Récemment, une grande ville du Département des Alpes-Maritimes a été confrontée à un problème particulier, peu courant, afférent à la portée de l’article R 2223-8 du Code Général des Collectivités Territoriales.
Les circonstances de l’affaire sont les suivantes : En mars 1972, deux époux obtiennent la délivrance d’une concession perpétuelle, pour y fonder la sépulture des membres de leur famille.

En 2004, l’époux décède  en laissant comme héritier de la concession son fils unique issu d’une première union, étant précisé que son épouse en sa qualité de co-concessionnaire exerce également ses droits sur cette sépulture.
Or, le fils du défunt souhaite que soient gravés sur la pierre tombale les nom, prénoms et dates de naissance et de décès de son père, alors que sa belle mère s’y oppose catégoriquement arguant qu’il aurait été convenu avec son époux de différer ses inscriptions jusqu’à son propre décès.
Au lieu d’élever le conflit à caractère éminemment familial devant les juridictions civiles, le fils exige du Maire qu’en vertu des pouvoirs conférés par le Code Général des Collectivités Territoriales, article R 2223-8, passant outre aux volontés du co-titulaire de la concession, il soit autorisé à faire réaliser les gravures sur la stèle.
Cette affaire m’a conduit à la demande du maire de formuler l’analyse suivante :

Les pouvoirs de police du Maire : Dans sa partie législative, le Code Général des Collectivités Territoriales (articles L 2211-1 à L 2212-5 pour la police générale) et L 2213-7 à L 2213–15 pour la police spéciale des cimetières, attribue aux Maires des pouvoirs qui sont autant d’obligations. Destinés à maintenir la décence et l’ordre dans les cimetières, l’hygiène et la salubrité publique et plus généralement le respect de la neutralité et la laïcité des lieux, notamment en veillant à ce qu’il ne soit pas établi de distinctions ou de prescriptions particulières en raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.
Dans le chapitre III intitulé Cimetières et Opérations Funéraires de la partie réglementaire du Code Général des Collectivités Territoriales, l’article  R 2223 – 8 prescrit :

"Aucune inscription ne peut-être placée sur les pierres tumulaires ou monuments funéraires sans avoir été préalablement soumise à l’approbation du maire".

Or, c’est sur le  fondement de ces dispositions que se situe la demande exprimée par l’ayant droit.

Sur la faculté et point l’obligation de faire édifier un monument funéraire :

"L’article L 2223–13 du CGCT dispose : les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments , et tombeaux".

Ces termes se suffisent à eux-mêmes pour s’assurer que les concessionnaires ne sont pas tenus d’aménager un monument funéraire (pierre tumulaire, stèle, mausolée, etc …) ce qui implique que les inscriptions sur un monument, au plan de l’initiative et de leur contenu entrent dans le domaine des libertés individuelles, sous la seule restriction apportée par l’article R 2223-8 précité qui assujettit ces inscriptions à un accord préalable du maire.

Quelle est la portée réelle de ce pouvoir ?
                       
A notre sens elle est limitée par l’espace, très large, des libertés accordées au concessionnaire ou ses ayant droit, car il ne peut s’agir manifestement d’un pouvoir discrétionnaire. L’approbation préalable du maire, des inscriptions étant sous tendue par les fondements de l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 février 1949, dame veuve Moulis, Rec, p. 52, car dans cette espèce la haute assemblée avait estimé qu’un maire pouvait ordonner la suppression des inscriptions funéraires susceptibles de troubler l’ordre public, comme celles inscrites sur la tombe d’un fusillé après une sentence d’une cour martiale de la libération disant "Victime innocente".

Les objectifs et la finalité des pouvoirs de police du maire constituent donc une barrière, à notre sens infranchissable, en ce qui concerne le contrôle des inscriptions sur une tombe.
En tout état de cause, le maire, en présence d’un conflit avéré au sein de la famille et dans ce cas, je ne pense pas qu’il soit utile de hiérarchiser les pouvoirs des ayants droit. Même si la fondatrice de la concession peut se prévaloir de la qualité de co-titulaire, il n’en demeure pas moins vrai que le fils de feu son époux détient également des droits sur la concession fondée par son père, et qu’au sein de ceux-ci, le fait de désirer que soient mentionnées l’identité des défunts et des dates, telles naissances et décès, constitue une liberté individuelle que les tribunaux devraient confirmer.

Par ailleurs, si l’on se réfère à l’arrêt BEREZOWSKI du Conseil d’Etat, en date du 1er décembre 1976, Rec. 1978. p. 45 et suivantes, on constate que la responsabilité du maire est quasi délictuelle pour ce qui porte sur l’exercice de ses pouvoirs de police mais également, voire fortement contractuelle, dès lors que la commune est liée par un contrat de concession avec une personne physique (y compris ses successeurs). Le concessionnaire ne pourra exercer à l’encontre de la commune d’autre action que celle procédant du contrat.

La compétence judiciaire demeure pour les contestations qui s’élèvent entre le concessionnaire et ses ayants droit ou ces derniers entre eux, notamment lorsqu’il s’agit d’apprécier l’étendue et la portée de leurs droits respectifs, dont notamment les critères applicables à la propriété des constructions : Caveaux et monuments funéraires.
Or bien que situé sur le domaine public, par l’effet du contrat de concession qui ne présente pas la même précarité que les autres occupations ordinaires du domaine communal, le concessionnaire et ses héritiers exercent sur ces ouvrages un droit réel de propriété qui, en cas de conflit, fonde la compétence des juridictions
civiles.
En tout état de cause le maire n’est point juge de tels conflits, et ne peut donc se substituer aux juridictions compétentes au risque de commettre une voie de fait, telle le fait d’autoriser expressément le fils  de faire graver des inscriptions sur la tombe de son père, méconnaissant ainsi l’opposition de sa belle mère qui devra être attestée par écrit.

Cette position est étayée par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 25 Mars 2004, Normandin contre Fauconnier épouse Therrillon, qui prescrit :

"Il est constant qu’un maire n’a pas le droit de s’immiscer dans le règlement des conflits éventuels entre proches sur l’utilisation de la concession, ceux-ci étant de la compétence des tribunaux judiciaires. Toutefois il lui appartient  en vertu de son pouvoir de police administrative de veiller au bon ordre des cimetières. Ainsi hormis les cas de voie de fait, d’opération de police judiciaire et de faute détachable du service, la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique relève de la compétence de la juridiction administrative".

Toute la philosophie de cette étude est résumée dans les attendus de ce jugement.

En conclusion : j’ai suggéré à Monsieur le Maire de solliciter du fils  la nature et le libellé des inscriptions qu’il comptait faire graver sur la pierre tombale afin d’exercer le pouvoir conféré par l’article R 2223-8 du CGCT tout en précisant à l’intéressé qu’il lui appartient de présenter une demande conjointe des deux prétendants à la concession car, dans le cas contraire, le différent devrait être réglé amiablement, ou à défaut  judiciairement.

Jean Pierre Tricon

Instances fédérales nationales et internationales :

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