La cour d’appel de Lyon, aux termes d’un arrêt du 12 janvier 2017, retient qu’un maire, informé d’un désaccord sur les modalités de dispersion des cendres entre les deux fils de la défunte, qui avaient tous deux qualité pour pourvoir aux funérailles, commet une faute en accordant, dès le lendemain de la crémation, une autorisation de dispersion des cendres à l’un d’entre eux, sans laisser le temps aux intéressés de saisir le juge judiciaire compétent pour trancher ce différend.

 

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Jean-Philippe Borel.

À propos de l’arrêt CAA LYON, 12 janvier 2017, n° 16LY00037

Rappel des faits

En l’espèce, une femme avait, avant son décès intervenu le 22 juin 2013 dans la maison de retraite où elle résidait, par deux écrits testamentaires, indiqué qu’elle souhaitait être incinérée et que ses cendres soient répandues au cimetière municipal, et plus précisément, selon le premier document, au-dessus de la tombe de ses parents, puis, selon le second acte, "près de celles de [son] mari", dont il est constant qu’elles avaient été placées dans une tombe de ce cimetière.
Ces différents souhaits ne pouvaient néanmoins être réalisés en raison des dispositions de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, qui prévoient que les cendres peuvent être seulement dispersées dans un espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire, soit en pleine nature sauf sur les voies publiques (art. L. 2223-18-2 du Code Général des Collectivités Territoriales - CGCT).
Les dispositions testamentaires désignaient, à titre principal, les deux fils de la défunte pour veiller à l’exécution de ses volontés funéraires, ces derniers ayant chacun par conséquent la qualité de personne pouvant pourvoir aux funérailles. Malgré la connaissance d’un litige entre les deux héritiers, le maire a tout de même accordé, le lendemain de la crémation, l’autorisation de disperser les cendres de la défunte au-dessus du carré du souvenir du cimetière.

L’autre fils a alors saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand pour obtenir la condamnation de la commune à lui verser la somme de 20 000 € en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi. Si les juges de première instance ont rejeté sa demande, la cour administrative de Lyon a considéré, au visa de l’art. L. 2223-18-1 du CGCT, que le maire avait commis une faute.

Identifier la personne ayant qualité pour pouvoir aux funérailles

Dans le cadre de ses missions de police des funérailles et des cimetières, le maire doit assurer et garantir l’exercice de la liberté des funérailles consacré par l’art. 3 de la loi du 15 novembre 1887. Sauf pour des motifs d’intérêt public, les dernières volontés du défunt s’imposent au maire et à la commune, qu’ils doivent impérativement respecter, sous peine d’engager leurs responsabilités (en matière de concession funéraire CAA Bordeaux, 29 septembre 2014, n° 13BX02058), et de sanction pénale (l’art. 433-21-1 du Code pénal).
Il lui appartient au préalable d’identifier la personne ayant qualité pour pouvoir aux funérailles. Les textes ne donnent aucune précision et définition sur cette personne, la jurisprudence concédant cette qualité, en l’absence de toute expression de volonté du défunt quant à l’organisation de ses obsèques, à la personne la mieux qualifiée pour décider de leurs modalités (Civ. 1re, 27 mai 2009, n° 09-66.589, Cass. Civ, 1re, 30 avril 2014, n° 13-18951, Cass. Civ, 1re, 2 février 2010, n° 10-11295).

Quid en cas de conflit ?

Ce faisant, en cas de conflit, le maire doit renvoyer les parties devant le juge judiciaire. Si le juge d’instance, qui tranchera dans les vingt-quatre heures, est compétent pour le contentieux relatif aux funérailles (articles 1061-1 du Code de procédure civile et R. 221-7 du Code de l’organisation judiciaire), celui de la dispersion des cendres relève du tribunal de grande instance relatif à l’utilisation de la sépulture (Cass. civ, 23 mai 2006, n° 05-13774, obs. D. Dutrieux, "Droit de la famille", 2006, comm. 195).
Ce schéma procédural s’explique par l’absence d’urgence relative à l’hygiène ou à la salubrité publique, l’art. L. 2223-18-2 prévoyant que, dans l’attente d’une décision relative à la destination des cendres, l’urne cinéraire est conservée au crématorium pendant une période qui ne peut excéder un an. Le délai court à compter du jour de la crémation. Dans cette hypothèse, la loi du 19 décembre 2008 met fin à la possibilité des ayants droit de se voir remettre les cendres du défunt, et impose une conservation au crématorium.

Responsabilité de la commune

Pour sa défense, la commune soutenait que les conditions de délivrance de l’autorisation étaient réunies, le requérant n’ayant fait état d’aucune diligence pour saisir le tribunal d’instance compétent. La cour administrative de Lyon rejette cette argumentation, considérant que, dès lors, la commune ayant connaissance d’un conflit, elle doit strictement suivre la procédure prescrite par l’art. L. 2223-18-1 du CGCT. Ainsi, le maire doit faire preuve de "prudence" en présence d’une difficulté relative à la destination des cendres, ou encore en présence d’une contestation sur la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles (Rép. ministérielle n° 48153, JOAN 16 juin 2009, p. 5936).

Conseil pratique

Le juge civil ne va statuer que sur la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, et ne se prononcera pas sur la destination des cendres (CA Poitiers 7 juillet 2015, n° 15/0025). À l’issue du délai d’un an et en l’absence de décision de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles si celle-ci a été désignée aux termes de la procédure devant le juge judiciaire, les dispositions de l’art. L. 2223-18-1 du CGCT seront applicables. Les cendres seront alors dispersées dans l’espace aménagé à cet effet du cimetière de la commune du lieu du décès.

Jean-Philippe Borel
Docteur en droit
Avocat au barreau d’Avignon
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Résonance n°133 - Septembre 2017

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