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Un concessionnaire, qui ne souhaite pas renouveler la concession où sont inhumés ses grands-parents, demande à la commune la restitution des alliances des défunts. Quelle position doit tenir la commune ?

 

Nature des objets présents dans une sépulture

Les objets trouvés dans une concession funéraire ne peuvent être considérés comme des choses abandonnées au sens du Code civil. La chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d’appel de Montpellier en date du 16 février 2000 condamnant plusieurs fossoyeurs pour vols aggravés, recel, violation de sépultures, violation de sépultures aggravée, et, atteinte à l’intégrité du cadavre (Cass. Crim. 25 octobre 2000, pourvoi n° 00-82.152).
Dans cette affaire, il s’agissait d’opérations visant à la reprise matérielle de concessions abandonnées, à l’occasion desquelles les fossoyeurs "débarrassaient" les cadavres de leurs bijoux et autres dents en or, et, naturellement, gardaient pour eux le produit de leur lamentable larcin.
Si la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de voir dans les effets dont sont porteurs les cadavres des choses abandonnées insusceptibles de vols, la Cour a d’ailleurs opportunément jugé qu’en outre, les vols commis, en ce qu’ils portaient directement atteinte au respect dû aux morts, étaient constitutifs des délits de violation de sépulture et d’atteinte à l’intégrité des cadavres.

Droit de propriété familiale

Ainsi, dans cet arrêt, la Cour de cassation a très clairement posé l’existence d’un droit de propriété des familles sur les objets présents dans les concessions. Sur ce point, la Cour de cassation se démarque de la position adoptée dans l’arrêt d’appel.
En effet, la Cour d’appel avait même relevé un droit de propriété des défunts, ce qu’a refusé la Cour de cassation. En droit français, seule une personne peut être propriétaire d’une chose, et le cadavre est juridiquement une chose.

Demande de restitution qui peut être fondée

Dès lors, nécessairement, la demande de restitution des alliances formulée par un concessionnaire est fondée juridiquement – bien qu’elle puisse être moralement douteuse, si elle est fondée sur l’esprit de lucre.
Il importe de rappeler que la commune, dans le cadre de la procédure de reprise pour état d’abandon ou pour non-renouvellement, est tenue de procéder à l’enlèvement des restes présents dans la concession reprise. Ces restes doivent être "réunis dans un cercueil de dimensions appropriées" (art. R. 2223-20 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT), dénommé reliquaire ou boîte à ossements (Rép. min. n° 33616, JOAN Q. 8 novembre 1999). Ils seront ensuite inhumés dans l’ossuaire communal, ou feront l’objet d’une crémation, sauf opposition connue ou attestée du défunt (art. L. 2223-4, L. 2223-18 et R. 2223-6 du CGCT).

Informer le demandeur

Il conviendra donc de "convoquer" officiellement – par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise de lettre contre décharge – le concessionnaire lorsque interviendra cette procédure de reprise matérielle de la concession. Certes, en principe, la présence de la famille lors de l’enlèvement des restes, dans le cadre d’une procédure de reprise, n’est nullement prévue (contrairement à une exhumation demandée, où la présence du demandeur ou de son mandataire est obligatoire) ; cependant, dans le cas présentement étudié, la commune a été saisie d’une demande du concessionnaire. Il est nécessaire de relever que la date de cette reprise est fixée librement par la commune, et peut intervenir plusieurs années après la reprise "juridique".
Dans sa convocation, la commune devra donc clairement préciser que les alliances ne seront rendues – sous certaines conditions d’ailleurs – que si elles sont effectivement retrouvées, et que la commune n’est nullement tenue de procéder à des fouilles supplémentaires une fois les restes retrouvés. En effet, l’inhumation en caveau permet de retrouver facilement les objets accompagnant le défunt lors de la mise en bière, ce qui n’est pas nécessairement le cas lorsqu’il s’agit d’une inhumation en pleine terre où, selon la nature du sol du cimetière, il est tout à fait envisageable qu’aucun objet ne soit découvert.

Remise des alliances retrouvées

Si les alliances sont retrouvées, elles ne seront remises au concessionnaire que contre décharge dûment établie. Il est nécessaire de rappeler au titulaire d’une concession funéraire que les alliances trouvées sont naturellement soumises aux règles générales de la dévolution successorale et ne peuvent lui appartenir que s’il est le seul héritier, sa qualité de concessionnaire ne lui donnant nullement des droits exclusifs sur les objets présents dans la concession.
À défaut, elles tombent logiquement en indivision entre l’ensemble des héritiers des défunts inhumés. Il convient d’insister sur ce point et d’exiger du concessionnaire les coordonnées du ou des notaires qui ont été chargés des successions et de fournir un certificat de ce ou ces derniers autorisant la remise des alliances au concessionnaire. À défaut, les alliances resteront avec les défunts.
Une fois informé de l’ensemble des modalités auxquelles il devra juridiquement se soumettre, le concessionnaire devrait logiquement renoncer à sa demande.

Refus de la solution proposée

Si le concessionnaire refuse la solution proposée, il conviendra de l’inviter à déposer une demande d’exhumation et de prouver sa qualité de plus proche parent du défunt (l’exhumation est régie aux articles R. 2213-40, R. 2213-41, R. 2213-42, R. 2213-51 et R. 2213-54 du CGCT). Dans ce cadre, les frais de l’opération lui incombent. Toutefois, la demande d’exhumation n’est recevable que si la procédure de reprise n’a pas eu lieu, notamment dans le cas où le délai de deux années pour le renouvellement n’est pas expiré. Dans l’hypothèse inverse, le concessionnaire n’a plus de droit sur la concession, et il ne pourra qu’assister à l’enlèvement des restes.
Ensuite, l’exhumation demandée ne modifie rien à la question du droit civil successoral et au fait qu’il ne pourra "récupérer" les alliances que s’il est le seul héritier. Les autorités qui surveillent l’exhumation devraient intervenir pour empêcher la récupération des objets présents sur ou auprès du corps, et exiger qu’ils soient déposés dans le nouveau cercueil.

Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.

Instances fédérales nationales et internationales :

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