L’éthique est animée par des valeurs, celles du respect, de la réciprocité, de la sollicitude pour autrui, ce qui met l’homme au centre des relations humaines. Elle ne pose pas la question du "Bien" et du "Mal", ce qui relève de la morale. Elle attache une importance prioritaire à la dimension sociale de l’existence, aux conditionnements sociaux des décisions individuelles.

 

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Jo Le Lamer,
président de la FFC

Comment mettre l’homme au centre de notre action ?

C’est, pour ses obsèques, en leur donnant du sens et de la décence, de la dignité, dans le respect de ses volontés, de ses convictions, de ses engagements, de son parcours de vie… Quel que soit le mode d’obsèques choisi, crémation ou inhumation, pourquoi ne serait-ce pas le cas ? En quoi la dimension symbolique et spirituelle échapperait à l’être humain qui choisit la crémation ? Car l’homme est avant tout, consciemment ou non, un être de symbole.

Pendant la préhistoire et dans toutes les religions polythéistes, la crémation était perçue comme un retour "au grand Tout" et une manifestation d’humilité à l’égard du cycle éternel de la vie et de la mort. C’est toujours le cas, notamment dans une partie de l’Asie. Et pourquoi cela ne concernerait-il pas tout le monde, et notamment les religions monothéistes, dont la plupart veulent imposer leur conception de la relation entre l’être humain et leur Dieu, y compris au moment de la mort et après ? La question de la dimension symbolique de la crémation est moins religieuse que psychologique et personnelle. Certains peuvent être séduits, par exemple, par le symbole du feu purificateur ou par celui de l’anéantissement complet, de la fusion avec la nature.

Ainsi le philosophe et académicien Michel Serres précise-t-il son choix :

"Si laids sont les cimetières que je ne veux pas que l’on m’enterre. Je préfère brûler, en une dernière flamme, après mes quelques années d’incandescence. Que l’on jette enfin par les quatre vents des restes légers ! Chute dernière ! Que l’on prie, si l’on croit ; que l’on se recueille, si l’on veut, qu’on lise des textes inspirés. Mais qu’enfin, que l’on me confie au feu et à l’air, par l’univers. Merci !"

Le symbole du feu purificateur

"Le feu est un archétype universel, un concept archaïque profond, un des grands symboles de l’énergie psychique, réchauffant et rayonnant, dévorant et dangereux comme elle", a écrit Carl Jung dans "L’homme et ses symboles".
D’abord, il change la masse putrescible du corps en éléments subtils qui composent la flamme et les cendres. Ces éléments subtils forment le "corps nouveau", dont le mort a besoin. De ce fait, en second lieu, le feu libère et purifie…

Un exemple de transformation symbolique figure dans le testament de Sabina, l’héroïne de Milan Kundera, dans "L’insoutenable légèreté de l’être". Dans son testament, elle stipule que sa dépouille doit être brûlée et ses cendres dispersées, car elle veut mourir sous le signe de la légèreté et non sous le signe de la pesanteur

comme ses amis inhumés. Elle sera plus légère que l’air ! Faut-il pour autant chercher à justifier ce choix, par le fait que Sabina est exilée en Amérique, loin de sa terre natale ?

La relation mémorielle

Cette interprétation est purement subjective, car elle tend à conférer au corps une valeur sacrée après la mort, pour autant que ce corps soit mis en terre, "la terre nourricière et hospitalière" qui favoriserait la relation mémorielle "morts- vivants". Cette subjectivité est le plus souvent basée sur des convictions religieuses, fort respectables certes, mais pas universellement partagées, puisqu’au moins 50 % de l’humanité ne pratique aucune religion, selon les propos mêmes du Dalaï Lama.

La sacralité reconnue au corps mort, y compris par le législateur français dans la loi du 19 décembre 2008 en instaurant un statut des cendres, concerne aussi bien la crémation que l’inhumation. Dans les deux cas, le corps est réduit en poussières. Plus ou moins rapidement, il est vrai ! Mais respectons les deux choix !

L’attrait de la crémation aujourd’hui relève aussi d’un dégoût à l’idée de laisser le corps se décomposer naturellement : plutôt être brûlé qu’être grignoté par les vers, le cercueil flottant parfois dans l’eau putride du caveau inondé. Idée et images insupportables, y compris pour le respect dû au corps mort et pour en prendre soin...En quoi ces considérations, qui touchent aussi à l’éthique, ne seraient pas aussi respectables que celles des partisans de l’inhumation ?

Quant à la relation mémorielle, elle a, forcément, une dimension éthique ! Elle existe, elle demeure, elle traverse les années. Peu en importe la forme, apparente ou non, du moment qu’elle est ! Avec la crémation, elle se fait sous d’autres formes. D’autant mieux si la personne qui a fait ce choix a échangé à ce sujet avec ses proches et ses amis, ce qui est une marque de responsabilité, de confiance, de respect et d’amour. Oui, la crémation instaure, incontestablement, un nouveau mode de relation avec la mort, avec le défunt : l’intériorisation du souvenir.
Est-il forcément besoin d’aller dans un cimetière, qui plus est au moment de la Toussaint, pour penser à ses "chers disparus" ? Non, disent 88 % des personnes dont un proche a été crématisé (baromètre CREDOC 2014 pour la Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire - CSNAF). Un objet, une photo, un écrit, une odeur, une chanson, suffisent…

C’est aussi le cas de ceux dont les proches sont inhumés, du fait de l’évolution des mentalités et des modes de vie, du fait de l’exode rural, des familles de plus en plus éloignées géographiquement, voire éclatées et recomposées…

Jean Chabert,CHABERT Jean fmt
vice-président de la FFC

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