La Cour de cassation a rendu un arrêt (Cass. 1re civ. 28 janvier 2009, pourvoi n° 07-14.272) qui mérite de retenir l’attention tant les faits sont originaux et rendent la solution, pourtant classique, tout à fait étonnante. M. Alberto X est décédé accidentellement le 25 mai 2000. Il vivait en concubinage avec Mme X... En juin 2000, une enfant Maud est issue de cette relation, étant précisé que l’enfant avait été reconnue avant sa naissance par son père. C’est cette enfant qui se trouve poursuivie en remboursement des frais d’obsèques, alors qu’elle a, par sa mère (son représentant légal), renoncé à la succession de son père dont l’actif était insuffisant pour couvrir lesdits frais.
Une enfant née après le décès et les obsèques de son père…
La question posée au juge était donc relativement simple : peut-on être tenu de payer des frais funéraires alors que ces frais ont été engagés avant sa naissance ? Certes, l’article 806 prévoit que l’héritier renonçant doit payer les frais d’obsèques ; mais cet article n’était pas applicable à l’époque des faits (l’article 806 est en effet issu de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, JO du 24 juin 2006, p. 9513) !
C’est pourquoi la Cour de cassation confirme sa jurisprudence alors applicable : la première chambre civile avait en effet posé, dans un arrêt du 14 mai 1992 (Bull. Civ. I, n° 140 p. 95), l’important principe, en visant les articles 205 et 371 du Code civil, suivant lequel "lorsque l’actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d’obsèques, l’enfant, tenu de l’obligation alimentaire à l’égard de ses ascendants, doit, même s’il a renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources".
… sera néanmoins tenue de payer les frais d’obsèques.
Ainsi, la première chambre civile de la Cour de cassation affirme, dans cet arrêt du 28 janvier 2009, que "l’obligation pour l’enfant de supporter les frais d’obsèques de son père existe dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l’article 371 du code civil qui impose à l’enfant à tout âge, honneur et respect à ses père et mère ; ensuite, que le fait que l’enfant n’ait pas connu son père, pour être née peu après son décès, n’exclut aucunement qu’elle ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l’existence d’un lien affectif direct n’en constituant pas une condition" (la Cour a néanmoins vérifié que l’enfant disposait des moyens nécessaires au paiement des frais réclamés [en l’espèce un capital décès).
Damien Dutrieux
Consultant au CRIDON Nord-Est
Maître de conférences associé à l’Université de Valenciennes
Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mercredi 28 janvier 2009 N° de pourvoi: 07-14272 Publié au bulletin Rejet M. Bargue (président), président SCP Roger et Sevaux, SCP Tiffreau, avocat(s) République française Au nom du peuple français La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu l'arrêt suivant : Donne acte à Mme X... de son désistement partiel à l'égard de la société OGF ; Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Attendu que Mme X... a vécu avec Alberto Y... qui est décédé accidentellement le 25 mai 2000 ; qu'en juin 2000, une enfant Maud est issue de cette relation ; que l'enfant avait été reconnue avant sa naissance par son père ; que la société Pompes Funèbres Générales, aux droits de laquelle se trouve la société OGF, a réclamé paiement à Mme Maria de B... Y... A..., soeur du défunt et signataire d'un devis, le paiement des frais d'obsèques de Alberto Y... ; que Mme Y... A... a contesté la dette et a appelé en garantie Mme X... en sa qualité de représentante légale de sa fille Maud Y... ; que le jugement attaqué (tribunal d'instance de Péronne, 1er décembre 2005) a condamné Mme Maria Y... A... à payer à la société OGF la somme de 2 870, 40 €, avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2003, date de la mise en demeure et condamné Mme X..., en sa qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille Maud Y..., à garantir Mme Maria Y... A... de cette condamnation avec intérêts à compter du 20 avril 2004, date de l'assignation qui lui avait été délivrée ; Attendu que Mme X... fait grief au jugement de la condamner, ès qualités, à garantir Mme Maria Y... A... de la condamnation prononcée à son encontre, alors, selon le moyen ; 1° - que l'obligation pesant sur le débiteur de l'obligation alimentaire d'assurer la charge des frais d'obsèques de son ascendant, dans la proportion de ses ressources, naît à la date du décès de celui-ci, et ne saurait peser sur l'enfant qui n'est pas né à cette date ; qu'en décidant que l'obligation litigieuse pesait sur Maud Y..., dont il avait constaté qu'elle n'était pas née au moment du décès de son père, le tribunal a violé les articles 205, 207 et 371 du code civil ; 2° - que cette obligation ne s'applique que lorsque l'actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d'obsèques, que le tribunal qui n'a pas constaté que tel était le cas, a privé sa décision de base légale au regard des articles 205, 207 et 371 du code civil ; Mais attendu, d'une part, que le jugement retient à bon droit d'abord, que l'obligation pour l'enfant de supporter les frais d'obsèques de son père existe dès sa naissance comme une conséquence des dispositions de l'article 371 du code civil qui impose à l'enfant à tout âge, honneur et respect à ses père et mère ; ensuite, que le fait que l'enfant n'ait pas connu son père, pour être née peu après son décès, n'exclut aucunement qu'elle ait à respecter cette obligation personnelle et indépendante des opérations relatives à la succession, l'existence d'un lien affectif direct n'en constituant pas une condition ; enfin, que si à l'évidence, l'enfant n'a aucun revenu, il est établi qu'elle a perçu un capital décès dont le montant est nettement supérieur à celui de la facture de la société OGF ; Et attendu, d'autre part, que le jugement constate qu'avec l'accord du juge des tutelles, Mme X... a renoncé pour sa fille à la succession d'Alberto Y... qui s'avérait déficitaire, ce dont il résultait que l'actif successoral ne permettait pas de faire face aux frais d'obsèques ; qu'ainsi, et abstraction faite des motifs justement critiqués par la première branche du moyen, le tribunal a légalement justifié sa décision ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Mme X... et celle de la SCP Roger et Sevaux ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf. |
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