Il ne s’agit pas ici de dresser l’étendue des missions que peut assurer un agent public dans un cimetière, mais bien d’en dresser les limites. En effet, si chaque commune doit consacrer à l’inhumation des défunts un (voire plusieurs) terrain(s) spécialement aménagé(s) à cet effet, selon les prescriptions de l’art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), ces équipements obligatoires peuvent entraîner le recrutement de personnels chargés de les gérer. Il se peut aussi, en cas d’absence de personnels spécifiquement affectés au cimetière, que des agents communaux affectés à d’autres tâches y interviennent épisodiquement. Quelles sont alors les limites à leurs interventions ? C’est ce que nous allons essayer d’illustrer. Selon les fiches de métiers proposées par le Centre national de la fonction publique territoriale (fiches nos 04/D/27 pour les conservateurs et 10/D/27 pour les agents funéraires), ces fonctionnaires territoriaux sont appelés à gérer les cimetières d’une façon administrative pour les premiers, plus techniques pour les seconds. Néanmoins, deux séries de limites existent et sont transposables à tout autre agent public.

 

Dupuis Philippe 2015 fmt
Philippe Dupuis, formateur
en droit funéraire pour
les fonctionnaires territoriaux
au sein des délégations
du CNFPT.

Les agents communaux et la surveillance des cimetières : la limitation posée par les pouvoirs de police

La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures est venue alléger le nombre d’opérations devant donner lieu à surveillance obligatoire, puisque seules subsistent la fermeture de cercueil s’il y a crémation et celles où aucun membre de la famille ne serait présent. Les opérations funéraires devant être surveillées le seront par :
- chef de circonscription de police nationale dans les communes dotées d’une régime de police d’État (cela ne concerne plus uniquement le seul commissaire de police, car de plus en plus de communes à régime de police d’État, notamment depuis la mise en œuvre de la police de proximité, voient les fonctions de chef de circonscription assurées par un lieutenant, un capitaine ou un commandant de police) ;
- maire dans les autres communes ;
- préfet de police à Paris (art. R. 2512-35 du CGCT).

Il faut noter enfin que les chefs de circonscription peuvent déléguer leur compétence à tout fonctionnaire de police du corps de maîtrise et d’application de la police nationale. Les maires peuvent aussi déléguer leur compétence aux gardes champêtres ou encore, lorsqu’il en existe, à tout agent de police municipale (art. L. 2213-14 du CGCT). Ce même article prévoit que le maire pourra faire surveiller par ces personnels d’autres opérations que celles devant être obligatoirement surveillées. Est-ce à dire que seuls les fonctionnaires de police seront compétents pour ces autres missions que celles rendues obligatoires par les textes, ou bien sera-t-il possible, par exemple, de faire surveiller une exhumation à la demande des familles par un agent communal, autre que ceux visés par l’art. L. 2213-14 du CGCT ? Nous inclinons à le penser, à compter du moment où, ces missions ne relevant plus de l’exercice du pouvoir de police, ne sont plus que de la gestion du cimetière, ainsi, ces agents, hormis les cas où ils en sont exclus, pourront surveiller un grand nombre d’opérations.
Agent communal et fossoyage : les limites apportées par l’exigence de l’habilitation

Il s’agit du second écueil, en effet, le principe est, depuis la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, que toute intervention dans le service extérieur des pompes funèbres ne peut se faire qu’avec du personnel disposant d’une habilitation préfectorale. Cette habilitation garantit tout à la fois la moralité et surtout la compétence des opérateurs, puisque existent des obligations de formation. Ces obligations s’appliquent de la même façon aux opérateurs privés et aux opérateurs publics. Il convient de remarquer que des sanctions pénales sont prévues pour ceux qui exerceraient des missions du service extérieur sans être titulaires d’une habilitation (L. 2223-35 et L. 2223-36 du CGCT). De plus, le préfet peut également sanctionner administrativement de telles pratiques. L’art. L. 2223-19 du CGCT prévoit en effet que :
"Le service extérieur des pompes funèbres est une mission de service public comprenant :
[…] 8° La fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumations, exhumations et crémations, à l’exception des plaques funéraires, emblèmes religieux, fleurs, travaux divers d’imprimerie et de la marbrerie funéraire.
Cette mission peut être assurée par les communes, directement ou par voie de gestion déléguée. Les communes ou leurs délégataires ne bénéficient d’aucun droit d’exclusivité pour l’exercice de cette mission. Elle peut être également assurée par toute autre entreprise ou association bénéficiaire de l’habilitation prévue à l’art. L. 2223-23."

Par conséquent, à la lecture des dispositions du CGCT, si la commune exerce une activité de fossoyage au profit des familles, il sera exigé que les fossoyeurs soient habilités à titre personnel. Dans le cas contraire, le fossoyage par du personnel non habilité pourrait entraîner des poursuites. Il convient de remarquer que le maire pourrait être poursuivi personnellement puisqu’il serait possible d’être qualifié de gérant de fait d’une régie de pompes funèbres, or l’art. L. 2223-35 du CGCT dispose que : "Le fait de diriger en droit ou en fait une régie, une entreprise ou une association ou un établissement sans l’habilitation prévue aux articles L. 2223-23, L. 2223-41 et L. 2223-43 ou lorsque celle-ci est suspendue ou retirée en application de l’art. L. 2223-25 est puni d’une amende de 75 000 €." La condamnation pouvant être assortie de nombreuses peines complémentaires, dont la privation des droits civiques.
Pour mémoire, les agents communaux chargés de ces missions dépendent du cadre des adjoints techniques (art. 3, alinéa 3-3°, du décret n° 2006-1691) :
"Les adjoints techniques territoriaux sont chargés de tâches techniques d’exécution.
[…]
Ils peuvent également exercer un emploi :
[…]
3° De fossoyeur ou de porteur chargé de procéder aux travaux nécessités par les opérations mortuaires."
La fiche métier n° 10/D/27 présentée par le Centre national de la fonction publique territoriale, relative aux porteurs-chauffeurs, indique que ces agents peuvent également recevoir l’appellation d’employé technique des services funéraires. La présentation retenue par cette fiche métier confond les agents procédant à des fossoyages, indifféremment, parce qu’ils exercent leurs fonctions soit au sein d’un cimetière, soit au sein d’une régie municipale (intercommunale) gérant des missions relevant du service extérieur des pompes funèbres, tel qu’entendu au sens des prescriptions de l’art. L. 2223-19 du CGCT.

Des dérogations possibles : le cas des personnes dépourvues de ressources suffisantes et les exhumations administratives

Il est possible d’apporter deux bémols à nos propos. Il s’agit d’opérations dont la qualification permettrait d’échapper à l’obligation de l’habilitation.

Le premier cas concerne les inhumations de personnes dépourvues de ressources suffisantes. En effet, l’art. L. 2213-7 du CGCT dispose que : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance", tandis que l’art. L. 2223-37 énonce quant à lui que : "Les dispositions des articles L. 2223-35 et L. 2223-36 ne sont pas applicables aux autorités publiques qui, en application d’un texte législatif ou réglementaire, sont tenues soit d’assurer tout ou partie d’opérations funéraires, soit d’en assurer le financement."
Ainsi, le maire est obligé d’assurer l’inhumation de ceux pour lesquels aucun opérateur funéraire n’aura été chargé par les familles d’inhumer leurs défunts. Rappelons d’ailleurs que, s’il procède obligatoirement à leur inhumation, la famille est néanmoins tenue de régler les frais des obsèques, sauf l’hypothèse où les personnes sont reconnues comme dépourvues de ressources suffisantes. Il pourra alors recourir à un opérateur funéraire privé, qui lui facturera sa prestation, à charge pour lui de tenter de recouvrer les frais avancés sur la famille du défunt. Néanmoins, cette opération relevant de ses pouvoirs de police, il pourrait parfaitement, en toute légalité, utiliser du personnel communal, même non habilité, pour ce creusement, qui n’obéit pas aux règles du service extérieur des pompes funèbres mais relève de ses seuls pouvoirs de police.
Une seconde question trouve à se poser : qu’en est-il des exhumations qualifiées d’administratives, ainsi dénommées par opposition à celles ordonnées par le plus proche parent du défunt (R. 2213-40 du CGCT). Indubitablement, l’exhumation relève du service extérieur des pompes funèbres et nécessite donc une habilitation. En revanche, que cela soit à la suite de l’expiration du délai de rotation en terrain commun (R. 2223-5 du CGCT) ou qu’il s’agisse de concessions funéraires, une fois la durée d’occupation écoulée (deux ans après l’arrivée à échéance (L. 2223-15 du CGCT) ou à l’issue de la procédure de reprise pour état d’abandon (L. 2223-17 et R. 2223-12 et s. du CGCT), la revente du terrain à un nouveau concessionnaire implique au préalable que soient effectuées des opérations matérielles par la commune.
Outre l’enlèvement des caveaux et monuments présents, une exhumation des corps présents dans la concession reprise s’impose (TA Pau, 14 déc. 1960, Loste : Rec. CE 1960, p. 838. – Rép. min. n° 53601 : JOAN Q, 23 juill. 2001, p. 4298). Or, ici, c’est le maire qui décide de faire procéder à l’exhumation (R. 2223-20 du CGCT). Une circulaire (n° 97-211, 12 décembre 1997, reproduite in Code pratique des opérations funéraires, p. 451, Éd. Le Moniteur) fait de cette opération une mission de gestion, insusceptible de délégation, et donc nécessairement relevant non pas du SPIC où l’habilitation est obligatoire, mais du SPA, ce qui autoriserait encore une fois, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge, la possibilité d’utiliser du personnel non habilité.

Philippe Dupuis

Résonance n°112 - Juillet/Août 2015

Instances fédérales nationales et internationales :

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