Dès lors qu’une concession funéraire a été délivrée, son titulaire est en droit d’y implanter un caveau. Le fait de ne pas avoir matérialisé la sépulture ou procédé à une première inhumation, ne peut avoir pour effet d’autoriser une utilisation de l’espace par la commune pour un projet d’aménagement du cimetière, ne s’agissant pas d’un motif d’ordre public, seul susceptible d’empêcher la construction d’un caveau.

 
La nature du droit dont bénéficie le concessionnaire

La concession funéraire peut se définir (voir D. Dutrieux, Opérations funéraires : JurisClasseur Administratif, fasc. 150-30, § 163) comme la possibilité offerte à une personne de faire l’acquisition à titre onéreux, pour un temps déterminée ou de façon perpétuelle (art. L. 2223-14 du Code général des collectivités territoriales -CGCT-), d’un emplacement dans un cimetière communal, emplacement où elle pourra fonder sa sépulture et éventuellement celle de son conjoint, de ses enfants et successeurs (art. L. 2223-13 du Code précité). Bien qu’à l’origine réservée à une certaine catégorie de la population, la concession funéraire est devenue le mode normal d’inhumation, le terrain commun (espace individuel gratuit de cinq années) demeure l’exception et, le plus souvent, se trouve réservé à ceux qui étaient qualifiés, jusqu’en 1993, d’indigents, devenus, par un heureux euphémisme inventé par le législateur, personnes dépourvues de ressources suffisantes.
Portant sur un bien immobilier - une parcelle de terrain - appartenant à la commune et intégré dans le domaine public de celle-ci, le contrat à la base de la concession est un contrat portant occupation du domaine public. Après quelques hésitations jurisprudentielles, l’acte octroyant une concession funéraire a logiquement été qualifié de contrat administratif dans le célèbre arrêt "Demoiselle Méline" du 21 oct. 1955 (CE, Ass., 21 oct. 1955, Méline : Rec. CE, p. 491). Cependant, à la différence des autres contrats portant occupation du domaine public, la concession funéraire n’est ni précaire ni révocable. Naturellement, la présence de la parcelle octroyée dans le domaine public communal interdit de considérer que le titulaire d’une concession jouit juridiquement d’un véritable droit de propriété sur le terrain concédé - un véritable droit de propriété existe en revanche concernant les constructions présentes sur les concessions funéraires. A été en revanche reconnu au profit du concessionnaire un droit réel immobilier d’une nature particulière qui bénéficie d’un régime très protecteur s’apparentant souvent à celui du droit de propriété, et voit le juge appliquer les théories de l’emprise irrégulière et de la voie de fait pour les atteintes aux droits des concessionnaires.

La délivrance des concessions funéraires

L’inhumation en service ordinaire est le seul mode d’inhumation obligatoire pour la commune, la création de concessions n’est qu’une simple faculté pour les communes et reste toujours subordonnée, selon l’art. L. 2223-13 du CGCT, à l’existence de place disponible dans le cimetière. Le conseil municipal pourra donc choisir souverainement, d’une part, s’il décide ou non de prévoir que certaines parcelles du cimetière seront cédées afin qu’y soient créées des sépultures particulières et, d’autre part, si la décision de créer des concessions est prise, quelles catégories de concessions seront instituées. De cette liberté de choix résulte que, de nombreuses communes ont cessé de délivrer des concessions perpétuelles en raison des difficultés inhérentes à la lourdeur de la procédure de reprise pour ce type de concessions. C’est normalement au conseil municipal d’attribuer les concessions. Néanmoins, l’art. L. 2122-22 du CGCT dispose que le maire est chargé, par délégation du conseil municipal, de la délivrance des concessions dans le cimetière. Cette délivrance intervient à la suite d’une demande d’une personne désirant posséder une concession particulière dans le cimetière communal.
C’est au maire, délégataire du conseil municipal, et à lui seul, que revient le choix de l’emplacement de la concession dans le cimetière (voir CE, 28 janv. 1925, Sieur Valès : Rec. CE p. 79 ; CE, 15 nov. 1993, n° 123151, M. Denis). C’est cette question qui se trouvait au centre du conflit opposant M. Boulet à la commune de Lespesses.
En effet, alors qu’il s’était vu attribuer un emplacement, M. Boulet n’en avait pas immédiatement pris "possession" ni par la construction d’un caveau et d’un monument, ni en y inhumant un corps ou un urne. Or, depuis cette attribution, la commune avait revu l’aménagement de son cimetière, et prévu que passerait, notamment sur la tombe concédée, une nouvelle allée. C’est pourquoi, lorsqu'une demande a été formulée par le concessionnaire afin d’implanter un sarcophage, la commune a tenté de nier l’existence de la concession funéraire attribuée à M. Boulet. Il convient de relever l’usage étonnant de cette expression "sarcophage" habituellement utilisée pour qualifier les cercueils en pierre de l’antiquité ou les protections en béton destinées à limiter les fuites radioactives… Il s’agit ici en fait d’un caveau à implanter sur la sépulture du requérant.
Le Tribunal administratif de Lille écarte immédiatement l’argument de la commune selon lequel une concession n’existe que si elle est matérialisée dans le cimetière. C’est évidemment l’acte qui crée la concession, concession qui nécessairement est physiquement présente dans le cimetière, avant même que celle-ci soit construite ou utilisée.

Le droit de construire sur une concession funéraire

L’alinéa premier de l’art. L. 2223-13 du CGCT précise que "les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux". La jurisprudence a d’ailleurs également reconnu la possibilité pour le concessionnaire d’installer une clôture autour des concessions (voir CE, 1er juil. 1925 Bernon : Rec. CE p. 627) ou d’y effectuer des plantations (voir CE, 23 déc. 1921 Auvray-Rocher : Rec. CE p. 1092 ; pour des raisons d’hygiène ou de sécurité, le maire peut prescrire l’abattage ou l’élagage des arbres de haute tige, mais ne peut y procéder d’office ; CE, 19 avr. 1917 Dame de Suremain : Rec. CE p. 347).
Au préalable, il peut être utile de rappeler que la construction des caveaux, tombeaux et monuments funéraires n’implique depuis le 1er oct. 2007 - entrée en vigueur de la réforme des autorisations d’urbanisme - ni l’obtention d’un permis de construire ni le dépôt d’une déclaration préalable (voir l’article R. 421-2-i du Code de l’urbanisme).
Le droit de construction ne pouvait en aucun cas être limité par l’autorité municipale, si ce n’est au moyen de l’utilisation de ses pouvoirs de police par le maire, mais alors uniquement dans le cadre des missions pour lesquelles ces pouvoirs lui ont été dévolus. Le droit de construction semblait en effet être absolu, un concessionnaire pouvant par exemple faire construire un caveau même si l’emplacement de la concession se situe dans une partie du cimetière où les inhumations se font en pleine terre (voir TC, 25 nov. 1963 Commune de Saint-Just-Chaleyssin, JCP G 1964, J, 13493, note J.-M. Auby ; CE, 8 nov. 1993, Établissements Sentilles c/ Commune de Sère-Rustaing : Rec. CE tables p. 657).
Ainsi, quand il édicte le règlement du cimetière, le maire ne pouvait, si ce n’est pour des motifs liés principalement à des questions d’hygiène et de sécurité, définir les caractéristiques des monuments qui peuvent être construits ou soumettre les constructions à une autorisation préalable (il est toutefois admis que le règlement du cimetière impose une déclaration préalable des travaux qui vont être réalisés sur la concession.), interdire les emblèmes religieux, plantations ou clôtures, ou en limiter la hauteur ... De même, une mesure visant à imposer à l’acquéreur d’une concession l’obligation d’y construire un caveau dans un certain délai est indubitablement illégale si elle n’est pas fondée sur des considérations liées à l’hygiène ou la sécurité du cimetière.
Bien qu’il soit parfaitement concevable que l’autorité municipale s’intéresse à l’esthétique du cimetière, le juge administratif refuse absolument que les pouvoirs de police puissent être utilisés à cette fin (voir CE 18 fév. 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne : Rec. CE p. 153 ; AJDA 1972, p. 215, chron. Labetoulle et Cabanes ; JCP G 1973, II, 17446, note F. Bouyssou. Voir également CE 11 mars 1983, Commune de Bures/Yvette : Rec. CE p. 104). Si la loi n° 2008-1350 du 19 déc. 2008 relative à la législation funéraire, dans son article 18, est venue créer un art. L. 2223-12-1 du CGCT qui précise que "Le maire peut fixer des dimensions maximales des monuments érigés sur les fosses", il importe de ne pas se tromper sur le sens de ce dispositif. Alors que le Sénat voulait créer un véritable pouvoir en matière d’esthétique funéraire, l’Assemblée nationale - à la position de laquelle s’est finalement rangé le Sénat - s’est limitée à l’introduction d’un dispositif de "police" et non de "gestion". Fixer les dimensions maximales ressort indubitablement de la police du cimetière et est étranger à l’esthétique. Certes, il est possible de relever dans le second rapport du sénateur Jean-René Lecerf (voir Sénat, Rapport n° 119 (2008-2009) déposé le 3 déc. 2008, p. 30) les explications suivantes, reprenant les vœux exprimés dans les conclusions du commissaire du gouvernement Kahn sur l’arrêt du Conseil d’État du 18 fév. 1972, "Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne" : ce dispositif a pour objet de "permettre au maire d’introduire dans l’architecture du nouveau cimetière un minimum de modestie et de sobriété" afin qu’il se trouve "en France au moins un cimetière civil dont l’aspect ne démentira pas la fonction et que l’immodestie de quelques-uns ne rendra pas insupportable à tous".
Ce nouvel art. L. 2223-12-1 n’était pas encore applicable lorsque M. Boulet a opéré sa demande pour implanter un sarcophage, mais il n’aurait pas non plus permis de s’opposer légalement à sa demande. En effet, le droit d’aménager sa sépulture demeure un droit auquel il ne peut, comme le rappelle le tribunal administratif de Lille dans ce jugement du 24 fév. 2011, "être porté atteinte […] que pour des motifs liés au maintien de l’ordre public". Ce qu’un nouvel aménagement du cimetière ne peut indubitablement pas constituer, quel que soit son intérêt pour les usagers de cet espace public particulier.

Damien Dutrieux
 
Annexe
Tribunal administratif de Lille, 2e chambre, 24 février 2011, n° 0807110, M. Gilbert Boulet

[…]
Considérant que M. Boulet a sollicité le 26 août 2008 auprès des services municipaux de Lespesses l’implantation d’un sarcophage au cimetière de l’Église ; que par un courrier du 8 sept. 2008, Mme Gratpain, adjointe au maire, lui a proposé un emplacement au cimetière communal du Calvaire et lui a indiqué qu’aucun emplacement dans le cimetière de l’Église n’était disponible ; que M. Boulet demande l’annulation de cette décision ou, à défaut, la condamnation de la commune de Lespesses à lui verser une somme de 4 000 € au titre du préjudice subi ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Lespesses :
Considérant qu’aux termes de l’art. R. 421-1 du Code de justice administrative : "la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision" ; que le courrier du 8 sept. 2008 par lequel l’adjointe au maire a indiqué à M. Boulet qu’aucun emplacement n’était disponible dans le cimetière de l’Église avait pour effet de refuser à M. Boulet l’implantation immédiate d’un sarcophage dans ce cimetière ; que, par suite, la commune de Lespesses n’est pas fondée à soutenir que le courrier précité n’aurait qu’un caractère informatif et ne constituerait pas en lui-même une décision susceptible de recours ;
Sur la légalité de la décision de refus du 8 septembre 2008 et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’art. L. 2223-13 du CGCT, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs en y inhumant cercueils ou urnes. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux" ; qu’il résulte de ces dispositions que, dès lors qu’une personne a obtenu la concession d’une place séparée dans un cimetière, elle est de ce fait autorisée à y construire un caveau qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit que pour des motifs liés au maintien de l’ordre public ;
Considérant qu’il est constant que M. Boulet a acquis le 28 nov. 1984 une concession funéraire perpétuelle portant le numéro 107 dans le cimetière communal de Lespesses ; que, contrairement à ce qu’affirme la commune de Lespesses, il ressort de la pièce jointe n° 7 du mémoire en réplique de M. Boulet enregistré le 22 janv. 2009, que la parcelle qui lui a été concédée est précisément matérialisée sur les plans d’occupation du cimetière de l’Église ; que si la commune de Lespesses fait valoir que ce document ne provient pas des archives municipales et qu’il est inconnu des services municipaux, il se présente pourtant exactement sous la même forme et provient de la même plume que les autres documents d’archives détaillés produits par la commune elle-même ;
Considérant, en outre, que la commune de Lespesses ne produit pas elle-même le plan détaillé de la partie du cimetière sur laquelle porte le litige, alors qu’elle a versé au dossier celui relatif à la partie centrale du cimetière ; que si elle produit une "photocopie de calque" de mars 1995 ne faisant apparaître aucun numéro de concession à l’emplacement revendiqué par M. Boulet, ce document, qui ne comporte aucune information nominative et qui n’est pas actualisé, ne saurait permettre en lui-même d’établir, compte tenta éléments contraires produits par le requérant, que M. Boulet ne disposait pas d’une concession précisément localisée dans le cimetière de l’Église ;
Considérant, enfin, que la commune de Lespesses ne peut sérieusement soutenir que tant que le concessionnaire n’a pas décidé d’édifier un monument ou d’inhumer une personne décédée dans la concession, celle-ci ne peut être matérialisée dès lors, qu’ainsi que le démontre M. Boulet avec rigueur, certaines des concessions pourtant matérialisées sur les plans produits par la commune sont à ce jour vierges de toute occupation ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. Boulet est titulaire d’une concession perpétuelle à l’emplacement 107 situé immédiatement à droite de l’emplacement 105 ; que la commune de Lespesses n’invoque aucun motif d’ordre public qui pourrait faire obstacle à ce qu’il implante son sarcophage sur cet emplacement ; que la circonstance qu’un projet de création d’une voie de passage entre le cimetière et un nouveau parking y attenant à construire s’opposerait à l’utilisation de cette parcelle n’est pas au nombre des motifs pouvant justifier qu’il soit porté atteinte au droit à la construction d’un caveau dont jouissent, ainsi qu’il a été dit précédemment, les titulaires d’une concession funéraire sur une parcelle identifiée ; que, par suite, M. Boulet est fondé à demander l’annulation de la décision municipale du 8 sept. 2008 lui refusant l’implantation de son sarcophage sur la parcelle n° 107 qui lui a été concédée dans le cimetière de l’Église ;
[…]

 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations