Lors de son colloque annuel en octobre 2015, le Syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne (Sifurep) a essayé de mesurer la portée du bouleversement numérique qui impacte le secteur funéraire, explorant le panel des nouvelles offres de services proposées. Parce que ce mouvement est devenu inéluctable.

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"Le courrier postal a régressé de 31 % ces dernières années, le nombre d’agences de voyages a été divisé par vingt, celui des librairies par dix. Il n’y a aucune raison pour que le funéraire ne soit pas touché par la révolution du numérique." Après d’autres, le directeur général des Services Funéraires de la Ville de Paris (SFVP), François Michaud-Nérard, a bien été obligé à son tour de se lancer dans le digital. D’adapter son offre aux nouveaux modes de consommation du public. Il l’expliquait en 2015 lors d’un colloque consacré au sujet, organisé à Paris par le Sifurep (Syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne), 96 collectivités adhérentes.

"Si l’évolution des pratiques funéraires est inéluctable, ce colloque du Sifurep a permis de montrer que l’innovation, quelle qu’elle soit, n’était pas à poursuivre au détriment de la réflexion, de l’éthique, de la modération et de la garantie d’un service de qualité", a commenté après coup Jacques Kossowski, président du Syndicat, par ailleurs député-maire de Courbevoie (92). "Les pouvoirs publics doivent jouer un rôle de protection des citoyens face à ces nouveaux paradigmes, sans pour autant aller contre les avancées de la société."

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Jacques Kossowski,
président du Sifurep.
François Michaud-Nérard,
directeur général des SFVP.
Tanguy Châtel,
sociologue.

Danielle da Palma,
avocate.

Nouvelles offres de services

Et de poursuivre : "Voyant que, depuis plusieurs années, la sphère du funéraire est progressivement investie par le monde de l’Internet, il nous a paru intéressant de chercher à dessiner les contours de ce phénomène complètement inédit, et d’explorer le panel des nouvelles offres de services qu’il a générées : avis de décès et de condoléances en ligne, comparateurs de devis d’obsèques, retransmissions de cérémonies, création de mémoriaux virtuels… Le déploiement de ces nouveaux outils, accessibles d’un clic, sans avoir à pousser la porte d’une agence de pompes funèbres, pose en effet de nombreuses questions que le Sifurep ne peut ignorer..."

Essayer de mesurer ces bouleversements, d’en comprendre le modèle d’affaires, ses limites réglementaires et éthiques, et, en somme, la pérennité de ces nouveaux services : c’était l’ambition de cette manifestation. Car désormais, même les entreprises classiques ne peuvent plus faire l’économie d’un site Internet, plus ou moins complet. Au minimum la vitrine de son activité. Au mieux un éventail de l’offre, jusqu’à y inclure des outils de personnalisation de plaques ou un gestionnaire de livraison de fleurs. En creux : une interrogation, selon Jacques Kossowski, sur "le fonctionnement et l’équilibre du secteur funéraire".

Appréhender les mouvements en cours

Au travers de ce colloque, la direction du Syndicat intercommunal a également "voulu tenter d’évaluer les incidences du recours aux nouvelles technologies sur le rapport à la mort et sur l’inévitable temps de deuil pour les familles. "Acteurs historiques du funéraire et nouvelles sociétés de service nous ont ainsi donné quelques clés pour appréhender les bouleversements en cours, et anticiper ceux qu’un avenir proche nous réserve", a assuré Jacques Kossowski.

Car, affirmait l’an dernier le sociologue Tanguy Châtel, le monde de l’Internet n’est pas familier aux collectivités locales. "Il facilite la pédagogie de la mort, tout en bousculant les pratiques, quitte à faire l’impasse parfois sur d’importantes répercussions éthiques et réglementaires. Et c’est cela que l’on attend des pouvoirs publics, poursuivait-il : qu’ils nous protègent sans pour autant freiner sur l’innovation. Qu’ils expérimentent sans trahir."
Le numérique bouscule le secteur. "La mort est invariable, mais elle s’inscrit dans son temps", résumait Tanguy Châtel. "Nous devons accompagner les évolutions de la société", ajoutait François Michaud-Nérard, des SFVP. "La ligne Maginot des agences classiques sera contournée", prophétisait-il.

Son site Internet offre aujourd’hui les mêmes fonctionnalités que celui d’OGF, par exemple, un acteur ayant pris le virage numérique dès le début des années 2000. Les familles pour la première fois confrontées au crématorium du Père-Lachaise, par exemple, peuvent depuis un écran visiter virtuellement les lieux, ou trouver des propositions de textes ou de musiques pour leur cérémonie. Lors du colloque, François Michaud-Nérard confiait : "Nous essayons d’être agiles, même si l’organisation des obsèques à la carte et en ligne, par exemple, représente pour l’instant un volume d’activité réduit."

Encadrer et être rigoureux, voilà l’exigence

Interrogée à son tour, l’avocate Danielle da Palma mettait en garde l’assistance l’an passé. Les prestataires numériques intervenant dans les obsèques (retransmissions vidéo, sites mémoriaux) doivent avant d’agir régler les questions liées au droit à l’image, à la propriété des données personnelles, à la sécurité des flux. Et, à lire certains contrats entre opérateurs et familles, elle y voyait des lacunes criantes. "Encadrer, être rigoureux", voilà l’exigence, pour François Michaud-Nérard, notamment en matière de sites mémoriaux où, selon lui, l’accès et la durée de l’hommage doivent rester limités.

Face au numérique, le sociologue Tanguy Châtel a eu aussi une autre réserve. Celle du virtuel. "Les cérémonies rassemblent, sont un moment de concret qui facilite le détachement avec le défunt, pour entamer son deuil." Là, que partage-t-on ? Et comment se détacher d’un mort s’il reste accessible en permanence ? "Et à quand les hologrammes interactifs", plaisantait-il.

Gagner en opportunités commerciales, amplifier l’information et l’accompagnement apporté aux familles, Internet peut beaucoup apporter. À condition d’en user à bon escient, ont conclu les protagonistes du colloque.

Le numérique progresse dans les pratiques funéraires

La progression du numérique dans les pratiques liées aux obsèques se ressent, à en croire une étude du Crédoc publiée en octobre 2014, pour le compte de la Chambre syndicale nationale des arts funéraires (CSNAF).

Certes, le recours à Internet reste "encore marginal". 5 % des personnes interrogées ont dit l’avoir utilisé. "Il existe cependant une véritable attente à l’égard de la toile en matière de recherche d’informations sur les funérailles, note le Crédoc. 40 % des sondés seraient prêts à l’utiliser pour se renseigner sur les démarches à suivre, et 31 % pourraient en faire usage pour établir un devis auprès d’un opérateur." Les personnes prêtes à utiliser le digital dans le cadre d’obsèques ont le même profil que celles achetant le plus souvent sur la toile : ils sont plus diplômés, plus jeunes, et disposent de revenus plus élevés. On y trouve aussi plus d’individus ne souhaitant pas une cérémonie religieuse.

Pour les plus jeunes, Internet constitue aussi un nouveau support pour rendre hommage aux défunts. Le renouvellement des générations pourrait voir s’accélérer cette situation via des sites dédiés et les réseaux sociaux. Même tendance pour le développement d’activités numériques de services (entretien ou fleurissement de sépultures, par exemple) liés à la baisse de fréquentation du lieu, à l’éclatement des familles et à la baisse de la pratique religieuse. Le souhait également constaté d’être de plus en plus acteur de l’organisation des obsèques favorise l’émergence de sites Internet aux services diversifiés.

À lire : "La montée de l’immatériel dans les pratiques funéraires", Crédoc, collection Consommation et modes de vie, n° 270, octobre 2014.

 

Olivier Pelladeau

Résonance hors-série n°3 - Janvier 2017

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