distribution des produits finis), les divers procédés (fabrication et autres), leurs utilisations (gestion des cimetières ou des crématoriums par exemple), les déchets, etc., amenant des interrogations sous-jacentes comme "le cercueil en carton est-il un atout ?", "l’origine du granit est-elle importante ?", "quel est l’impact des métaux résiduels ou des cendres sur l’environnement ?", etc.

Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici de stigmatiser telle ou telle pratique, ni de porter un jugement de valeur, mais d’élaborer des pistes de réflexions qui pourront donner suite à d’autres analyses… et de permettre aux familles de faire des choix en connaissance de cause.

Éléments pris en compte et hypothèses générales

Les éléments pris en compte pour l’évaluation de l’empreinte carbone de l’inhumation sont le cercueil (matières premières/fabrication, transports, déchets), le transport du défunt après mise en bière, la destination de l’inhumation (pleine terre, caveau, monument), la gestion du cimetière (entretien des espaces verts) et la fin de concession (ossuaire, crémation/pulvérisation).

Pour la crémation, ce sont le cercueil (matières premières/fabrication, transport, déchets), le transport du défunt après mise en bière, la crémation/pulvérisation (gaz, électricité, réactifs, métaux, polluants, immobilisation), l’urne cinéraire (matières premières/fabrication, transports) et la destination de l’urne (columbarium, cavurne, caveau, dispersion).

Les hypothèses générales retenues (liste non exhaustive) sont, pour l’inhumation, une concession de 30 ans avec deux défunts en moyenne, un rite standard, des monuments en granit sans entretien (cas des réalisations actuelles), moyenne de 5,5 défunts par boîte en ossements secs, ensemble du corps désagrégé, cimetières parisiens exclus car trop spécifiques, seuls ceux extramuros sont inclus dans l’étude. Pour la crémation, font partie de celles-ci : crématoriums d’Île-de-France, moyenne brute des performances énergétiques des crématoriums du Père lachaise et de Champigny-sur-Marne.

Les données ont été collectées auprès de divers fournisseurs et prestataires de services partenaires des SFVP de la région parisienne, et sont représentatives d’une moyenne en Île-de-France. Celles-ci sont sans doute peu différentes de ce que l’on obtiendrait dans l’ensemble de la France, mais elles ne peuvent pas être extrapolées en Europe, tant les pratiques sont différentes.

La crémation et l’inhumation pleine terre gagnantes

Les résultats ressortant de l’analyse sont que l’inhumation équivaut à 3,6 crémations en matière d’équivalent CO2. À titre de comparaison, une inhumation correspond à 11 % des émissions d’un Français moyen sur un an, contre 3 % pour la crémation. Ou 4 023 km en voiture intermédiaire transportant une seule personne contre 1 124 km pour la crémation ; ou encore 260 209 km en train versus 72 677.

Il est nécessaire de préciser que la destination du lieu de sépulture (sur un scénario moyen "pleine terre" ou "caveau") est le premier poste représentant à lui seul 88 % des impacts d’une inhumation. Le scénario maximum est celui de l’inhumation avec construction d’un caveau et un monument importé d’Asie. À l’inverse, la mise en pleine terre sans monument a une empreinte écologique plus faible qu’une crémation.

Ainsi, l’étude (caractérisée sur le seul territoire francilien) qui nous a été présentée démontre que l’influence environnementale de la crémation est bien moindre. Pour celle-ci, le gaz est le premier poste d’émission de GES (gaz à effet de serre). Il représente à lui seul 56 % des émanations GES d’une crémation, dont la quantité moyenne de gaz nécessaire pour alimenter le four est de 42 m³.

Les autres points d’incidence notables sont les infrastructures (construction des crématoriums) qui représentent le deuxième poste avec 24 % et le cercueil troisième poste avec 12 %. Pour ce dernier, une comparaison cercueil bois/cercueil carton a été effectuée, laissant apparaître une émission de CO2 supplémentaire pour le carton (entre 14 et 46 kg suivant le modèle) alors que les modèles en bois ont un apport calorifique significatif limitant la consommation de gaz.

D’autres analyses à venir possibles

Pour conclure, la recherche et les analyses réalisées ouvrent quelques voies d’observation et d’évolution possibles afin de diminuer le poids de CO2 généré aujourd’hui par les activités funéraires. Nous avons notamment relevé la nécessité de tendre vers la légèreté (diminution du poids des cercueils et des monuments, réduction des quantités de vernis et de teinte), d’améliorer les performances des équipements (choix de grands crématoriums dont la consommation est plus basse que celle des petits, récupération de la chaleur des gaz produite au niveau de la filtration), de repenser les métiers et les façons de penser du grand public (réutilisation et sauvegarde des éléments le permettant, augmentation des surfaces vertes, etc.).

Tout cela doit permettre d’imaginer à l’avenir des moyens mis à disposition des familles pour les guider dans leurs choix, qui ne seront plus basés uniquement sur des critères économiques et culturels, mais également sociaux et environnementaux.

Gil Chauveau

Nota :
(1) Il s’agit de l’appel à projets "Faire progresser les pratiques autour de la mort et du deuil" lancé par la Fondation SFVP.
(2) Durapôle est un cluster (regroupement de TPE et PME du même secteur) d’éco-entreprises franciliennes situé à Paris.
(3) Verteego est l’une des start-up membres de Durapôle, spécialiste de solutions data innovantes tournées vers l’écologie et le développement durable.

 

Résonance n°134 - Octobre 2017

 

 

Instances fédérales nationales et internationales :

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