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Dans notre article paru dans les colonnes de Résonance, numéro du mois d’avril 2012, concernant la problématique des autopsies, il m’était apparu utile d’aborder le thème des autopsies à but médico-légal, dès lors que le droit français connaît ces autopsies judiciaires, qui constituent des mesures d’instruction diligentées et prescrites, en règle générale, par le procureur de la République, voire en cas de l’ouverture d’une information judiciaire, par le juge d’instruction, et qui donnent lieu à une mention spécifique sur le certificat de décès dressé par le médecin l’ayant constaté ; les opérateurs funéraires, confrontés régulièrement à ce problème médico-légal exigeant une connaissance complète des mécanismes légaux et réglementaires régissant la matière, sont directement intéressés.
J’avais aussi mis l’accent sur l’existence d’autres opérations qui s’effectuent sur le corps humain, dans les heures suivant le décès, tels les prélèvements en vue de rechercher les causes de la mort, ou les autopsies scientifiques médicales, obéissant à des règles spécifiques.

À cet égard, j’écrivais :

"Devant les interrogations des familles qui attendent des réponses précises et opportunes à leur questionnement sur les diverses procédures possibles, il est de bon aloi pour les juristes d’apporter aux professionnels du monde funéraire, des informations pertinentes sur ces types d’interventions qui affectent l’intégrité du cadavre, en toute légalité."

C’est pourquoi, dans le prolongement de ces motivations, nous aborderons, les autres catégories d’autopsies.

I - L’autopsie médico-scientifique, également appelée autopsie médicale

Son fondement juridique est l’Art.
L. 1211-2 du Code de la santé publique, modifié par la loi n° 2004-800 du
6 août 2007, parue au JORF du 7 août 2004, qui dispose :
"Le prélèvement d’éléments du corps humain et la collecte de ses produits ne peuvent être pratiqués sans le consentement préalable du donneur. Ce consentement est révocable à tout moment.
L’utilisation d’éléments et de produits du corps humain à une fin médicale ou scientifique autre que celle pour laquelle ils ont été prélevés ou collectés est possible, sauf opposition exprimée par la personne sur laquelle a été opéré ce prélèvement ou cette collecte, dûment informée au préalable de cette autre fin. Lorsque cette personne est un mineur ou un majeur sous tutelle, l’opposition est exercée par les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur. Il peut être dérogé à l’obligation d’information lorsque celle-ci se heurte à l’impossibilité de retrouver la personne concernée, ou lorsqu’un des comités consultatifs de protection des personnes mentionnés à l’art. L. 1123-1, consulté par le responsable de la recherche, n’estime pas cette information nécessaire. Toutefois, ces dérogations ne sont pas admises lorsque les éléments initialement prélevés consistent en des tissus ou cellules germinaux. Dans ce dernier cas, toute utilisation pour une fin autre que celle du prélèvement initial est interdite en cas de décès de l’intéressé.
Les autopsies sont dites médicales lorsqu’elles sont pratiquées, en dehors du cadre de mesures d’enquête ou d’instruction diligentées lors d’une procédure judiciaire, dans le but d’obtenir un diagnostic sur les causes du décès. Elles doivent être pratiquées conformément aux exigences de recherche du consentement ainsi qu’aux autres conditions prévues au chapitre II du titre III du présent livre. Toutefois, à titre exceptionnel, elles peuvent être réalisées malgré l’opposition de la personne décédée, en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort. Un arrêté du ministre chargé de la Santé précise les pathologies et les situations justifiant la réalisation des autopsies médicales dans ces conditions ."
On déduira de cet article que l’expertise dite médicale nécessite, préalablement, que le patient décédé ait exprimé son consentement, sauf les cas dérogeant aux exigences de recherche du consentement, ainsi qu’aux autres conditions prévues au chapitre II du Livre III du Code de la santé publique, soit en présence d’un motif d’intérêt général, qui est, en ce cas, la nécessité impérieuse d’assurer la protection de la santé publique, et en l’absence d’autres procédés permettant d’obtenir une certitude diagnostique sur les causes de la mort.
Réalisée par un anatomopathologiste, l’autopsie médicale est destinée à établir la cause de la mort du patient pour améliorer la pratique médicale et la veille sanitaire. Au contraire de l’autopsie médico-légale, pratiquée dans le cadre de mesures d’enquête ou d’instructions diligentées lors d’une procédure judiciaire, qui est obligatoire, l’autopsie médicale dépend de la volonté du médecin traitant et des proches du patient et, plus généralement, des autres acteurs de la chaîne de soins qui en facilitent ou non la réalisation. Elle doit être pratiquée conformément aux exigences de recherche du consentement. Le médecin traitant déclenche la procédure à la demande des proches de la personne décédée ou, plus souvent, de sa propre initiative. Il doit alors informer les proches et recueillir leur témoignage sur l’opposition à cette pratique, que le défunt aurait pu exprimer de son vivant. Les résultats sont fournis au médecin traitant et à la famille du patient, celle-ci le demande.
C’est ainsi un outil mis au service de l’intérêt des équipes soignantes, des proches du patient et, plus généralement, de la société, pour que la vérité diagnostique et les leçons que l’on pourrait en tirer, soient identifiées et exploitées.
Tout comme pour les autopsies à but médico-légal, l’art. L. 1232-5 du Code de la santé publique, issu de la loi n°2004-800 du 6 août 2004, publiée au JORF le 7 août 2004, prescrit l’obligation pour les "médecins ayant procédé à un prélèvement ou à une autopsie médicale sur une personne décédée de s’assurer de la meilleure restauration possible du corps", encore qu’il faille noter que sur de nombreux forums sur internet, plusieurs avis mettent en cause le travail des médecins et se félicitent des interventions des thanatopracteurs, formés à cet effet.

L’autopsie médico-scientifique, également appelée autopsie médicale, est réalisée à des fins diagnostiques ou de recherche, et selon le docteur Danielle Seilhean, médecin, enseignante/chercheuse et l’une des quatre anatomopathologistes à encore pratiquer le geste "autopsique" au sein du laboratoire de neuropathologie du CHU Salpêtrière, à Paris, "elle n’a pas une bonne image et est considérée comme une pratique d’un autre temps".

Si la plupart des centres hospitaliers universitaires sont habilités à la pratiquer, on assiste depuis quelques années à une centralisation et à une spécialisation du geste "autopsique", car depuis la circulaire du 11 déc. 1995 relative aux "précautions à observer en milieu chirurgical et anatomopathologique face aux risques de transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob", beaucoup d’hôpitaux ont renoncé à se mettre aux normes et ne la réalisent plus.

Une dizaine de centres répartis dans toute la France servent de référence pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) et prennent en charge toutes les autopsies.

La plupart des anatomopathologistes se sont tournés vers des techniques d’investigation moins invasives de biologie moléculaire.
En France et dans la plupart des pays européens, le nombre d’autopsies est en diminution depuis les années 1990. À la Pitié-Salpêtrière, elles ne concernent que "5 % des décès et ce chiffre est en constante diminution", constate Madame le Docteur Danielle Seilhean.

Dans les hôpitaux administrés par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le nombre des autopsies médico-scientifiques a considérablement chuté en l’espace de 10 années.
À titre indicatif, et selon des statistiques anciennes, mais qui illustrent la tendance, on comptait 2 469 autopsies en 1993, et seulement 534 en 2000.
 
Les réticences viennent à la fois des familles et des médecins

Le geste "autopsique" est ressenti par les proches "comme une effraction radicale des corps", même si parfois ils le sollicitent.

En outre, entre les familles et les médecins, existe le plus souvent, un certain contexte de "tension" : le décès est perçu comme une anormalité, un fait accidentel, dont le corps médical, qui s’enferme trop souvent dans un mutisme incompréhensible, sauf à considérer que la mort est ressentie comme un échec de la science médicale, et que les morts n’intéressent plus les praticiens, certains médecins ont besoin pour poser leur diagnostic de devancer parfois la demande, mais le plus souvent hésitent à proposer la réalisation de l’autopsie à visée scientifique ou médicale de peur "d’éveiller les soupçons" et d’être accusés "de n’avoir pas contrôlé les circonstances de la mort".

Au surplus, les médecins ont généralement du mal à simplement parler de la mort : "Ils sont là pour soigner et pour guérir. Ils sont réticents à proposer l’autopsie à la famille".

C’est ainsi que dans un hôpital comme celui de la Pitié-Salpêtrière où 2 à 3 autopsies sont réalisées chaque semaine, la moitié des demandes d’autopsie à visée diagnostique vient de services non neurologiques, essentiellement des services de réanimation (chirurgicale, médicale ou cardiaque).

L’autre moitié du recrutement concerne les maladies neurologiques pour lesquelles existent des protocoles de recherche : suspicion de Creutzfeldt-Jakob et certaines maladies"neurodégénératives".

Pour Le Docteur Danielle Seilhean, "l’autopsie a toujours son utilité en sciences et en médecine", même s’il faut "la repenser de plus en plus, de mieux en mieux, dans le cadre d’un dialogue et d’un don pleinement assumé".
En effet, depuis les lois bioéthiques de 1994, l’autopsie médico-scientifique, contrairement à l’autopsie médico-légale (requise par la justice) ou à l’autopsie sanitaire (demandée par les préfets en cas d’urgence sanitaire), repose sur le don d’organes post mortem pour les prélèvements à des fins scientifiques ou sur le consentement pour la recherche des causes de la mort.

En l’absence du consentement exprès du défunt, l’accord des familles est toujours sollicité et il est entendu qu’une famille peut s’opposer à la pratique d’un tel geste.

Ce type d’autopsie devient donc de plus en plus rare, et le développement des techniques d’investigation, comme le scanner ou l’IRM, sans omettre les analyses médicales et les dosages des marqueurs ou les endoscopies, ont contribué à sa raréfaction.

En matière de droit funéraire, le décret du 28 janv. 2011, a modifié, dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), l’art. R. 2213-14, en prescrivant :

"Le transport du corps d’une personne décédée vers un établissement de santé, pour réaliser une autopsie médicale, est déclaré préalablement, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt, à la demande de toute personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et qui justifie de son état civil et de son domicile. La déclaration est subordonnée à la détention de l’extrait du certificat de décès prévu à l’art.
L. 2223-42, attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal.

Lorsque l’autopsie médicale est réalisée en vue de diagnostiquer l’une des infections transmissibles dont la liste est fixée au c de l’art. R. 2213-2-1 le délai mentionné à l’art. R. 2213-11 est porté à 78 h".

Dans mon ouvrage, Le Traité de Législation et Réglementation Funéraire, j’ai critiqué l’extension du délai de transport avant mise en bière pour la réalisation de l’autopsie médicale, à 72 h au maximum, qui déroge au délai instauré par le décret du 28 janv. 2011, soit désormais 48 h, en considérant que les circonstances du décès (suspicion d’une affection transmissible), étaient de nature à porter atteinte à la protection de l’hygiène et de la salubrité publique.
Notons qu’après réalisation d’une telle autopsie, les familles sont en droit de solliciter le transfert du corps soit vers une chambre funéraire, la résidence du défunt ou d’un membre de sa famille, soit, le cas échéant, vers la chambre mortuaire de l’établissement où il est décédé, et ce dans un délai de 24 h.

Enfin, en ce qui concerne le régime financier des autopsies dites médicales, en l’absence de textes spécifiques, il apparaît par interprétation du CGCT, que lorsque la demande émane de la famille, les honoraires du médecin et les frais connexes, sont à la charge des demandeurs.

En revanche, lorsque le corps médical obtient l’accord du ou des plus proches parents du défunt, par analogie avec les lois bioéthiques, les frais sont à la charge de l’établissement hospitalier.

II - Les prélèvements en vue de rechercher les causes de la mort

Il s’agit des prélèvements à visée cognitive, terminologie qui s’applique à tous les prélèvements à visée scientifique (assimilés à la recherche au sens large, c’est-à-dire fondamentale et appliquée).
Il existe un problème de terminologie car l’on parle aussi d’autopsies scientifiques pour celles pratiquées en milieu hospitalier par les anatomopathologistes, pour rechercher les causes du décès.

Une place à part est faite aux prélèvements pour "rechercher les causes du décès" régie à l’art. L.1232-3 du Code de la santé publique, qui dispose :
"Les prélèvements à des fins scientifiques ne peuvent être pratiqués que dans le cadre de protocoles transmis, préalablement à leur mise en œuvre, à l’Agence de la biomédecine. Le ministre chargé de la Recherche peut suspendre ou interdire la mise en œuvre de tels protocoles, lorsque la nécessité du prélèvement ou la pertinence de la recherche n’est pas établie."
Cet article introduit un formalisme contraignant qui permet d’éviter de solliciter le consentement de la personne avant qu’elle décède, ni celui de sa famille, celle-ci devant, "simplement", être informée des prélèvements effectués pour rechercher ces causes du décès.
À noter que sous l’empire de la loi du 29 déc. 1976, (dite loi Caillavet), il avait été jugé (Conseil d’État 17 févr. 1988, arrêt Camara), qu’en cas de prélèvements sur le cadavre d’un mineur l’autorisation exprès de son représentant n’était nécessaire que lorsque ce prélèvement était effectué en vue de greffes, alors que le prélèvement opéré à des fins scientifiques - (ici dans le sens de recherche des causes du décès) - pouvait être réalisé sans consentement exprès du représentant à condition qu’aucune opposition n’ait été consignée sur le registre de l’établissement, ou porté à la connaissance du service hospitalier.

Cette tendance a été confirmée par le tribunal administratif de Nantes, jugement en date du 6 janv. 2000, par une décision (non frappée d’appel) qui, se fondant sur le respect des articles L.1232-2 et 3 du Code de la santé publique, a stipulé que :
"Dès lors que l’autopsie avait pour seul but la recherche des causes du décès, la seule obligation qui incombait aux praticiens du CHRU était d’informer la famille des prélèvements effectués en vue de rechercher les causes du décès...le consentement de la personne décédée ou de sa famille n’étant pas requis..."
On doit donc déduire que la frontière entre les autopsies médicales et les prélèvements en vue de rechercher les causes de la mort, selon l’angle sous lequel on se place est ténue, et que la jurisprudence opère une confusion entre ces deux pratiques qui ont une finalité identique.
Cette autopsie médicale, également qualifiée de réalisation de prélèvements en vue de rechercher les causes de la mort, effectuée dans le respect des règles de l’art. L.1232-3 du Code de la santé publique, ne peut non plus être considérée comme constituant le délit d’atteinte à l’intégrité du cadavre (art. 225-17 du Code pénal), ni une atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine (art. 16-4 du Code civil), ou enfin un traitement inhumain et dégradant au sens de l’art. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Les rédacteurs font une interprétation précise des dispositions des articles L.1232-1 et L. 1232-3 du Code de la santé publique, relatives aux prélèvements sur personnes décédées, considérant que lorsqu’ils sont réalisés en vue de connaître les causes du décès, ils peuvent être pratiqués, même en cas d’opposition du défunt ou de sa famille.
Cette décision du tribunal administratif de Nantes, quoique favorable aux praticiens pratiquant ces autopsies scientifiques, permet cependant d’envisager la multiplicité des textes susceptibles d’être utilisés contre des médecins qui, pour diverses raisons, sont appelés à porter atteinte à l’intégrité physique de la personne décédée.

III - Les pouvoirs du préfet : l’autopsie sanitaire

Ils tirent leur fondement des articles
L. 1435-1 et suivants du Code de la santé publique, créés par la loi n° 2009-879 du 21 juil. 2009, qui confèrent au préfet territorialement compétent, des pouvoirs pour identifier et prévenir, selon les informations délivrées, sans délai, par le directeur général de l’agence régionale de santé, au représentant de l’État dans le département, ainsi qu’aux élus territoriaux concernés, sur tout événement sanitaire présentant un risque pour la santé de la population ou susceptible de présenter un risque de trouble à l’ordre public.
Pour l’exercice de ses compétences dans les domaines sanitaire et de la salubrité et de l’hygiène publiques, le représentant de l’État territorialement compétent, dispose à tout moment des moyens de l’agence.
Les services de l’agence et les services de l’État mettent en œuvre les actions coordonnées nécessaires à la réduction des facteurs, notamment environnementaux et sociaux, d’atteinte à la santé.
Lorsqu’un événement, porteur d’un risque sanitaire, peut constituer un trouble à l’ordre public, le préfet peut prescrire, en vertu de ses pouvoirs de police en matière sanitaire, une autopsie scientifique ou médicale afin de déterminer les causes d’une mort susceptible d’avoir été provoquée par une affection transmissible, hautement préjudiciable à la sécurité sanitaire. Ce pouvoir qui apparaît discrétionnaire, est d’ordre public, et ne saurait être contesté.
Telles sont donc les réflexions inspirées par les divers régimes des investigations médicales, regroupées génériquement sous le terme d’autopsies.
Elles constituent un recueil d’informations pratiques de nature à aider les professionnels du monde funéraire, non seulement dans l’accomplissement de leurs démarches légales et réglementaires, mais aussi dans leur rôle, de plus en plus affirmé - l’opérateur funéraire étant devenu un interlocuteur providentiel des familles face à la complexité des procédures -, de conseiller, tenu par une obligation de compétence professionnelle.

Jean-Pierre Tricon

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations