Damien-DutrieuxDamien Dutrieux, consultant au Cridon Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.

Si les préfets délivrent, de façon limitée et en fonction de traditions locales, des autorisations d’inhumation dans des propriétés privées, c’est principalement le cimetière communal qui accueille les corps en terrain commun ou en concession particulière.

 

Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) impose aux communes l'obligation de posséder un ou plusieurs terrains consacrés à l'inhumation des morts. Les dépenses liées à l'entretien du ou des cimetières constituent, d'ailleurs, des dépenses obligatoires pour les communes. Ainsi, c'est en principe à la commune (ou aux communautés urbaines) qu'échoit la mission essentielle de faire en sorte que chacun puisse recevoir une sépulture décente. Il convient de noter que le juge administratif fait, en quelque sorte, une place à part aux cendres et aux urnes cinéraires qui les contiennent, puisque si tout ou partie d'un cimetière peut être affecté à l'accueil des cendres, le site cinéraire n'est pas un cimetière lorsqu'il constitue l'accessoire d'un crématorium.

 

Bien que les cimetières communaux ne soient pas juridiquement les seuls lieux susceptibles d'accueillir des dépouilles mortelles, la quasi-totalité des inhumations y est opérée. Outre le Panthéon et les Invalides, d'une part, existent encore des cimetières confessionnels privés - bien que leur création et leur agrandissement soient aujourd'hui prohibés - dans lesquels sont toujours pratiquées des inhumations et, d'autre part, le préfet peut exceptionnellement autoriser l'inhumation dans une propriété privée.

 

Pluralité des modes de sépulture

 

À côté du premier mode d'une inhumation, dit en service ordinaire, c'est-à-dire dans des terrains mis gratuitement à la disposition des personnes visées par le Code pour une durée limitée (délai de rotation minimal de cinq années), il est permis de faire "l'acquisition privative" d'une parcelle (une concession particulière) dans le cimetière afin de fonder une sépulture particulière. Ce sont les règles afférentes aux sépultures destinées à accueillir des corps qui seront ici exposées.

 

Sépultures pour l'inhumation de cercueils

 

À côté de l'inhumation en terrain commun qui constitue l'hypothèse la moins fréquente, c'est essentiellement la concession funéraire qui est utilisée pour le dépôt des corps après leur mise en bière.

 

1) Terrain commun
Le terrain commun est constitué d'emplacements individuels destinés à accueillir gratuitement les corps pour une durée minimale de cinq années, c'est-à-dire le temps théoriquement nécessaire à la nature pour accomplir son œuvre.

 

Service ordinaire
Les communes sont tenues de mettre à disposition de tels emplacements au profit de toute personne disposant du droit d'être inhumée dans le cimetière communal. Il est courant d'utiliser l'expression d'inhumation en service ordinaire.


Absence de droits au profit de familles
Les familles ne disposent d'aucun droit sur les terrains mis à leur disposition, qui seront repris par la commune pour d'autres inhumations, à l'issue d'un délai de rotation (dont le minimum est fixé à cinq années mais qui peut être augmenté en fonction de l'avis donné par l'hydrogéologue lors de la création du cimetière) fixé par arrêté du maire. Tout particulier peut cependant, sans autorisation, faire placer sur la fosse d'un parent ou d'un ami une pierre sépulcrale ou un autre signe indicatif de sépulture. Il ne s'agit cependant pas d'un monument construit. Le maire, après le délai de rotation, va prendre un arrêté prononçant la reprise du terrain par la commune et ouvrant un délai (en général de trois à six mois) permettant aux familles de récupérer les objets déposés sur la sépulture.


Fosses individuelles
Un seul corps peut être inhumé par fosse. En pratique, certaines communes ont, sur le terrain commun, installé des caveaux individuels. Si cet investissement est important, il permet des économies substantielles au moment de la reprise des fosses puisque le coût d'une exhumation des restes présents dans un caveau est beaucoup moins élevé que celui d'une reprise en pleine terre.

 

Terrain disponible pour toutes les personnes ayant droit à l'inhumation
Parfois d'ailleurs, est considéré, à tort, que le terrain commun est réservé à ces personnes alors qu'il est ouvert à toutes les personnes mentionnées à l'art. L. 2223-3 du CGCT (principalement aux personnes décédées sur le territoire de la commune et à celles qui y sont domiciliées quel que soit le lieu du décès).

 

2) Concessions particulières
L'établissement d'une sépulture particulière requiert la naissance d'une relation contractuelle entre un acquéreur appelé "le concessionnaire" et une commune qualifiée de "concédante". Doivent en effet se rencontrer les volontés d'une commune qui cède une parcelle dans le cimetière et d'un particulier qui fait l'acquisition de ce terrain. Ce contrat à la base de la concession est un contrat portant occupation du domaine public logiquement qualifié de contrat administratif. Cependant, comme l'a expressément rappelé le Conseil d'État dans un arrêté important (CE, Ass., 21 oct. 1955, Demoiselle Méline), à la différence des autres contrats portant occupation du domaine public, la concession funéraire n'est ni précaire ni révocable. Si la commune peut décider de délivrer des concessions à toute personne la sollicitant, elle peut également choisir de limiter l'octroi aux seules personnes justifiant d'un droit à l'inhumation dans le cimetière communal.

 

Compétence du conseil municipal
S'il appartient au conseil municipal de décider, d'une part, l'institution des concessions funéraires (cette institution étant facultative, seul le terrain commun étant obligatoire) et, d'autre part, quelles catégories de concessions pourront être cédées, c'est en général au maire (par délégation du conseil municipal) de délivrer les concessions.
C'est également au maire, et à lui seul, que revient le choix de l'emplacement de la concession dans le cimetière lorsque la délivrance lui a été déléguée par le conseil municipal.

 

Catégories de concessions
Il appartiendra également au conseil municipal de choisir quelles catégories de concessions seront instituées parmi les différentes options offertes par la loi. Existent, tout d'abord, trois catégories (depuis 1959, les communes ne peuvent plus proposer de concessions centenaires) de concessions dont la durée est fixée dans l'acte et qui sont délivrées pour une période de quinze ans au plus (concessions temporaires), trente ans (concessions trentenaires), cinquante ans (concessions cinquantenaires). Peuvent être cédées, ensuite, des concessions perpétuelles. La commune n'étant pas tenue d'instituer l'ensemble de ces catégories, elle pourra choisir de ne prévoir que deux catégories, voire une seule.
Les concessions temporaires vont connaître une durée qui va varier, selon la décision prise par le conseil municipal, entre un minimum de cinq années et un maximum de quinze années. Le plus souvent sont instituées des concessions pour dix ou pour quinze ans. Rien n'interdit cependant au conseil municipal de créer plusieurs classes de concessions temporaires.

 

Renouvellement et conversion
Le concessionnaire dispose, d'une part, de la possibilité illimitée de renouveler la parcelle concédée pour un temps déterminé et, d'autre part, de convertir sa concession en une concession de plus longue durée. Ces prérogatives peuvent être exercées par les ayants droit du titulaire de la concession funéraire.

 

Concession perpétuelle
La concession perpétuelle, quant à elle, n'a de "perpétuel" que son nom puisque sa pérennité n'est finalement liée qu'à son bon état d'entretien. La commune peut en effet éventuellement mettre en œuvre une procédure de reprise pour une concession perpétuelle en état d'abandon. Il importe en revanche de préciser que tant que la concession est entretenue, la concession perpétuelle ne peut être reprise, quelle que soit la durée écoulée depuis sa délivrance.

 

Personnes susceptibles d'être inhumées
L'acte de concession détermine la (concession individuelle) ou les personnes (concession collective) qui y seront inhumées, l'inhumation d'une personne non mentionnée étant en théorie impossible sauf modification du contrat décidée d'un commun accord entre le maire et le concessionnaire.
La concession de famille, quant à elle, a vocation à recevoir outre le corps du concessionnaire, ceux de son conjoint, de ses successeurs, de ses ascendants, de ses alliés et de ses enfants adoptifs, voire ceux de personnes unies au concessionnaire par des liens particuliers d'affection.
La commune ne peut s'opposer à ce que des urnes soient inhumées dans les concessions funéraires. De même, depuis le décret n° 98-635 du 20 juil. 1998, les familles peuvent procéder au scellement d'une urne sur un monument présent sur une concession funéraire.

 

Acte et prix de la concession
L'acte, dont l'établissement est subordonné au paiement préalable du prix, est toujours rédigé en trois exemplaires : le premier revient au concessionnaire, le deuxième aux archives de la commune concédante et le troisième est destiné au receveur municipal.
Le conseil municipal détermine, par délibération, le prix des concessions (il peut décider qu'une partie du prix sera reversée au centre communal d'action sociale), et nombreuses sont les communes où ce prix est modifié chaque année. Il lui appartient de fixer des tarifs différenciés pour chaque catégorie de concessions. Des concessions aménagées peuvent être également cédées. En effet, certaines communes cèdent des parcelles où sont déjà construits des caveaux. Dans ces hypothèses, il importe pour les communes, qui ne peuvent faire de profit financier au moyen de ces constructions (et qui doivent également proposer des concessions libres de toute construction), de bien distinguer le prix de la parcelle de celui de la construction.

 

Taxe de superposition
Dans certaines communes, est instaurée une taxe dite taxe de superposition de corps ou taxe de seconde et ultérieures inhumations. Le Conseil d'État a reconnu la légalité de cette taxe, qui en dépit de son nom n'est pas une taxe mais une modalité de paiement de la concession. En effet, l'octroi de ces concessions est subordonné au paiement d'une somme déterminée lors de la passation du contrat initial et au versement d'une somme égale lors de chaque inhumation nouvelle effectuée dans le terrain concédé.


Nom du concessionnaire dans l'acte
Le paiement du prix est sans conséquence sur la qualité de titulaire de la concession puisque seule compte en effet la désignation des parties dans l'acte.

 

Rétrocession
Tout d'abord, c'est le concessionnaire qui peut proposer à la commune de "rendre" sa concession. Dans cette hypothèse, la concession, vide de corps, va réintégrer avant l'échéance le patrimoine communal et pourra être à nouveau cédée. Néanmoins, cette opération n'est pas obligatoire pour la commune, qui peut décider de restituer une partie du prix au prorata temporis en fonction de la durée déjà écoulée, en précisant que si une partie du prix a été reversée au centre communal d'action sociale, le calcul de la somme à reverser ne prend pas en compte la part du centre.
Seul le concessionnaire peut proposer la rétrocession, pas ses héritiers. L'opération est impossible après le décès de celui qui a créé la concession.

 

Reprise des concessions non renouvelées
Si le renouvellement n'a pas été demandé dans les deux ans, le terrain fait retour, après ce délai de deux ans, à la commune, sans aucune formalité, le maire n'étant pas tenu de prendre un arrêté. Néanmoins, si le règlement du cimetière a prévu une procédure particulière, celle-ci doit être évidemment respectée. Une fois reprise, la commune devra procéder à l'exhumation des restes avant de céder à nouveau la concession. Ces restes doivent être déposés à l'ossuaire, mais peuvent également faire l'objet d'une crémation s'il n'y a pas opposition connue ou présumée du défunt à l'opération.

 

Reprise des concessions en état d'abandon
Les textes entourent cette procédure d'un très grand formalisme auquel s'ajoutent de nombreuses mesures de publicité. Il conviendra de reprendre ces textes et de les respecter strictement (articles L. 2223-17 et L. 2223-18 et R. 2223-12 à R. 2223-23 du CGCT). La procédure s'applique pourtant à toutes les concessions d'une durée de trente ans et plus (cinquantenaires, trentenaires ou temporaires plusieurs fois renouvelées sont donc concernées). La mise en œuvre de la procédure implique tout d'abord que soient réunies deux conditions cumulatives puisque, d'une part, la procédure ne peut intervenir qu'à l'issue d'une période de trente ans (toutefois, la reprise est impossible dans les dix années consécutives à la dernière inhumation dans la concession) et, d'autre part, la concession doit avoir cessé d'être entretenue.
Cette procédure connaît cinq étapes. Elle débute par une constatation de l'état d'abandon qui implique un déplacement sur les lieux du maire ou de son délégué, des descendants ou successeurs du titulaire de la concession ainsi que du commissaire de police ou du garde champêtre. La constatation de l'état d'abandon est alors matérialisée par l'établissement d'un procès-verbal, signé par les personnes présentes. À l'issue d'un délai de trois ans après l'exécution des formalités de publicité de la deuxième étape, dans l'hypothèse où aucun acte d'entretien constaté contradictoirement n'a été réalisé sur la concession pour lui faire perdre sa qualité d'état d'abandon, un second procès-verbal est établi dans les mêmes conditions. Ce second procès-verbal obéit aux mêmes règles de publicité. Un mois après la notification du second procès-verbal, le maire peut saisir le conseil municipal qui va se prononcer sur le principe de la reprise de la ou des concessions en état d'abandon. C'est enfin le maire qui prononcera par arrêté la reprise. À compter du 1er mars 2011, ce n'est plus le commissaire lui-même qui est visé dans les textes mais un agent délégué par lui (décret n° 2011-121 du 28 janv. 2011).
Existent des exceptions. Il existe d'abord une procédure de reprise particulière pour certaines concessions dans les cimetières des communes des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Ensuite, la procédure ne peut pas intervenir avant un délai de cinquante ans pour les concessions des personnes dont l'acte de décès porte la mention "Mort pour la France". Enfin, lorsque les concessions sont entretenues par une commune ou un établissement public, en exécution d'une donation ou d'une disposition testamentaire, le recours à la procédure de reprise pour état d'abandon est impossible.

 

Damien Dutrieux

Instances fédérales nationales et internationales :

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