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Récemment, on m’a confié la réalisation d’obsèques civiles d’une personne, dans des circonstances un peu particulières. Il s’agissait de l’aînée d’une fratrie de 6 personnes. Tous ces gens étaient assez "froids" et "fermés". Il était extrêmement difficile d’obtenir des éléments exploitables pour écrire mes textes. Cependant, il fallait le faire puisque j’avais été engagé pour cela…

 

Michel-Weber

Michel Weber, maître de cérémonie.

 

J’ai eu une conversation avec une nièce de la défunte qui m’a donné très peu d’éléments mais qui m’a expliqué que, dans sa famille, les gens s’adorent mais ne se disent jamais "je t’aime". Tous en souffrent sans jamais l’avouer. J’ai donc exploité cette idée-là car je l‘ai trouvée particulièrement intéressante. Par expérience, j’avais souvent entendu des personnes dire "je t’aime" à leur défunt, regrettant de ne pas l’avoir fait de son vivant. Je suis certain que vous avez souvent été témoin de la même scène, dans le cadre de vos professions.
Ce cas particulier m’a permis de composer le texte que je vous livre ici dans son intégralité. Vous pouvez l’exploiter pour vos cérémonies si le cas se présente. Personnellement, je peux vous dire qu’il a eu un très fort impact sur la famille qui l’a écouté.
 
Texte de la cérémonie :
Musique d’entrée : les roses blanches
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis pour accompagner Anne-Marie G. à sa dernière demeure.
C’est un jour historique car c’est aujourd’hui que commence l’éternel cycle de la vie et de la mort. Anne-Marie est la première de 6 frères et sœurs à partir, pour l’éternité, pour un autre monde. Je sais que cela vous donne à réfléchir et je devine vos pensées. Vous vous dites que cette sœur aînée est un peu un symbole. Oui, je dis un symbole car elle avait un trait de caractère que vous avez à peu près tous et toutes : vous êtes atteints d’une pudeur que l’on pourrait presque qualifier d’infernale : celle qui empêche de prononcer les mots les plus importants de l’univers : "Je t’aime".
Oh, cela ne veut pas dire que vous ne savez pas aimer, bien au contraire. Les gens qui oublient de dire "je t’aime" sont souvent ceux qui le pensent le plus fort. Mais ces mots ne veulent pas sortir de votre bouche. On peut se demander pourquoi. Personnellement, j’y ai longuement réfléchi et j’ai trouvé l’explication. Vous ne dites pas assez "je t’aime" tout simplement parce que vous faites partie d’une génération où cela ne se faisait pas ! Pourquoi ça ne se faisait pas ? Eh bien on n’en sait rien ! C’est comme ça, ça ne se faisait pas, peut-être par pudeur, peut-être s’imaginait-on que d’exprimer l’amour que l’on a pour quelqu’un était une marque de faiblesse. Peut-être avait-on peur que ce soit mal interprété ? C’est bien possible…
Seulement voilà. Ne croyez-vous pas qu’il faudrait profiter de ce jour historique pour remettre en question cette manière de penser ? Anne-Marie vous ouvre le chemin et ce n’est peut-être pas un hasard si mon discours d’aujourd’hui vous parle d’amour. Celui dont on n’ose pas parler par simple pudeur … Qu’est-ce que ça changerait si à partir de ce jour vous disiez "Je t’aime" aux gens que vous aimez ? Croyez-vous qu’ils se fâcheraient ? Croyez-vous qu’ils vous en feraient reproche ? Eh bien non Mesdames et Messieurs ! Je peux vous garantir que cela ne sera pas le cas. Vous le savez, les mots que nous prononçons résonnent toujours dans l’univers et sont toujours suivis de conséquences.
La preuve : si vous vous levez le matin en disant que vous allez passer une journée pourrie, il ne fait aucun doute que votre journée ne sera qu’une succession de mésaventures. Pour l’amour c’est un peu pareil. Lorsque vous dites "Je t’aime" à une personne, cela produit chez elle un regain d’amour, même si vous ne vous en rendez pas compte et vous entrez tous deux en vibration pour vous retrouver sur la même longueur d’onde. Pour nous, êtres humains, ces mots doivent être prononcés. Les penser ne suffit pas.
- As-tu dit "je t’aime" à ta femme ou à ton compagnon aujourd’hui ?
- Pas la peine de le lui dire, il ou elle le sait très bien !
Hé non ! Cela ne suffit pas. Nous avons besoin de l’entendre. Ces mots doivent être prononcés, offerts et acceptés par la personne à qui vous les offrez. Oui je dis bien "offerts" et "acceptés" et non pas "devinés" ou supposés. Vous êtes 6 frères et sœurs et je sais que vous vous aimez très fort. Pouvez-vous le nier ? Non, vous ne le pouvez pas ! Vous avez tous la même origine, vous avez tous le même sang, vous faites tous partie de cette unité que personne ne pourra jamais dissoudre : vous faites partie de la même famille et ça c’est une valeur solide et éternelle. Qui vous dit que peut-être, un jour, lorsque ce sera trop tard, vous ne vous direz pas :
"Franchement, c’est trop bête, j’aurais dû dire à Antoine, Marguerite, Jeannot, Francine, ou Marylène combien je les aime. Maintenant c’est trop tard."
Nous voyons cela sans arrêt dans notre profession. À chaque fois je me dis que s’il existait un moyen de prévenir les gens je le ferais. Et là, aujourd’hui, l’occasion se présente, c’est pourquoi j’insiste tant sur ce point.
Alphonse de Lamartine a écrit :
Le livre de la vie est le livre suprême
Qu’on ne peut ni fermer, ni rouvrir à son choix.
Le passage attachant ne s’y lit pas deux fois.
Mais le feuillet fatal se tourne de lui-même.
On voudrait revenir à la page où l’on aime
Et la page où l’on meurt est déjà sous vos doigts".
Musique : ("C’est ça l’amour" - Isabelle Aubrey)
- Si j'avais su que ce serait la dernière fois que je te verrais t'endormir, je t'aurais embrassé du plus fort que je pouvais.
- Si j'avais su que ce serait la dernière fois que je te voyais franchir la porte, je t'aurais serré très fort contre moi.
- Si j'avais su que ce serait la dernière fois que j'entendrais ta voix, je l'aurais enregistrée pour la réécouter chaque jour.
- Si j'avais su que ce serait la dernière fois, j'aurais pris le temps de m'arrêter et de te dire "je t’aime" au lieu d'assumer que tu le savais.
- Si j'avais su que ce serait la dernière fois, je serais resté là pour partager ce jour avec toi, au lieu de penser que tu en avais tellement d'autres à vivre, que le laisser passer sans te voir n'avait pas d'importance.
On peut toujours remettre au lendemain ce qu'on pourrait faire le jour même. On a toujours une seconde chance. C'est ce qu'on croit. Demain je pourrai dire "Je t’aime" "Tu es important pour moi", "Est-ce qu'il y a quelque chose que je peux faire pour toi ?" Mais sait-on jamais ? Aujourd'hui est tout ce que je possède, et je veux te dire combien je t'aime.
Demain, ne l'oublions jamais, n'est jamais une certitude, juste une promesse. Aujourd'hui est peut-être notre dernière chance de dire notre amour. Si vous pensez le faire demain, pourquoi pas aujourd'hui ? Parce que si demain ne vient jamais, vous risquez de regretter de ne pas avoir pris ce moment pour un sourire, une caresse, un baiser, une étreinte, une attention qui aura été son dernier souhait, sa dernière joie.
Prenez le temps de serrer ceux que vous aimez dans vos bras, chuchotez-leur des mots tendres, dites-leur combien vous les aimez, combien vous les aimerez toujours. Prenez le temps de leur dire "Je te prie de m'excuser", "Je suis désolé", "Merci", "Il n'y a pas de problème", de les regarder d'un regard d'amour. Si demain ne vient jamais, vous n'aurez aucun regret de ce qu'aurait pu être aujourd'hui.
Musique (hallelujah d’Alexandra Burk)
Il était une fois une île où tous les différents sentiments vivaient : le bonheur, la tristesse, le savoir, ainsi que tous les autres, l'amour y compris. Un jour on annonça aux sentiments que l'île allait couler. Tous préparèrent donc leurs bateaux et partirent. Seul l'amour resta. L'amour voulait rester jusqu'au dernier moment. Quand l'Île fut sur le point de sombrer, l'amour décida d'appeler à l'aide.
La richesse passait à côté de l'amour dans un luxueux bateau. L'amour lui dit, "Richesse, peux-tu m'emmener ?" "Non, car il y a beaucoup d'argent et d'or sur mon bateau. Je n'ai pas de place pour toi."
L'amour décida alors de demander à l'orgueil, qui passait aussi dans un magnifique vaisseau, "Orgueil, aide-moi je t'en prie !" "Je ne puis t'aider, amour. Tu es tout mouillé et tu pourrais endommager mon bateau."
La tristesse étant à côté, l'amour lui demanda, "Tristesse, laisse-moi venir avec toi." "Oh... amour, je suis tellement triste que j'ai besoin d'être seule !"
Le bonheur passa aussi à côté de l'amour, mais il était si heureux qu'il n'entendit même pas l'amour l'appeler !
Soudain, une voix dit, "Viens amour, je te prends avec moi." C'était un vieillard qui avait parlé. L'amour se sentit si reconnaissant et si plein de joie qu'il en oublia de demander son nom au vieillard. Lorsqu'ils arrivèrent sur la terre ferme, le vieillard s'en alla.
L'amour réalisa combien il lui devait et demanda au savoir "Qui m'a aidé ?" "C'était le temps", répondit le savoir. "Le temps ? s’interrogea l'amour, mais pourquoi le temps m'a-t-il aidé ?" "Le savoir sourit, plein de sagesse, et répondit : "C'est parce que seul le temps est capable de comprendre combien l'amour est important dans la vie."

 

Final
Mesdames et Messieurs, cette cérémonie se termine maintenant et le moment de l’adieu est arrivé. Je vous propose, tout à l’heure, lorsque je vous ferai signe, de venir vers moi. Je vous remettrai une fleur que vous déposerez sur ce cercueil. En même temps je vous demanderai de dire "Je t’aime" à Anne-Marie, soit dans le silence de vos pensées, soit à haute voix. Puis vous vous dirigerez dans le fond de cette salle et vous prendrez vos frères et sœurs dans vos bras en vous abandonnant quelques instants. Et, ma foi, si vous sentez que le moment est venu, glissez-leur à l’oreille les mots magiques "Je t’aime". Ensuite nous fermerons le rideau et nous quitterons tous et toutes définitivement cette salle.
Musique finale : "Wings" - Michel Colombier
Note finale :
J’ai été très étonné de constater que ces 5 personnes ont suivi mes instructions finales. Cela leur a créé un grand moment d’émotion. Elles m’ont retrouvé à la sortie et m’ont chaleureusement remercié en me disant que mon texte avait abattu un mur dans leur esprit. Leurs paroles ont été pour moi source d’une grande fierté et cela fait partie des moments où l’on se dit que l’on fait un très beau métier.
Dans mon livre : "Obsèques civiles – Mode d’emploi", je vous explique en détail comment monter des cérémonies civiles et je vous livre des textes courts, peu connus mais magnifiques que vous pourrez facilement exploiter. Vous pouvez si vous le souhaitez, communiquer avec moi à travers mon site internet http://www.michelweber.fr. Je serai ravi d’avoir quelques échanges avec d’autres professionnels et de lire les expériences que vous avez vécues grâce à notre beau métier.

 

Michel Weber

 

Instances fédérales nationales et internationales :

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