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L’article 4 de la loi des 15 et 18 novembre 1887 donne compétence au juge judiciaire pour connaître des contestations sur les conditions des funérailles. Le juge judiciaire va alors avoir une double mission : il va devoir déterminer si le défunt avait la capacité légale de régler les conditions de ses funérailles et quelle était la volonté véritable du défunt quant au devenir de sa dépouille mortelle.

 

 

 

L’art. 4 de la loi des 15 et 18 nov. 1887 donne compétence au juge judiciaire pour connaître des contestations sur les conditions des funérailles. Le juge judiciaire va alors avoir une double mission : il va devoir déterminer si le défunt avait la capacité légale de régler les conditions de ses funérailles. La loi relative à la liberté des funérailles consacre le pouvoir de toute personne capable de régler les conditions de ses funérailles. Ainsi, le mineur non émancipé ou l’incapable majeur ne peuvent valablement régler ces conditions. Il est donc induit ici que non seulement il faut être capable (ou avoir été capable), mais implicitement qu’il faut être une personne juridique (ou avoir été une personne juridique). L’art. 3 de la loi des 15 et 18 nov. 1887 proclame le droit pour tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, de régler les conditions de ses funérailles(1). Il en résulterait qu’un mineur non émancipé ou un incapable majeur ne pourraient valablement régler l’organisation de leurs obsèques.

La capacité du majeur à régler les conditions de ses funérailles ne pose pas de difficulté tant qu’il se trouve "en état de tester". Il en va de même pour le mineur émancipé. En effet, d’après la proposition de loi primitive, "dès le commencement de sa seizième année, l’enfant acquérait le droit d’ordonner ses funérailles"(2) à condition qu’il fût capable de tester. La commission chargée par la Chambre des députés d’examiner la proposition de loi Chevandier pensait pourtant qu’il était "difficile d’admettre qu’une opinion ferme et suffisamment éclairée puisse être reconnue, en matière religieuse ou philosophique, à un adolescent"(3). La commission voyait ici la possibilité de contrecarrer la volonté parentale par "caprice" et ainsi contribuer à "relâcher les liens de famille"(4). Le Gouvernement proposa alors une rédaction similaire à l’actuel art. 3, à laquelle la commission ajouta les mots "ou mineur émancipé". Ainsi, le mineur émancipé en état de tester, c’est-à-dire de plus de seize ans et sain d’esprit, peut régler les conditions de ses funérailles.

 

Lorsque le législateur précise que le majeur ou le mineur émancipé doivent être en état de tester, il vise les incapa- cités de droit résultant d’une condamnation à une peine afflictive(5) ou infamante et les incapacités de fait qui concernent aussi bien les majeurs que les mineurs émancipés. Les limites à la capacité du majeur et du mineur de plus de seize ans de régler les conditions de leurs funérailles par testament se trouvent stipulées à l’art. 901 du Code civil, qui dis- pose que "pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d’esprit", ou encore à l’art. 504 de ce même Code qui dispose que "le testament fait après l’ouverture de la tutelle sera nul de droit". Ainsi, un testament postérieur à l’ouverture de la tutelle et contenant des dispositions relatives aux funérailles entraînera la nullité de ces dispositions. Cependant, si le majeur protégé a valablement testé avant l’ouverture de la tutelle, les éventuelles dispositions relatives au devenir de sa dépouille mortelle resteront valables(6). Le majeur sous curatelle peut lui librement tester, sous réserve de l’applica- tion de l’art. 901 du Code civil(7). Ainsi, il devrait valablement pouvoir organiser les conditions de ses funérailles, car il serait contradictoire qu’il puisse régler le devenir de ses biens et pas celui de sa dépouille. Pourtant, en ce qui concerne le mineur non émancipé, et avant la réforme de l’âge de l’émancipation par la loi du 5 juil. 1974, le choix testamentaire d’un lieu de sépulture par un mineur non émancipé n’avait aucune force obligatoire(8). Si ce sont les critères 

de la bonne santé mentale (être en état de tester) et de la clarté de la volonté exprimée librement (absence de pres- sion de la part du milieu familial) qui emportent validité de l’organisation des funérailles par une personne, il faut en déduire que la volonté exprimée, aussi bien par écrit que par oral, par un mineur non émancipé ou un majeur protégé n’emporte pas valablement organisation des funérailles.

Libres sont alors leurs héritiers de déci- der d’entériner leur volonté ou non. Cependant, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 16 déc. 1961, De Soultrait c/ Pozniakoff(9), a tenu compte, pour régler les funérailles d’un mineur non émancipé à la veille de sa majorité, de la volonté de l’intéressé "à titre d’élément d’appréciation". Ce dernier était décédé au cours d’une opération militaire en Algérie à quelques semaines de sa majorité. Le litige quant au devenir de sa dépouille opposait ses parents divorcés et de confession différente. Or il faut rappeler que d’après l’art. 904 alinéa 2, si le mineur parvenu à l’âge de seize ans est appelé sous les drapeaux, il peut tester et disposer de ses biens à peu près comme un majeur. Il semble que le juge se soit fondé implicitement sur cet article et sur la "presque-majorité" du défunt, bien qu’il n’ait entériné la volonté du mineur qu’à titre d’appréciation, n’apportant qu’un élément supplémentaire à la volonté exprimée par sa mère. Toutefois, la réforme de l’âge de l’émancipation a fait disparaître ce type de litige.

 


Marion Perchey

Directrice IFFPF,

responsable juridique

Le Voeu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nota :

(1) Art. 3, alinéa 1 : "Tout majeur ou mineur émancipé en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le carac- tère civil ou religieux à leur donner, et le mode de sa sépulture". Il est intéressant de le comparer à l’art. 42 du Code civil du Québec de 1994 qui dispose que "le majeur peut régler ses funérailles et le mode de disposition de son corps ; le mineur le peut également avec le consentement écrit du titulaire de l’autorité parentale ou de son tuteur".

(2) Issu des débats relatifs à la proposition de loi sur les enterrements civils présentée par M. Chevandier, le 24 mai 1880, DP. 1887, Lois, Décrets et Actes législatifs, IV, p. 101, spéc. p.102

(3) Ibid.

(4) Ibid.

(5) Art. 36 du Code pénal

(6) Art. 504 alinéa 2 du Code civil

(7) Art. 513 du Code civil

(8) CA de Paris, 24 mars 1922, DP 1922, II, p. 108

(9) CA de Paris, 16 déc. 1961, De Soultrait c/ Pozniakoff.

 

Instances fédérales nationales et internationales :

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