Une récente réponse ministérielle rappelle que la commune ne peut nullement déléguer la surveillance des cimetières à des sociétés de sécurité privées.
La surveillance du cimetière et des autres lieux de sépultures…

1 - Comme l’indique le ministre de l’Intérieur dans la réponse du 4 août 2009 ci-dessous reproduite, le Code général des collectivités territoriales confie au maire la police des cimetières en lui assignant la mission d’y maintenir l’ordre et la décence dans le cadre d’une stricte neutralité (CGCT, art. L. 2213-8 et L. 2213-9). Pour ce faire, il dispose tout d’abord du pouvoir d’établir un règlement intérieur concernant l’accès du cimetière, le maintien de l’ordre et de la décence, le respect de la neutralité ; des mesures de police pourront être prises dans ce règlement. Les violations du règlement du cimetière (par les usagers, les concessionnaires, les entrepreneurs et opérateurs funéraires), comme d’ailleurs les violations de tous les arrêtés de police, pourront être sanctionnées par le juge en application de l’article R. 610-5 du Code pénal (contravention de première classe). Ensuite ce pouvoir de police se manifeste par une surveillance effective du ou des cimetières communaux.

2 - Les pouvoirs du maire ne concernent pas uniquement le cimetière mais également les autres lieux de sépulture. Il convient de rappeler que le préfet peut autoriser l’inhumation sur une propriété privée d’une part, et que, d’autre part, existent encore des cimetières privés, mais leur création ou agrandissement sont aujourd’hui prohibés (CE, 18 août 1944, Lagarrigue : Rec. CE, p. 237. - 13 mai 1964, Eberstarck : Rec. CE, p. 288. - CA Aix, 1er février 1971, Rouquette : AJDA 1972, p. 111 ; voir D. Dutrieux, L’inhumation en terrain privé : JCP N 2006, 1370, p. 2126).
Le ministre de l’Intérieur est venu préciser que le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police, pouvait faire exhumer les restes des corps inhumés dans des propriétés privées quand ces sépultures étaient abandonnées, après la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique (Circulaire du ministère de l’Intérieur n° 64-593, 3 novembre 1964 ; voir également Rép. min. n° 22445 : JOAN Q 27 février 1995, p. 1139). Le refus d’inhumation en terrain privé peut être fondé sur les risques d’atteinte à l’ordre public. Ainsi, le Conseil d’État (CE, 12 mai 2004, Association du Vajra triomphant : Collectivités-Intercommunalité 2004, comm. 175, note D. Dutrieux), juge de cassation, refuse de sanctionner l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé que les troubles à l’ordre public (ampleur de l’hostilité des élus et de la population locale) qu’était susceptible de générer l’inhumation d’un "gourou" dans un site dénommé "cité sainte de Mandarom" appartenant à une association (association du Vajra Triomphant) justifiaient le refus opposé par le préfet. La protection de l’ordre public figure évidemment parmi les motifs permettant de refuser une autorisation d’inhumer, c’est-à-dire une mesure de police.
Par ailleurs, comme il a été rappelé aux maires par circulaire du ministère de l’Intérieur (11 janvier 2005 ; voir ci-après), la surveillance effective s’impose également pour ces lieux privés de sépultures qui sont également l’objet de
profanation.

3 - Ainsi, une surveillance effective non seulement s’impose au maire qui ne peut utiliser que des "moyens publics", mais encore est susceptible d’engager la responsabilité de la commune.
… implique l’utilisation de "moyens exclusivement publics"…
Comme le rappelle le ministre de l’Intérieur dans sa réponse du 4 août 2009, le maire doit utiliser ses propres moyens pour assurer la protection des lieux de sépultures publics et privés. La commune ne peut recourir à la délégation de service public à cette fin. Si certaines communes indiquent avoir "privatisé la gestion de leurs cimetières", l’analyse des contrats démontre que seul l’entretien a été confié au délégataire.
Force est toutefois d’admettre qu’à travers ce procédé l’on constate parfois un véritable "désengagement" de la commune qui, de facto, confie également à la personne privée la surveillance du cimetière alors que cette mission relève de la police du maire insusceptible de délégation, comme le rappelle dans cette réponse du 4 août 2009 le ministre de l’Intérieur. Il demeure que la commune est toujours responsable de cette surveillance et ne pourra échapper à ses responsabilités en appelant en garantie son cocontractant qui ne peut se voir confier que l’entretien des parties publiques du cimetière.

4 - Par ailleurs, le juge apprécie les effectifs en termes de personnels utilisés en fonction des moyens de la collectivité pour apprécier ou non l’existence d’une responsabilité.
… dont le financement incombe à la collectivité…

5 - Si l’existence de ce pouvoir de police induit une obligation générale de surveillance du cimetière, cette surveillance est financièrement à la charge de la commune qui ne peut la répercuter d’une quelconque manière sur les professionnels. Selon le ministre de l’Intérieur en effet : "La surveillance des cimetières étant une mission de police administrative dévolue au maire, la facturation de cette surveillance par le personnel communal aux entreprises effectuant des opérations de fossoyage ne saurait pouvoir être envisagée" (Rép. min. n° 4730 : JO Sénat Q 19 février 1998, p. 598). À ce titre, le maire doit s’assurer du bon état des sépultures et mettre en demeure les titulaires des concessions dont le mauvais état constitue un risque pour l’hygiène ou la sécurité du cimetière, d’effectuer les travaux nécessaires (l’exécution d’office ne peut être justifiée que par l’urgence ;CE, 11 juillet 1913, de Chasteignier, Mure et Favreau : Rec. CE, p. 832).
… et est susceptible d’engager la responsabilité de la commune.

6 - Cette obligation de surveillance explique que le juge administratif va engager dans certains cas la responsabilité de la commune pour la réparation d’un préjudice résultant de la ruine d’un monument funéraire (CE, 19 octobre 1966, Cne Clermont [Oise] : Rec. CE, p. 550, en l’espèce la ruine du monument était due non à sa vétusté mais au défaut de surveillance).

7 - De même, la surveillance doit porter sur les travaux exécutés par les concessionnaires. La responsabilité de la commune peut être mise en cause en raison de l’empiétement sur une concession par une construction édifiée sur une concession voisine, dès lors qu’il est établi que la commune n’avait pas surveillé ces travaux (CAA Nancy, 2 juillet 1991, Cts Tahir, Emilienne Debarge-Verqueren, req. n° 89-NC01389 et 89-NC01394).
De même, concernant la responsabilité de la commune en matière de vols dans le cimetière, il convient de relever la réponse apportée par le tribunal administratif de Marseille qui, dans son jugement du 8 juin 2004, démontre une approche pragmatique du juge et, fort heureusement, ne donne pas à l’obligation de surveillance du maire le caractère d’une obligation de résultat (TA Marseille, 8 juin 2004, G. c/ Ville Marseille : Collectivités-Intercommunalité 2004, comm. 249, note D. Dutrieux). La commune parvient à faire rejeter la requête en démontrant qu’étaient instituées des mesures destinées à assurer la surveillance du cimetière, ces mesures étant considérées comme suffisantes eu égard aux circonstances (J.-P. Tricon, directeur des Opérations funéraires de la ville de Marseille, rappelle que la ville compte 21 cimetières et que le cimetière de Saint-Pierre connaît une superficie qui voisine les 63 hectares [seconde nécropole de France par sa taille] ; V. Funéraire Magazine, n° 149, sept. 2004 p. 24). La commune n’est donc pas responsable des vols dans le cimetière si elle démontre que des mesures de prévention adaptées aux circonstances locales avaient été prises. À noter également que la commune ne peut être responsable des dégâts causés par la chute d’un monument funéraire, dès lors que n’est pas démontrée une faute commise dans l’exercice du pouvoir de police et consistant notamment dans la connaissance du descellement du monument non suivie de mesures de protection (CAA Nancy, 13 janvier 2005, n° 02NC00427, X c/ Ville
Nancy. - V. également TA Nancy, 22
janvier 2002, Gille c/ Ville Nancy : Collectivités-Intercommunalité 2002, comm. 121, note J. Moreau) ; il s’agit en effet d’abord d’un litige d’ordre privé (responsabilité des dommages causés par un immeuble ; C. civ., art. 1386) entre deux concessionnaires de sépulture ou un concessionnaire de sépulture et un usager du cimetière (CA Rennes, 6 mars 2002, Le Mann c/ Benjamin Parchemin : Juris-Data n° 2002-179698. - V. également E. Boehler, De la réparation du dommage causé par la ruine d’un monument funéraire : LPA 2 nov. 1990, p. 4).

8 - Une circulaire du ministère de l’Intérieur du 11 janvier 2005 est venue rappeler les moyens juridiques et techniques à la disposition des maires pour assurer la protection des lieux de sépultures ainsi que le dispositif pénal permettant la répression des actes de profanation (V. ce texte reproduit dans : Collectivités-Intercommunalité 2005, comm. 52, note D. Dutrieux. -V. également T. Dubaele, Le racisme dans les cimetières : La Lettre du Funéraire, n° 4, janv. 2005, p. 2). Comme la réponse du 4 août 2009 ci-dessous reproduite, le recours à la vidéosurveillance est envisagé pour les lieux de sépultures dans cette circulaire.

Damien Dutrieux
 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations