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Quand j’étais gosse, comme beaucoup, j’ai lu, voire dévoré les aventures de Tintin. Comme tout gamin j’ai rêvé d’être Tintin. Aujourd’hui à plus de quarante ans, il m’arrive encore de lire ses aventures, soit juste pour moi, par plaisir, par… nostalgie même, ou avec mon fils de neuf ans.

 

   

Page de couverture:

"Les six gardes du phare Amon".

Gordon Zola.

 

 

Lire et relire les aventures du célébrissime reporter est toujours un bonheur, les histoires, la ligne fluide d’Hergé, dite ligne claire qui fut fondatrice de l’école belge, chaque album est une évasion pour l’esprit, de 7 à 77 ans comme le disait le slogan.

 

C’est bien plus tard que j’ai fait la connaissance de Saint-Tin et son ami Lou, série parodique créée et écrite par Gordon Zola. Parodique, certes, mais en forme très appuyée d’hommage, on sent que Gordon en plus d’être un homme bourré d’humour, est aussi un grand fan de Tintin. Car Saint-Tin est à la recherche de ses racines, de son père qui ne serait autre que le célèbre reporter à la légendaire houppette.

 

Commençons par l’auteur, qui est Gordon Zola ?

 

Un pseudonyme, un alias celui d’Érick Mogis, créateur des éditions du Léopard masqué, puis du léopard démasqué, pape de la littérature parodique et burlesque, plus de trente romans à son actif que cela soit dans la série des Saint-Tin, ou dans son autre série phare, les aventures du commissaire Guillaume Suitaume, avec des tires comme : "Le dada de Vinci", "Ce n’est pas sorcier Harry"…

Dernier opus en date de Gordon dans ma pile de lecture ce fut dans les aventures de Saint-Tin : "Les six gardes du phare Amon".

Saint-Tin se rapprocherait-il enfin de ses origines ? Un témoin capital aurait des révélations à lui faire sur sa mère... Le voilà donc parti pour le pays des pires amibes. Mais les infâmes microbes ne sont pas toujours ceux que l'on croit et une fois encore le rasta populiste se dresse sur la route du reporter. C'est en portant secours à l'étrange Philémon Mignon que Saint-Tin découvrira l'olive de la jungle, une mystérieuse plante aux propriétés diaboliques ! Il lui faudra aussi lutter contre le terrible fakir royal du maharadjah Dlamouk'ehr et son organisation secrète, les 6 gardes du phare Amon.

Un livre court, cent cinquante-sept pages, mais lors de cette lecture, vous oubliez tous les petits tracas du quotidien, juste vous vous bidonnez, gentiment, pas d’humour qui va taper sur les autres, non, juste du potache, du calembour, du jeu de mots. C’est frais, sympathique, les personnages sont truculents, que cela soit le capitaine Aiglefin, le professeur Margarine, le rasta populiste et bien sûr l’ami Lou, qui comme chacun l’a deviné n’est autre qu’un ara épris de poésie et plus particulièrement de Victor Hugo.

"C’est alors que nous avons attaqué, continuait l’ancien guérillero. Nous sommes sortis de la jungle en hurlant, et ils ont tous filé comme des lapins… Le lendemain la dictature des juges était tombée et le Sylvador devenait le Guacamol, retrouvant ainsi ses vieilles origines, rappelons que le Guacamol, petit pays d’Amérique du Sud est depuis lors sous la houlette du général Alhambra, le pays des avocats !

Voilà juste un court extrait, que vous compreniez que cela colle à Tintin, mais que derrière c’est une plaisante et agréable farce.

Là où l’on se rend compte du travail d’orfèvre de Gordon, c’est qu’il n’a pas fait que pasticher, que de placer ici et là de la boutade en tube, du calembour en terrine, de la vanne éculée au kilo, non, oh que non, son travail, son œuvre c’est que chaque page, chaque chapitre colle à la BD originelle, il n’a pas simplement parodié les personnages, il a réécrit l’histoire, la trame, et l’a fait coller dans son univers, un univers "impolitiquement" correct, décalé et farfelu. De plus le travail soigné des couvertures réalisées par Tristan Badoual est magnifique, rappel de la charte graphique de l’album pastiché, traits à la Hergé, véritable petit objet de collection.

 

Rencontre avec Gordon 

 

Sébastien Mousse : Bonjour Gordon, tout d’abord merci de m’accorder un peu de ton temps pour répondre à mes questions. La première, celle qui me taraude l’esprit depuis que j’ai visité ton site(1) c’est comment un jour on se dit : "Tiens je vais faire ma carrière littéraire juste dans la parodie, dans le délire, dans le burlesque" ?

 

Gordon Zola : C’était un jour où je me suis levé du pied droit. J’avais conçu un périodique pour la FNAC pour prescrire la musique classique, qui s’appelait : "Le Tuba, le seul instrument de musique qui sert à respirer sous l’eau". C’était un recueil totalement délirant dans l’univers du classique. Ce travail m’a aidé à forger un style particulier qui correspondait à ce que j’attendais de la littérature, à savoir, l’invention. Comment ne pas pondre un livre de plus sur le marché de l’encre inutile ? Je conçois l’écriture comme une construction raisonnée. Où et comment peut-on ajouter une pierre à l’édifice ? "Être Chateaubriand ou rien" devrait être le leitmotiv de tous les écrivains. Alors moi, je me suis dis, "Tiens, je serai Pierre Dac ou rien !" J’en suis au stade de "pas grand-chose", mais c’est déjà mieux que rien… Je m’applique ! 

 

S.M. : Frédéric Dard, mon maître, disait que c’était beaucoup plus long et plus dur d’écrire une aventure du commissaire San-Antonio, bourrée d’humour, de calembours et de déconnades qu’un roman noir ; pour faire un roman parodique, c’est beaucoup de travail ?

 

G.Z. : Œuf Corse, ai-je envie de voler… Cela reste néanmoins une tournure d’esprit, une gymnastique. Ce genre d’écriture a tendance à masquer le véritable fond qui est souvent plus profond que celui de bien des romans "sérieux". C’est toujours intéressant de parler du grand Fred qui est sans doute un des dix inventeurs littéraires du 20e siècle car il a tellement balisé le terrain de l’humour romanesque qu’il a écrasé de nombreuses velléités. Après avoir écrit mon premier poilar (polar où on se poile), "Les Suppôts de Sitoire", on m’a dit : "tu devrais quand même lire San-Antonio !" que je connaissais très mal. Ouf ! J’ai presque tout lu en deux ans pour bien voir où il était possible d’inventer encore… Le travail sur l’actualité était une piste, mais le travail parodique, plus évident encore.

 

S.M. : Tintin, les classiques, l’histoire de France, Harry Potter, Twillight, j’en passe et des meilleurs, rien ne t’arrête ? Pas de tabou ?

 

G.Z. : Aucun tabou et je crois que c’est aussi une démarcation importante. S’amuser de notre temps est une bonne chose. Au moment du drame d’Haïti, je voulais m’amuser des dérives humanitaires avec : "Haïti, téléphone maison", mais je n’ai pas eu le temps. Il y a un titre que j’aurais aimé trouver qui est un livre de Philippe Muray : "Les Mutins de Panurge". Il résume tout ce qui m’agace aujourd’hui : l’explosion des faux rebelles ! Des hurleurs dans les bandes de loups ! Mon "J’écluse" qui est l’affaire Dreyfus vue par un policier alcoolique, est né de ce désir de sortir vraiment des sentiers battus. L’humour et le second degré permettent toutes les audaces… C’est trop bête de gâcher ça.

 

S.M. : Le prochain, tu as déjà le thème ? Il est déjà en cours d’écriture ?

 

G.Z. : Il y en a deux : une enquête de Guillaume Suitaume et un historico-déconnant. Le premier titrera : "Les Tatas flingueurs". Actualité du mariage gay et parodie des Tontons…

 

Le second, plus délicat, mettra en lumière les dessous d’un crime impuni depuis 1945 : l’assassinat de Robert Denoël, l’éditeur de Céline. L‘édition a été rachetée par Gallimard neuf mois après le crime. Je vais appeler ça : "Le Père Denoël est-il une ordure ?" Cela se passe en 45, le héros tient une association "SOS femme tondue". Ça va gratter !

 

S.M. : Personnellement, comme je l’ai dit dans ma chronique, je trouve la série des Saint-Tin certes parodique, mais aussi l’hommage d’un tintinophile à la série, lors du procès qui a voulu t’interdire de parution et autres amendes pécuniaires, outre les problèmes qui ont découlé de cet épisode judiciaire, le "fan" a dû être blessé que l’on ne voie pas son hommage ?(2)

 

G.Z. : Je suis en effet un amateur de Tintin, comme beaucoup de monde. J’ai voulu, par un exercice de style littéraire, essayer de retrouver ce qui m’avait fait rêver, enfant, tout en respectant les vœux testamentaires d’Hergé qui ne voulait pas que Tintin lui survive. Mais Saint-Tin, n’est pas Tintin… Il croit juste être son fils…

 

Non, je n’ai pas été blessé, mais flatté. Parce que les héritiers ne comprennent pas le processus artistique… Ils pensent que tout le monde pense comme eux… C’est-à-dire à l’argent. Perdu, madame ! Et puis… Trois points de jurisprudence gagnés pour le droit à la parodie c’est pas rien ! 

 

S.M. : Et un jour faire un noir pur jus, voire un roman qui amène la larme à l’œil, un livre sérieux à 200 %, cela te tente, ou bien tu laisses cela à d’autres auteurs ?

 

G.Z. : J’ai déjà écrit des thrillers sous pseudo. Mais je trouve qu’il y a tellement d’auteurs qui le font mieux.

 

S.M. : Gordon, un grand merci pour cette interview…

Sébastien Mousse,

thanatopracteur,

directeur littéraire

 

Nota : 

(1) www.leopardmasque.com

(2) Après la publication du cinquième opus de la série, Gordon Zola est attaqué pour contrefaçon par les héritiers d'Hergé. Les éditions Moulinsart sont déboutées de l'attaque mais le tribunal condamne le Léopard Masqué (société d’édition fondée par Gordon) à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour préjudice commercial évoquant la notion de parasitisme. Début 2011, la 2e chambre de la cour d'appel de Paris déboute totalement Moulinsart SA, rejetant l'accusation de préjudice commercial.

 

Instances fédérales nationales et internationales :

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