Parce qu’elle peut commettre des erreurs, a toujours été admise la possibilité pour l'administration (ou la personne privée chargée de la gestion d’un service public) d’opérer le retrait d’un acte administratif illégal, qu’elle agisse de son initiative ou à la demande d’un tiers comme dans l’affaire à l’origine de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 6 janvier 2009 (annexe). Toutefois ce retrait, c’est-à-dire la disparition rétroactive du fait de son auteur de l’acte administratif (une délibération, un arrêté), doit prendre en compte la nécessaire sécurité juridique ; il importe en effet que l’administré puisse, à un moment donné, être certain que l’acte dont il est le bénéficiaire, quand il crée des droits à son profit, ne pourra plus être remis en cause, sera, en quelque sorte, définitif.
C’est pourquoi, la possibilité de faire disparaître l’acte administratif individuel créateur de droits a toujours été encadrée par deux conditions : le retrait ne peut viser que les actes illégaux et doit s’opérer dans un certain délai.
L’illégalité et le délai de quatre mois
Le retrait n’est juridiquement valable que si l’acte retiré est illégal : c’est une condition indispensable pour tous les retraits (sauf s’il est demandé par le seul bénéficiaire de l’acte). Toutefois, l’acte, comme le rappelle la Cour administrative d’appel de Bordeaux en l’espèce, peut être retiré à tout moment s’il a été obtenu par fraude (CE, Sect. 29 novembre 2002, req. n° 223027).
Concernant les actes explicites (par exemple une autorisation d’exhumation), selon l’arrêt "Ternon" (CE, Ass., 26 octobre 2001, M. Ternon, AJDA 20 décembre 2001 p. 1034) : "[…] Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; […]".
Le respect des droits de la défense
Par ailleurs, comme la décision de retrait est une décision défavorable et doivent être respectées, urgence ou des circonstances exceptionnelles, les dispositions de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 selon lesquelles les décisions défavorables n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
Ensuite, la Cour nous rappelle qu’une décision peut être attaquée sans délai si elle n’a pas été l’objet de mesures de publicité (en l’espèce une notification ; voir pour l’affichage d’une délibération en matière funéraire : CAA Nancy 27 mars 2003, M. Lemoine, req. n° 98NC000275).
La concession n’est plus un contrat ?
Si l’on comprend bien la logique qui considère que la décision n’ayant pas été obtenue par fraude ne peut être retirée que dans les quatre mois du juge et la conclusion à laquelle il aboutit, force est d’admettre que cet arrêt semble en contradiction avec la jurisprudence du Conseil d’État qui vient qualifier de contrat administratif la concession funéraire.
Ainsi, à l’occasion principalement de contentieux ayant trait à la responsabilité communale, le Conseil d’État a jugé nécessaire de rappeler que le caractère particulier de l’objet du contrat (fonder une sépulture) a pour effet qu’à la différence des autres contrats portant occupation du domaine public, la concession funéraire n’est ni précaire ni révocable (CE, ass., 21 octobre 1955, Méline : Rec. CE, p. 491). Cette qualification a toujours été reprise par les tribunaux administratifs. Ainsi, le tribunal administratif de Paris, dans un jugement commenté par un spécialiste reconnu du droit administratif des biens, a indiqué que la commune ne peut résilier la concession (sauf à saisir préalablement le juge administratif à cette fin en raison de la faute du concessionnaire : TA Paris 21 avril 1971, Ville de Paris c/ Sieur Ribette et Manoury et Dame Ropert : AJDA 1972, p. 164, note P. Godfrin).
De même, le Conseil d’État a expressément indiqué que devaient être respectés en matière de contentieux de la responsabilité les principes inhérents à la responsabilité contractuelle (CE, 1er décembre 1976, Bérézowski, req. n° 98946 ; voir sur ce point la note éclairante d’un spécialiste des contrats publics publiée au Recueil Dalloz : D 1978, J., p. 45, note L.Richer).
Il s’agissait donc de juger d’un contrat et non d’un acte administratif unilatéral…
Damien Dutrieux
CAA Bordeaux, 6 janvier 2009, req. n° 07BX02269 […] Considérant que, par une décision, en date du 17 novembre 2005, le maire de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle a rejeté la demande que lui avait adressée Mme Y le 7 octobre 2005, tendant au retrait de la décision, en date du 26 juillet 1978, par laquelle avait été accordée aux familles X-Z une concession funéraire perpétuelle dans le cimetière communal, pour le motif qu’il n’était pas en droit de retirer une décision créatrice de droit plus de quatre mois après son édiction ; que, Mme Y a demandé au tribunal administratif de Pau l’annulation de la décision du 17 novembre 2005 ; que conformément à ces conclusions, par le jugement attaqué du 16 octobre 2007 qui n’est pas contesté sur ce point, le tribunal administratif a regardé la demande de Mme Y comme tendant à l’annulation de la seule décision du 17 novembre 2005 et a rejeté la demande ; que Mme Y fait appel de ce jugement ; Considérant que la décision du maire de Saint-Pée-sur-Nivelle, en date du 26 juillet 1978, portant concession funéraire perpétuelle aux familles X-Z, constitue une décision individuelle créatrice d’un droit réel immobilier au profit de ses bénéficiaires ; que l’administration ne peut, à la demande d’un tiers, retirer une telle décision, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que l’allégation de la requérante selon laquelle la décision du 26 juillet 1978 aurait été obtenue par fraude n’est corroborée par aucune des pièces du dossier ; que, dans ces conditions, et alors même que la décision du 26 juillet 1978 serait illégale, qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’une mesure de publicité et ne lui aurait pas été notifiée, à la date du 7 octobre 2005 à laquelle Mme Y a formulé sa demande tendant au retrait de la décision attribuant la concession en question, le délai de retrait dont disposait le maire étant expiré, celui-ci était tenu de rejeter ladite demande ; […] |
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :