Une réponse ministérielle annonce notamment, pour le début de l’année 2016, la fin de l’interdiction des soins de conservation pour les défunts porteurs du VIH.

 

 

Soins de conservation soumis à déclaration

L'article R. 2213-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), dans sa version issue du décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, impose une déclaration préalable qui indique le lieu et l’heure de l’opération, le nom et l’adresse du thanatopracteur (ou de l’entreprise habilitée) chargé de l’opération, le mode opératoire et le produit qui va être utilisé.

Doivent être détenus par le déclarant :
- l'expression écrite des dernières volontés du défunt ou la demande de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ;
- le certificat attestant du décès (CGCT, L. 2223-42), que celui-ci ne pose pas de problème médico-légal et que le défunt n’était pas atteint de l’une des infections transmissibles dont la liste est fixée par l’art. R. 2213-2-1 du CGCT.

Le thanatopracteur peut pratiquer les soins à domicile mais dispose également à cette fin d'un accès à la chambre funéraire ou à la chambre mortuaire où se trouve le corps. Deux arrêtés ont précisé le régime juridique des déchets résultant de cette opération qui sont qualifiés de déchets d'activités de soins et obéissent à des règles strictes en matière d'élimination (A. 7 sept. 1999, relatif aux modalités d'entreposage des déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés et des pièces anatomiques : Journal officiel 3 octobre 1999. - A. 7 sept. 1999, relatif au contrôle des filières d'élimination des déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés et des pièces anatomiques : Journal officiel 3 octobre 1999. - V. également C. santé publ., art. R. 1335-1 et s.).

Maladies contagieuses et infections transmissibles

L'arrêté du 20 juillet 1998 (A. 20 juill. 1998, fixant la liste des maladies contagieuses et portant interdiction de certaines opérations funéraires : Journal officiel 21 août 1998, partiellement annulé par CE, 29 novembre 1999, n° 200777, Fédération Française des Pompes Funèbres : AJDA 2000, p. 178) interdisait la délivrance d'une autorisation de pratiquer des soins de conservation sur les corps des personnes décédées de l'une des maladies suivantes :
- orthopoxviroses ;
- choléra ;
- peste ;
- charbon ;
- fièvres hémorragiques virales ;
- hépatite virale, sauf hépatite A confirmée ;
- de rage ;
- infection au VIH.

Cette liste résultait de l'annulation partielle de l'arrêté par le Conseil d'État, ce dernier ayant considéré que le ministre de la Santé ne pouvait ajouter à la liste l'hépatite A, la maladie de Creutzfeld-Jakob et les états septiques graves (CE, 29 novembre 1999, précité).
Une liste des infections transmissibles devait rapidement remplacer cette liste en application de l’art. R. 2213-2-1 du CGCT inséré par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011. Elle n’a toujours pas été publiée.
C’est pourquoi la réponse ministérielle au député Alain Marty (annexe n° 1) doit être relevée en ce qu’elle nous annonce l’adoption prochaine de ce texte (au plus tard le 1er janvier 2016) afin, notamment, de faire disparaître l’interdiction de soins sur les défunts atteints d'infection par le VIH et/ou d'hépatites virales.

Néanmoins, il importe de garder à l’esprit que le Gouvernement pourrait profiter de l’adoption de ces textes pour intégrer certaines propositions présentes dans le rapport de l’IGAS cité dans la réponse ministérielle (voir ces propositions en annexe n° 2).

Damien Dutrieux,Dutrieux Damien fmt2
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.

Annexe n° 1 :
Rép. min. n° 55080 : JOAN Q 24 juin 2014, p. 5179

14e législature

Question n° : 55080
de M. Alain Marty (Union pour un Mouvement Populaire - Moselle)
Question écrite

Ministère interrogé > Affaires sociales
Ministère attributaire > Affaires sociales

Rubrique > mort
Tête d'analyse > réglementation
Analyse > soins de conservation du corps. décédés séropositifs

Question publiée au JO le : 06/05/2014 page : 3624
Réponse publiée au JO le : 24/06/2014 page : 5179


Texte de la question
M. Alain Marty appelle l'attention de Mme la ministre des Affaires sociales et de la Santé sur le fait que, depuis 1998, les soins funéraires ne peuvent pas être accordés pour des défunts atteints du virus du sida, d'hépatites B et C, de la maladie de Creutzfeld-Jakob ou de tout "état septique grave", lorsqu'il en est fait mention dans l'acte de décès. Pourtant, aucun argument scientifique ne justifie cette interdiction dès lors que ces soins s'exercent en respectant les précautions universelles préconisées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

À ce jour, un grand nombre d'associations se sont prononcées en faveur de la levée de cette interdiction, soutenue par un avis du Conseil National du Sida (CNS), un rapport du Défenseur des droits et un avis favorable du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre 2013, il a été rappelé toutes les discriminations dont sont victimes, tout au long de leur vie, les personnes vivant avec le VIH ou une hépatite. Aussi, comment peut-on pleinement légitimer ces discriminations par-delà la mort ? C'est pourquoi il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend mettre un terme à une interdiction injustifiable et traumatisante pour les familles des défunts, tout en rassurant nos thanatopracteurs quant aux risques de transmission des virus.

 

Texte de la réponse
La question de l'interdiction des soins de conservation chez les personnes atteintes d'infection par le VIH ou d'hépatites virales retient toute l'attention de la ministre des Affaires sociales et de la Santé. Ce sujet est débattu depuis de nombreuses années sans qu'aucune décision n'ait été prise par les autorités publiques : après avoir été alerté sur les difficultés rencontrées par les familles lors du décès de personnes infectées par le VIH, le CNS a publié en 2009 un avis sur les opérations funéraires et demandé l'annulation de l'interdiction de réaliser des soins de conservation sur le corps de personnes atteintes par le VIH et les hépatites.

En 2011, le CNS a confirmé sa position et le Défenseur des droits a demandé à son tour la levée de l'interdiction. Le Haut Conseil de la santé publique, saisi en 2012, a conclu que la levée ne pouvait se faire sans une réorganisation profonde de la thanatopraxie afin de garantir la sécurité des professionnels face aux risques infectieux et chimiques.

À la différence de leurs prédécesseurs, les ministres des Affaires sociales et de la Santé, de l'Intérieur, ainsi que du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social ont décidé de donner suite à ces avis convergents. Ils ont, à cette fin, missionné les inspections générales des affaires sociales et de l'administration pour examiner les conditions pratiques de réorganisation de cette activité.

Le rapport de la mission, intitulée "Pistes d'évolution de la réglementation des soins de conservation", a été rendu public le 5 février 2014 (http ://www. igas. gouv. fr/spip. php ?article355). Il souligne les risques inhérents à la pratique de la thanatopraxie et la nécessité de l'encadrer en la limitant à des lieux dédiés, préalable à la levée de l'interdiction de pratiquer les soins funéraires sur les défunts atteints d'infection par le VIH et ou d'hépatites virales.

Très attendue, notamment par le milieu associatif, la décision de mettre un terme à l'interdiction des soins de conservation effectués sur le corps des personnes décédées porteuses du VIH ou d'hépatites virales a ainsi été confirmée par le Gouvernement et annoncée publiquement par la ministre des Affaires sociales et de la Santé, soucieuse de mettre un terme à une discrimination ancienne et de répondre à la douleur des familles concernées en permettant aux proches des défunts d'organiser enfin des obsèques dans la dignité.

Conformément aux recommandations des inspections générales, les soins de conservation seront à l'avenir réalisés dans des lieux réservés et le certificat de décès sera adapté en conséquence. Cette réforme, dépendante de nombreuses concertations et nécessitant des dispositions législatives, implique nécessairement des délais de mise en œuvre. Les ministères impliqués se sont engagés à la faire aboutir pour le 1er janvier 2016. Ils ont à cœur d'assurer à toutes les familles frappées par un deuil et aux professionnels concernés une organisation fonctionnelle permettant de travailler sur l'ensemble du territoire dans de bonnes conditions d'accessibilité, de qualité des prestations et de sécurité.

 

 

Annexe n° 2 :
J.-P. Segade, D. Bellion et J. Fournier,
Pistes d’évolution de la réglementation des soins de conservation : IGAS et IGA, juillet 2013, 51 pages

Les recommandations de la mission

 

Recommandation Autorité responsable Échéance envisageable
1 Établir un référentiel des termes utilisés en distinguant les soins de conservation des soins de présentation et en définissant l’acte de thanatopraxie. Ministère de l’Intérieur Fin 2013
2 Réserver aux lieux dédiés et équipés la pratique de la thanatopraxie. Cette disposition serait l’occasion d’harmoniser les dispositifs relatifs aux chambres funéraires et mortuaires. Ministères de l’Intérieur et de la Santé Fin 2013
3 Supprimer le VIH et l’hépatite (VHB, VHC) de la liste visée par l’article 2 de l’arrêté du 20 juillet 1998. Ministère de la Santé Septembre 2013
4 Modifier l’article 1 du décret du 5 août 2002 pour permettre le retour à domicile des corps ayant fait l’objet de soins de conservation. Ministères de l’Intérieur et de la Santé Septembre 2013
5 Autoriser le Préfet de département à ouvrir les chambres mortuaires pour recevoir le corps des personnes décédées à domicile, en cas d’insuffisance de chambres funéraires (art. 2223-39). Ministère de l’Intérieur Fin 2013
6 Réviser l’arrêté du 7 mai 2010 définissant les soins de conservation et renforcer les mesures de protection pour les réaliser. Ministère de la Santé Fin 2013
7 Transférer aux opérateurs funéraires qui sous-traitent cette activité et à défaut aux responsables des chambres funéraires ou mortuaires l’obligation réglementaire de collecte des dasri. Ministère de la Santé Fin 2013
8 Informer, par l’intermédiaire de l’Ordre, les médecins sur le contenu de l’acte de thanatopraxie leur permettant de répondre aux éventuelles questions des familles. Ministère de la Santé Fin 2013
9 Intégrer les soins de thanatopraxie dans la réforme en cours du certificat de décès permettant une information des thanatopracteurs qui respecte le secret médical. Ministère de la Santé Fin 2014
10 Suivre les recommandations de l’Autorité de contrôle prudentiel en limitant l’utilisation de l’appellation contrats d’obsèques aux seuls contrats comportant un devis personnalisé des prestations, et mettre à disposition des clients des descriptifs types permettant une meilleure transparence. Ministère de l’Intérieur Fin 2014
11 Pour les établissements de santé, associer les représentants des usagers et la commission des soins infirmiers à l’élaboration d’un règlement intérieur des chambres mortuaires, règlement qui devra faire l’objet d’une saisine de la Commission médicale. Ministère de la Santé Fin 2013
12 Délivrer une information éclairée tant aux familles qu’aux ayants droit en mettant à leur disposition une information accessible, comparative, pertinente, simple et aisément compréhensible. Cette obligation serait intégrée dans l’article R2213-2-2. Ministères de l’Intérieur et de la Santé Fin 2013
13 Confier aux ministères concernés le soin d’établir un document sur les soins de conservation, les différentes modalités, le caractère substituant de certaines techniques sous la forme d’un dépliant qui serait déposé dans toutes les chambres funéraires et mortuaires, et dans les bureaux d’état civil des communes. Ministère de l’Intérieur Fin 2013
14 Imposer que les soins de conservation soient mentionnés dans les contrats d’obsèques portant prestations et exiger que le consentement à l’acte soit spécifié. Ministère de l’Intérieur Fin 2014
15 Intégrer les aspects économiques et gestion des risques dans la formation en élargissant le nombre d’heures à 215 h. Ministère de la Santé Fin 2014
16 Soumettre à autorisation et organiser le contrôle des centres de formation notamment sur le contenu des formations et la qualité des formateurs. Ministères de l’Intérieur et de la Santé 2014
17 Réviser le processus de sélection propre à l’examen national et redéfinir les modalités de l’épreuve pratique. Ministère de la Santé 2014
18 Instaurer un carnet de formation bi-annuel servant de base au renouvellement de l’habilitation. Ministères de l’Intérieur et de la Santé 2014
19 Organiser le recensement annuel et départemental des habilitations, et établir une liste départementale des thanatopracteurs en exercice et de leur activité à partir des déclarations déposées en mairie. Ministère de l’Intérieur Fin 2013
20 Associer les professionnels de la thanatopraxie aux travaux du CNOF concernant les textes relatifs aux soins de conservation. Ministère de l’Intérieur Fin 2013
21 Encourager l’édiction des normes professionnelles et faire de la certification l’une des conditions du renouvellement des habilitations. Ministère de l’Intérieur 2014

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Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations