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La première partie visait à vous sensibiliser au dossier du sanitaire en le délocalisant d’une évocation quasi obsessionnelle du coronavirus. Même si l’épidémie actuelle s’avère dramatique, elle n’est probablement qu’un avertissement au regard de futures menaces biologiques à venir. Ceci étant dit, et, je l’espère, correctement compris, c’est-à-dire sans réaction excessive dans un sens ou dans l’autre, il nous reste à intégrer les bons réflexes et les bonnes pratiques qui nous permettront de faire face à moindre frais dans un contexte de danger microbien subitement amplifié. Voici comment.
 
GEHIN Olivier 1Éléments techniques et pratiques : le contexte de mise en œuvre

La situation actuelle 

La réglementation funéraire, dans le domaine de l’hygiène, concentre ses principes sur la dotation des établissements et des véhicules. Elle est muette sur le principal : les savoirs nécessaires pour atteindre des résultats qui sont par ailleurs définis par une autre source réglementaire : le Code du travail (chapitre consacré au risque biologique). Le Code de la santé n’est paradoxalement pas très loquace en la matière, puisqu’il se limite à évoquer la liste des maladies transmissibles ayant des conséquences sur les pratiques funéraires. Il détermine également les dotations concernant les chambres mortuaires d’établissements de soins en les calquant quasiment sur les dispositions visant les chambres funéraires.

Les professionnels funéraires sont partis du principe que la satisfaction de leurs établissements et véhicules aux prescriptions réglementaires relatives à ces équipements suffit à répondre globalement aux objectifs sanitaires recherchés par les pouvoirs publics. Leur erreur de raisonnement tient au fait que beaucoup trop d’entrepreneurs délèguent leurs responsabilités directes (concernant la santé du personnel) à la compétence d’un médecin du travail (qui ne dispose pas toujours de toutes les informations concrètes du terrain) et ne prennent en considération que le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), au détriment d’autres sources comme le Code du travail et les connaissances d’hygiène appliquée. Témoin les volumes de produits d’hygiène à usage unique dont la consommation à l’échelle nationale ne correspond pas aux quantités qui seraient logiques.

Une conformité des locaux qui ne dure pas dans le temps

Dans mes 26 années de carrière de journaliste, en visites récurrentes dans les entreprises, j’ai parfois constaté nombre d’anomalies :
• bacs de nettoyage d’instruments de thanatopraxie souillés et contenant des produits inadaptés (formol),
• ambiances nauséabondes dans les laboratoires,
• casiers réfrigérés mal entretenus et/ou vétustes,
• sols gras, siphons pollués et mal entretenus,
• glissières de brancards et autres parties de matériels sans véritable entretien,
• tables réfrigérantes visiblement mal nettoyées, et donc susceptibles d’êtres infectieuses,
• appareils de filtration avec filtre éternel (jamais changé),
• installations mal pensées dans le dispositif de réfrigération ou de ventilation,
• linges et consommables en contact avec le sol ou sur des paillasses en état d’hygiène douteuse,
• intérieur de cases réfrigérées dans un état lamentable (le mot est faible…).

Le hasard veut que la presse régionale ait souligné ce genre de lacunes entre l’écriture de la première et précédente partie de ce dossier, et ce jour où la seconde est écrite. Les salariés qui ont averti la presse ont joint à leurs propos des photos.
Il n’est pas question de jeter l’opprobre sur l’ensemble des pompes funèbres, car nombreuses sont celles qui travaillent dans des conditions satisfaisantes. Je souligne aussi qu’une entreprise peut tout à fait être à la hauteur d’objectifs sanitaires à ce jour et ne pas l’avoir été hier ou ne pas l’être demain.

Bien trop souvent, l’enseignement des techniques d’hygiène appliquée est dispensé limitativement aux thanatopracteurs pour ce qui concerne la branche des pompes funèbres. Dans cette situation, le thanatopracteur ou le responsable de la chambre funéraire tient lieu de responsable d’hygiène sur le lieu de travail, tandis que le reste du personnel est très peu instruit en la matière. C’est oublier qu’une politique sanitaire d’entreprise ne peut être satisfaisante qu’en impliquant tout le personnel, avec des protocoles précis d’intervention, enseignés et respectés.

En fait, tout au long de mes reportages de terrain, j’ai souvent constaté que le déficit sanitaire dans les entreprises funéraires ne vient pas d’une absence d’équipement mais d’un manque de culture en matière d’hygiène. Cette épidémie de la Covid-19 produit un effet loupe sur les carences d’instruction des personnels, tout comme des chefs d’entreprise.

Le fait qu’au printemps les entreprises de pompes funèbres aient été prises au dépourvu de consommables en hygiène prouve qu’auparavant, rien n’a été anticipé et provisionné, alors que la doctrine sanitaire précise que toute intervention sur un cadavre doit tenir compte de sa potentialité dangereuse pour la santé. Seules les entreprises responsables et conscientes des bons usages sanitaires ont pu faire face pendant ce printemps sans être tentées de demander en urgence le minimum à l’administration préfectorale. Aucun texte réglementaire ne fixe actuellement des règles de stocks en consommables chez les entreprises de pompes funèbres, qui doivent pourtant justifier d’un statut d’acteurs de mission de service public.

Une base réglementaire dépassée

Puisque j’évoque la réglementation, il faut également en toucher un mot pour mettre l’index sur une lacune : le décret du 28 juillet 1999 relatif à la dotation technique des chambres funéraires est totalement dépassé par… les dispositions précédentes de l’arrêté du 20 décembre 1994. Je m’explique.

Le décret du 28 juillet 1999 a été rédigé dans la foulée de notre adaptation réglementaire au mode de fonction juridique de la Communauté européenne. La difficulté de l’époque était de rédiger des textes applicables par tous les professionnels européens. Le décret du 20 décembre 1994 a été considéré porteur de dispositions de type normatif, renvoyant ainsi à une politique purement nationale. La rédaction de 1999 se cantonne alors à la détermination d’objectifs qui limitent au maximum la précision de contraintes techniques.

En tant qu’ancien spécialiste militaire dans la discipline NRBC, ma lecture du décret de 1999 me laisse penser que le rédacteur du texte a pris en compte essentiellement le risque de transmission microbienne par voie aérienne, tout en négligeant celui par contact (visiblement, ce rédacteur n’a pas compris la logique technique qui a inspiré le décret de 1994).

Dans le contexte de l’épidémie actuelle, le ministère de l’Intérieur a pris l’initiative en août dernier d’éditer un guide de préconisations relatives à l’équipement des chambres funéraires.

1re remarque : le ministère de la Santé n’est pas impliqué directement dans l’édition de ce guide ;
2e remarque : nombre des préconisations contenues dans ce guide retrouvent les orientations qui existaient dans l’arrêté de 1994 (nous vous précisons lesquelles plus loin) ;
3e remarque : si nous n’en sommes qu’au niveau de simples préconisations qui, faut-il l’espérer, serviront de références techniques pour les futurs contrôles de conformité, c’est parce que le dogme européen nous rend incapables de faire mieux à l’heure actuelle (alors que le traité de Rome précisait que les États membres gardaient en compétence indépendante leur politique de police sanitaire…). Aurons-nous la liberté de revenir à des règles techniques officialisées par la nécessité sanitaire, toute honte bue au regard des années laxistes ? À quand un nouveau décret trempé dans le bon sens comme en 1994 ?

Ce guide édité par le ministère de l’Intérieur, téléchargeable sur le site de la DGCL (Direction Générale des Collectivités Locales), est le résultat d’un travail intéressant dont le mérite revient à un groupe de travail du CNOF (Conseil National des Opérations Funéraires). Je ne lui trouve qu’une seule limite : le savoir-faire des personnels se limite au bon usage des équipements et matériels, tel qu’on peut le deviner au regard des préconisations.
C’est pourquoi ce qui suit en deuxième partie de ce dossier constitue à mes yeux les connaissances de base auxquelles devraient accéder tous les personnels de pompes funèbres, quelle que soit leur spécialité dans l’entreprise. Adresse de consultation du guide de préconisation disponible depuis août dernier :
https://www.collectivites-locales.gouv.fr/guide-recommandations-relatif-aux-parties-techniques-des-chambres-funeraires-et-mortuaires-2020-est
 
QRCode 01 Guide 1

Surprise surprise !

Voici comment une équipe de contrôle sanitaire pourrait intervenir dans un laboratoire de pompes funèbres si le contexte épidémique venait à durer ou s’aggraver : "Outre une série de constats d’ordre purement visuel, portés sur l’état général de propreté et sur l’état d’entretien et de fonctionnement des matériels, un contrôle microbien est facile à mettre en œuvre. Le contrôleur pose des disques de gélose sur des surfaces contrôlées et observe les jours suivants au microscope les germes qui se développent en colonies. Avec l’usage d’une torche aux rayons ultraviolets, le technicien constate également la présence des germes dans les espaces clos, tels que les casiers réfrigérés, les intérieurs de caissons réfrigérés, etc."

Le maintien sanitaire des locaux funéraires exige l’établissement de procédures de service parfaitement calibrées pour atteindre les objectifs de prophylaxie (lutte contre les maladies infectieuses). Il exigera également la tenue de documents attestant de la bonne application des techniques (description et récurrence). Le guide des préconisations pousse à cette évolution.

Avant de passer à la description des connaissances de base, regardons ensemble comment ces récentes préconisations renvoient aux dispositions du décret de 1994 qui ont disparu avec le décret de 1999 :
Concernant les cases réfrigérées, l’indice de porosité des panneaux intérieurs de cases réfrigérées n’est plus défini en 1999. Or la taille des virus voisine le micron. L’art. 4 réformé n’évoque que la possibilité de maintenir une température contrôlée en intérieur sans référence à une qualité de matériau. Dans l’absolu, des cases en béton sont redevenues autorisées, ce qui est une absurdité certifiée bio.
L’obligation de recourir à l’emploi de plinthes à gorges au sol disparaît en 1999, ce qui autorise les angles à 90° réputés comme foyers à microbes.
Les radiateurs ne sont plus obligatoirement hors de contact avec le sol.
Le mobilier n’est plus à piètement lavable et désinfectable sur une hauteur de 5 cm.
Les effluents de la salle de préparation ne sont plus canalisés séparément du conduit des eaux usées et ne sont plus traités avant rejet.
Plus d’obligation de distributeur de serviettes en papier.
Plus d’obligations de système à mains libres pour l’éventuel téléphone placé dans le laboratoire.

Le guide des préconisations revient à ces mesures ayant disparu de la réglementation en 1999, et témoigne donc, implicitement, de la pertinence du texte tel qu’il existait entre 1994 et 1999 (ce qui rendrait justice à Claude Bouriot, l’ingénieur sanitaire auteur avisé du décret de 1994). Deux préconisations ne réapparaîtront pas : l’obligation d’évacuation double des eaux (difficile à mettre en œuvre utilement sans définir en aval la nature du traitement) et la référence à l’acier inox 316 L (trop coûteux et trop exigeant au regard des pratiques utilisant de moins en moins d’eau de Javel sur les matériels). Pour des raisons également de coût, l’indice acoustique des cloisons a été abaissé.

Mon avis sur ce guide des préconisations, qui est excellent, insiste sur la nécessité qu’il soit précédé par la définition d’un programme sanitaire de base dispensé à tous les professionnels funéraires, quel que soit leur niveau d’intervention. Les équipements et matériels doivent être utilisés par des personnes détentrices d’un minimum de connaissances. En deuxième niveau d’effort, la filière des pompes funèbres ne pourra pas faire l’économie d’une mise au point de protocoles de service qui prolongeront la portée des préconisations récentes.

Le guide des préconisations s’insère donc entre deux obligations complémentaires : la formation des personnels et la mise au point de techniques normalisées, qui seront par ailleurs mémorisées en documents tenus à jour. Pour faire bonne mesure, l’ensemble du dispositif devra faire l’objet de contrôles récurrents sous l’autorité des pouvoirs publics…

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Éléments techniques et pratiques : connaissances de base

Dans un premier temps vos salariés doivent savoir à quoi s’attacher prioritairement pour conserver leur santé en travaillant dans les pompes funèbres. C’est pour eux et pour vous que cet article est écrit.

Un établissement de pompes funèbres est un lieu à forte probabilité de trouver une concentration de microbes émanant tant des défunts, dont le corps libère progressivement des germes selon son état et la durée de sa conservation après le décès, que des vivants, résultats de contacts entre les professionnels et les familles ou les professionnels entre eux.

Traditionnellement, les locaux de pompes funèbres sont classés en trois niveaux de risque :
niveau 1 : les pièces accueillant du public,
niveau 2 : les salons d’exposition des défunts,
niveau 3 : la salle de préparation et conservation des corps.

Ces classifications courantes se brouillent en temps épidémiques car les mesures prises à l’égard des défunts sont étudiées pour cantonner et limiter le risque sanitaire alors qu’en parallèle, les espaces ouverts aux relations humaines deviennent plus dangereux du fait de la contamination possible entre vivants. C’est ce qui se passe actuellement. Il convient alors d’examiner les voies et modes de transmission des germes infectieux puis de décrire les mesures visant à réduire leur pouvoir d’atteinte des personnes.

Les voies de transmission

Ce sont les chemins par lesquels les microbes se déplacent. On en reconnaît trois sortes :
• par contact avec des personnes, des objets ou un environnement,
• par des gouttelettes projetées par la toux, un éternuement, des postillons en parlant,
• par l’air ambiant.

La transmission par contact est le mode le plus fréquent. Compte tenu du nombre difficilement identifiable des zones porteuses de germes, outre la désinfection de zones ciblées, il est impossible de prétendre tout désinfecter. Devant ce constat, la seule mesure de protection efficace consiste à se laver régulièrement les mains. L’emploi d’un gel hydroalcoolique n’est qu’un pis-aller à défaut de pouvoir recourir à une toilette avec du savon.

Le mode gouttelettes vient en deuxième position, d’où la préconisation du port d’un masque à visée d’obstacle aux émanations de la bouche. Enfin il y a le risque aérien qui est moins courant mais qui concerne certains germes dont probablement le coronavirus (voir en fin du dossier mes questions au professeur Lina).

Le risque par contact
La transmission par contact s’effectue par le toucher. Distinguons le risque direct, avec contact entre personnes (comme la manipulation du cadavre, par exemple, ou le bisou ou la poignée de main entre collègues) et le risque indirect qui consiste à toucher à main nue une surface ou un objet contaminé (poignée de porte, stylo, goupillon, cordes etc…). Les mains sont le plus souvent le vecteur de transmission des germes par contact. La main touche ensuite une voie de propagation du germe à l’intérieur de nous.


Le risque par gouttelettes
La transmission par gouttelettes survient lorsque de grosses gouttelettes contenant des microbes sont projetées de la personne émettrice et parviennent au contact des muqueuses d’une autre personne (yeux, nez, bouche, par contact direct) ou d’une zone de dépôt susceptible d’être ensuite touchée à main nue (contact indirect).

Le risque par air ambiant
La transmission par voie aérienne survient lorsque de très fines gouttelettes porteuses de microbes demeurent en suspension dans l’air. Ces gouttelettes se distinguent par un poids minime qui leur permet de rester longtemps en l’air avant de se déposer. C’est le cas de la tuberculose qui menace de contamination la salle de préparation des corps quand une intervention s’effectue sur le cadavre en libérant un peu d’air contenu dans les poumons ou la sphère ORL. C’est probablement aussi le cas pour un défunt porteur du coronavirus à la distinction près que le bacille de Koch, responsable de la tuberculose, est encore actif longtemps après le décès alors qu’il semblerait que ce ne soit pas le cas avec le coronavirus, rendu inopérant au moment du décès (voir mes questions au professeur Lina).

Pratiques de base

On entend par là les habitudes de travail qui garantissent de manière régulière, hors alerte particulière, la santé des personnels funéraires.
Elles s’appliquent dans les cas suivants :
• contact direct avec du sang, des liquides ou des secrétions émanant du cadavre
• manipulation d’objets ou contact avec des surfaces souillées par ces liquides et secrétions émanant du cadavre
• contact avec la peau du cadavre non intacte ou les muqueuses du défunt (yeux, nez, bouche).

Les pratiques qui découlent de ces circonstances sont :
• le port de gants suivi du lavage des mains après leur retrait
• le port d’une blouse à manches longues, d’un masque et d’une protection oculaire pour contrer le risque d’une projection accidentelle.

En présence d’agents infectieux avérés, il est requis de porter un EPI complet dont la nature peut varier selon le microbe en présence. Un microbe transmissible par voie aérienne détermine l’obligation d’employer un masque à cartouche spéciale.

Les pratiques de base s’imposent au quotidien. Quand un risque particulier est connu, des mesures additionnelles sont prises comme le signalement et le traitement spécifique du corps permettant de l’isoler de tout contact (voir dispositions à propos des maladies transmissibles).

Nettoyage et désinfection

Le nettoyage a pour but d’enlever les saletés, poussières et autres substances qui peuvent héberger les microbes et permettre leur multiplication. Il s’effectue de la manière suivante : eau + détergent + action manuelle ou mécanique. Si l’action manuelle ou mécanique est déterminante pour enlever les saletés, le détergent n’en est pas moins indispensable car il décolle les saletés et permet de lier chimiquement l’eau et les substances solides (graisses, et autres).
Le nettoyage est appelé "décontamination". Il a pour but de faire baisser le nombre de microbes en présence. Il doit précéder la seconde étape, la désinfection, qui a pour but non pas d’enlever les microbes mais de les détruire ou de les empêcher de se multiplier. Ces deux étapes sont indissociables, complémentaires mais radicalement différentes. Bien souvent, le professionnel saute l’étape de la décontamination en pensant qu’il est suffisant de désinfecter, surtout s’il n’y a pas de salissures à l’œil nu. C’est une erreur fondamentale. La rédaction de protocoles précis vous permettra de comprendre concrètement comment s’articulent ces deux étapes complémentaires.

La désinfection est un procédé plus long que la décontamination car sa durée dépend tout à la fois du produit employé que de la nature du germe à détruire.
Par exemple, le coronavirus est un virus enveloppé. Cela veut dire qu’il a "la peau dure". À dose identique de désinfectant, un virus nu mettra trois minutes pour être neutralisé, alors qu’un virus enveloppé, comme le coronavirus, mettra 30 minutes. Les virus enveloppés sont généralement traités par des ammoniums quaternaires qui brisent la membrane extérieure virale.

Notez : à une température de 20°, à la dilution indiquée sur l’emballage du produit désinfectant, il faudra un contact d’au moins 30 minutes avec le coronavirus pour que celui-ci soit considéré neutralisé. Vous comprendrez alors pourquoi vos gestes de désinfection, notamment au bureau, doivent tenir compte de cette durée. Organisez-vous en fonction.

Quelques trucs à retenir :
- Nettoyage des risques par contact. Il est important d’utiliser des "tensioactifs" performants. Ce type d’agent permet de décoller des saletés et de mélanger des substances qui se résistent entre elles comme l’eau et la graisse. Le savon est connu pour cela, de Marseille de préférence en application sur la peau. Le savon noir s’applique bien au sol mais le meilleur entre tous est le "teepol" utilisé par l’armée. Ce savon dont le brevet international est d’origine américaine, est un tensioactif quatre fois plus puissant qu’un liquide vaisselle standard. L’armée l’utilise sur le terrain dans sa chaîne de décontamination des hommes et matériels parce que ce produit est également efficace mélangé à de l’eau froide qui est fortement pulvérisée sur les matériels.
- Contrôle de l’air ambiant dans les laboratoires post-mortem. Il va de soi que si nos masques chirurgicaux sont jetés après une utilisation maximale de quatre heures, du fait de l’engorgement des fibres du filtre par les gouttelettes émanant de la bouche, le filtre du circuit de renouvellement d’air (quatre volumes à l’heure) doit être remplacé selon le même principe. Reniflez un masque qui a été trop porté, il sent mauvais. Comment voulez-vous que cela sente bon dans un laboratoire où le filtre d’aération purification n’a pas été changé ? Mais là n’est pas le seul point à contrôler. La chambre des casiers réfrigérés doit être parfaitement étanche, cela va de soi. Et son groupe réfrigérant peut lui aussi devenir polluant quand il est chargé de poussières dans ses grilles, ce qui offre un territoire d’implantation pour les microbes qui sont ensuite pulsés dans la salle.
- Enfin, il faut évoquer la question délicate des siphons de sols. Les deux décrets, de 1999 et de 1994, posent le principe qu’ils soient démontables et désinfectables. Soit. Qu’on puisse les nettoyer et désinfecter est une précaution minimale. Mais pensez qu’ils doivent toujours rester humides car les siphons servent de clapet d’étanchéité avec le conduit d’évacuation des eaux de travail du laboratoire. Ce conduit est un milieu propice à la constitution permanente d’un foyer de microbes. La différence de température entre la salle de laboratoire et l’intérieur du conduit provoque une différence de pression atmosphérique qui favorise plus ou moins les échanges gazeux entre le conduit et la salle (d’où des émanations plus intenses par temps de chaleur). Ces émanations odorantes sont porteuses de microbes dont la taille et le poids, minimes, permettent leur remontée dans le laboratoire si le siphon ne remplit pas sa fonction de clapet liquide d’étanchéité. Vous devez donc mouiller régulièrement vos siphons de sol, a fortiori lorsqu’il n’y a pas eu récemment d’opérations de soins qui se sont réalisées dans le laboratoire.
Repères pour votre protection

Le masque : Le modèle chirurgical protège contre le risque gouttelettes. Celui qui postillonne ou éternue devient inoffensif pour les autres en le portant. Ce type de masque n’offre aucune protection à l’égard des émanations gazeuses et vapeurs. Pour ces dernières, il faut utiliser un masque à cartouche qui demande une formation préalable des utilisateurs, la sélection d’une cartouche adaptée, s’assurer de conditions d’utilisation autorisées (cas du gaz en fond de caveau pouvant asphyxier le porteur de masque) et coordination du port du masque à cartouche avec un EPI complet.

Les gants : Si les modèles en nitrile, à usage court pour toucher le cadavre, conviennent parfaitement, leur usage pour les actes de nettoyage et désinfection des locaux et matériels peut nécessiter l’emploi de modèles plus résistants (couverture du poignet, résistance à l’eau, aux coupures et frottements, résistance aux acides, préhension facilitée des objets, nature hypoallergène). Le gant de latex protège contre les microbes mais pas ou peu contre les acides. Le gant en nitrile permet le contact prolongé avec du peroxyde ou des produits chlorés. Il est en général hypoallergène lorsqu’il n’y a pas de poudre à l’intérieur.

Adapter votre organisation interne

Le manager d’une unité de pompes funèbres doit mettre en service des consignes qui s’adressent non seulement au personnel chargé des missions d’entretien et d’hygiène mais en outre à l’ensemble du personnel :
• respecter en tous temps les pratiques de base (voir plus haut) quand les circonstances n’obligent pas à l’utilisation d’un EPI complet,
• augmenter la fréquence des interventions en hygiène et salubrité en surveillant quotidiennement les stocks de consommables,
• protéger les sols et en particulier désinfecter les surfaces poreuses comme les joints de carrelage,
• réduire l’encombrement des locaux,
• élaborer des protocoles incluant technique et fréquence des interventions,
• maintenir les activités récurrentes de grand ménage en fin de journée et fin de semaine dans toutes les parties et matériels de l’entreprise,
• former et informer le personnel.

Nous voici arrivés au terme de ce second volet du dossier. Des suites vous seront apportées aussi vite que possible. Cette épidémie m’a converti à l’idée de ressortir au goût du jour un certain nombre de connaissances que j’avais reléguées aux oubliettes du train-train quotidien. Entre autres résolutions, j’ai décidé de me pencher sur la mise au point des protocoles d’entretien sanitaire que je vous communiquerai volontiers dès leur élaboration. Le travail à réaliser est important. Patience. Dans l’attente, j’ai questionné le professeur Lina, virologue reconnu. Les réponses que j’attends de lui sont susceptibles d’éclairer les modes opératoires concernant nos activités exposées à l’épidémie du coronavirus. Gageons qu’il y répondra…
 
Olivier Gehin
Journaliste
Professionnel funéraire
 
Nota : Bien qu’il soit illusoire de recenser tous les endroits à risque nécessitant une désinfection préventive ou curative, vous désinfecterez régulièrement et systématiquement les WC, interrupteurs électriques, poignées de portes, téléphones, et claviers d’ordinateurs. Sans oublier toutes les surfaces critiques dans une cabine de véhicule. Pour les pièces accueillant du public, pensez à l’avant du bureau face aux places d’accueil des proches et à la plaque en plexiglass le cas échéant.

Questionnaire transmis au professeur Bruno Lina, virologue

À propos des pratiques funéraires rapportées au risque pandémique Covid-19

1) Danger rapporté à l’étape de placement du défunt dans sa housse

Une toilette sommaire est réalisée sur le défunt pour ôter la présence éventuelle de matériel lié aux derniers soins ainsi que pour prélever le pacemaker le cas échéant. Ces actes, ainsi que la manipulation du corps pour le mettre dans la housse, impliquent la possibilité d’une contraction pulmonaire et la création en conséquence d’une expulsion d’air porteuse du virus.

De plus, ces actes peuvent s’accompagner d’un épanchement au niveau du bassin (selles, urines) lié au relâchement des muscles sphincters typique de la mort des heures suivant le décès. Les praticiens ont besoin de savoir :
• la localisation virale dans le cadavre (poumons, sphère ORL, urines, selles, orifices du visage),
la localisation virale dans l’environnement du cadavre (distance du postillon, émanation aérienne provenant de l’haleine, literie, oreiller),
si le virus est véhiculé dans l’air via des postillons ou via la simple haleine d’un malade,
si le virus est encore actif, en capacité d’invasion, au moment et après le décès.

2) Situation du virus déposé sur un sol ou une surface

À partir du placement du défunt dans sa housse et déposé ensuite à l’intérieur d’un cercueil fermé, le risque de contagion virale émanant du cadavre est nul. Pouvez-vous confirmer cette affirmation ?

Dans l’affirmative, nous considérons que le risque contagieux posé par la Covid-19 dans les entreprises funéraires n’est plus généré par la proximité des cadavres une fois réalisée leur mise en bière mais par la fréquentation des humains entre eux (réception des familles, vie quotidienne au sein de l’entreprise etc. notamment au contact de familles dont l’un des membres vient de décéder en étant porteur de la Covid-19). Il découle de cette situation un bouleversement logique mais déroutant de l’organisation sanitaire de nos locaux. Les pièces recevant du public ou celles dans lesquelles évoluent les personnels deviennent aussi dangereuses que le laboratoire post-mortem quand nous évaluons le danger biologique sous l’angle spécifique du coronavirus.

Au-delà du respect des gestes barrières et des méthodes pour garder les distances ou interposer un écran entre les individus en dialogue, il nous est nécessaire de mieux connaître la Covid-19 :
Elle est classée comme "enveloppée". Quelle est la durée minimale d’action d’un désinfectant sur un coronavirus déposé sur une surface ? Quels sont les désinfectants les plus efficaces contre lui sachant que les matériaux supports sont variables (inox, plastique etc.) ?

3) La Covid-19 en milieux spécifiques

Ce virus semble à l’aise en milieu réfrigéré :
Est-il sensible aux UV ? Si oui, un éclairage UV peut-il offrir des avantages en milieu spécifique comme l’intérieur des chambres froides ?
Sa volatilité pose-t-elle un problème particulier dans un espace clos réfrigéré par ventilation comme nos casiers réfrigérés ?

Le sol terrestre contient naturellement des virus qui interviennent positivement dans les cycles naturels. En tenant compte du caractère propice à la conservation des virus en terre, la pratique d’inhumation des humains porteurs de la Covid-19 n’est-elle pas susceptible de favoriser la création d’une réserve permanente de ce virus en terre ? Autrement dit, faudrait-il préconiser une crémation obligatoire des défunts porteurs de la Covid-19 ?
 
Résonance n°165 - Novembre 2020

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations