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La responsabilité extra-contractuelle de la commune pour les dommages de travaux publics. Les réponses aux questions que se posent ceux qui ont en charge la gestion d’un cimetière… se trouvent dans le classeur : "GÉRER UN CIMETIÈRE : Guide juridique et pratique de la gestion des cimetières", parution de fin 2015 à Territorial éditions et régulièrement actualisé.

 

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Page de couverture
"GÉRER UN CIMETIÈRE :
Guide juridique et pratique
de la gestion des cimetières".

La qualification juridique du cimetière s’avère ici essentielle dès lors qu’il s’agit d’appréhender les règles juridiques applicables aux litiges et contentieux résultant de la gestion de celui-ci. Le cimetière, en tant que lieu destiné à garantir le droit de chaque personne au bénéfice d’une sépulture, relève des régimes juridiques de la domanialité publique et des travaux publics. En cela, les contentieux relatifs à la gestion des cimetières seront traités par application d’un régime de responsabilité spécifique et largement dérogatoire au droit commun de la responsabilité administrative, à savoir le régime de responsabilité pour dommages de travaux publics.

1 - Cimetière et travaux publics
 
Les travaux effectués par les personnes publiques peuvent être qualifiés de publics ou privés, la conséquence immédiate étant, au plan contentieux, la compétence de la juridiction administrative pour le contentieux des travaux publics (loi du 28 pluviôse an VIII) et celle de la juridiction judiciaire pour les travaux privés.
Est travail public le travail immobilier exécuté soit pour le compte d’une personne publique, dans un but d’intérêt général, soit par une personne publique, éventuellement pour le compte d’une personne privée, dans le cadre d’une mission de service public. Cette définition, qui en fait propose une alternative, repose sur des critères précis dont l’application autorise à qualifier de travaux publics la plupart des travaux effectués dans le cadre du cimetière. Seront, par exemple, considérés comme travaux publics les travaux d’entretien du cimetière et de ses équipements, c’est-à-dire l’entretien des clôtures (travaux de peinture des clôtures en béton, taille des haies vives ou arbustes épineux), l’élagage des arbres et autres plantations, l’arrosage et la tonte des pelouses, le balayage des allées, l’enlèvement des ordures et déchets…
Sont également considérés comme travaux publics les travaux effectués par les personnes publiques dans le cadre d’une mission de service public, ces travaux pouvant éventuellement être réalisés pour le compte d’une personne privée (TC 28 mars 1955, Effimieff : Rec. Lebon, p. 617 ; AJDA 1955.II.332, note J. A. ; JCP 1955.II.8786, note Blaevoet). L’accent est ici porté non plus sur la destination des travaux (réalisés pour le compte de la personne publique), mais sur les modalités de leur réalisation, c’est-à-dire s’ils sont exécutés ou non par une personne publique. Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’une commune remplit une mission de service public lorsque, afin d’assurer la sécurité publique, elle exécute d’office des travaux ordonnés par le maire sur un édifice menaçant ruine. Les travaux sont dès lors qualifiés de travaux publics (CE 12 avril 1957, Mimouni : Rec. Lebon, p. 262 ; S 1957.284, concl. Tricot). Une sépulture menaçant ruine, voire la ruine d’éléments indissociables comme la stèle, une croix… justifient, en dernier recours, que le maire ordonne les travaux de consolidation ou de réparation que nécessite le maintien de l’ordre public.
Sont aussi des travaux publics les travaux effectués d’office par l’État sur les sépultures classées monuments historiques, ce en application de l’art. L. 621-13 du Code du patrimoine (ancien art. 9 de la loi du 31 décembre 1913 relative aux monuments historiques).
 
2 - Cimetière et ouvrage public
 
La qualification d’ouvrage public s’applique aux équipements et installations dont l’existence ou l’aménagement s’avèrent nécessaires au fonctionnement du service public funéraire, et de ce fait, affectés au cimetière. Il en va ainsi des clôtures dont l’édification est obligatoire (R. 2223-2 du CGCT), des locaux techniques, du dépôt de la benne à ordures, et évidemment des équipements funéraires spécifiques tels le caveau provisoire s’il en existe un, mais aussi les chapelles (CE 28 février 1973, Commune de Lagos : Rec. Lebon, p. 180), les carrés militaires communaux. À cela il faut ajouter, si l’on prend en considération la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, les ossuaires affectés à perpétuité par arrêté du maire aux fins d’accueillir les restes des corps exhumés ainsi que les cendres des restes de corps pour lesquels le maire a fait le choix de la crémation (L. 2223-4 du CGCT). La qualification d’ouvrage public vaut également pour le site cinéraire et ses composantes (L. 2223-2 du CGCT). Ainsi les espaces destinés à la dispersion des cendres, l’équipement mentionnant l’identité des défunts, le columbarium et l’espace où sont implantées les cavurnes doivent-ils être considérés comme ouvrages publics.
 
3 - Responsabilité de la commune à l’égard des dommages accidentels
 
Il s’agit de dommages causés aux biens ou aux personnes, dont la survenance est soudaine et imprévisible, mais pour lesquels un minimum de diligence de la part de la victime aurait permis de les éviter ou d’en atténuer les effets. La responsabilité de la commune repose sur trois fondements selon la qualité de la victime.
 
a) La responsabilité pour faute lorsque la victime a la qualité de participant aux travaux  
Le participant est celui qui prend part à l’exécution des travaux. Sont considérés comme participants les agents communaux, les entrepreneurs et leurs ouvriers ainsi que les transporteurs des matériaux utilisés dans le cadre des travaux publics (CE 20 novembre 1987, Société Berrichonne de transports : Rec. Lebon, p. 895). Les participants victimes de préjudices doivent démontrer la faute du maître d’ouvrage ou de l’entrepreneur pour engager leur responsabilité. L’exigence de la preuve d’une faute se justifie par le fait que les participants sont intéressés à l’exécution des travaux publics dans la mesure où ils sont rémunérés pour l’exercice de leur profession et que leur compétence doit en principe les mettre à l’abri des accidents. Observons toutefois que les participants bénéficient de la législation sur les accidents du travail, c’est-à-dire soit les dispositions du Code de la Sécurité sociale pour les salariés du secteur privé, soit la législation sur le forfait de pension pour les fonctionnaires et agents contractuels des communes. Notons enfin que la jurisprudence admet trois causes d’exonération, à savoir la force majeure, la faute de la victime et le cas fortuit.
 
b) La responsabilité pour défaut d’entretien normal de l’ouvrage public lorsque la victime a la qualité d’usager de l’ouvrage
L’usager du cimetière ouvrage public est celui qui, au moment de la survenance du dommage, utilisait effectivement celui-ci ou le travail qui est à son origine. Sont ainsi considérés comme usagers ceux qui subissent un dommage du fait d’éléments accessoires de l’ouvrage public, par exemple un dommage provoqué par la chute d’une branche d’arbre du cimetière, ou du fait d’éléments incorporés, intégrés au cimetière comme les plaques d’égouts dans la chaussée, les bancs scellés… La qualité d’usager est conférée indifféremment aux usagers réguliers de l’ouvrage et aux usagers irréguliers, anormaux, de l’ouvrage. Sont concernées par exemple les personnes qui, lorsqu’elles subissent le préjudice, se trouvent dans l’enceinte du cimetière en dehors des périodes d’ouverture, soit à la suite d’une entrée par effraction, soit en raison du mauvais entretien de la clôture ou de la barrière, facilitant ainsi leur intrusion.
Les usagers du cimetière, normaux ou anormaux, réguliers ou irréguliers, n’ont aucune faute à prouver de la part de la commune ; ils doivent juste établir le lien de causalité entre l’ouvrage public et le dommage subi. Il pèse donc une présomption de faute sur la commune, présomption que la commune peut renverser en démontrant l’entretien normal du cimetière et de ses éléments et dépendances. Le défaut d’entretien normal de l’ouvrage public est caractérisé lorsque la commune n’a pas entretenu le cimetière, mais aussi dans des hypothèses aussi diverses que l’absence de signalisation ou la signalisation inadaptée d’un danger (travaux, tranchées, arbres mal en point…), l’exécution défectueuse d’un travail public comme la réfection des allées ou de la clôture par la commune, les excavations ou les saillies d’une profondeur supérieure à 5 centimètres dans les allées publiques du cimetière (CE 12 novembre 1971, Dame veuve Baron : Rec. Lebon, p. 678), l’absence d’éclairage de ces mêmes allées, l’effondrement du mur faisant office de clôture…
Les usagers du cimetière ne pourront toutefois s’en remettre à la responsabilité de la commune lorsque le danger non signalé était parfaitement visible ou lorsque l’Administration démontre qu’elle était dans l’impossibilité de prévoir ou de connaître le danger (la chute d’un arbre n’est ainsi que rarement prévisible en l’absence de signes extérieurs révélant le pourrissement ou le mauvais état, ce qui est moins le cas de la chute d’une branche de l’arbre). De la même manière, la commune bénéficie de l’indulgence du juge lorsqu’elle prouve qu’elle n’a pas eu le temps matériel de faire face au danger à la suite de sa connaissance (exemple de l’impossibilité de remédier immédiatement à la présence d’une plaque de verglas dans les allées du cimetière, le dommage s’étant produit très vite après que les agents communaux eussent été informés). Notons enfin que la commune peut s’exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité en cas de force majeure (qui est un événement extérieur à la volonté des parties, imprévisible dans sa survenance et irrésistible dans ses effets, par exemple des pluies d’orage d’une grande violence ou les tempêtes comme celle vécue en décembre 1999) ou de faute de la victime.
 
Pour une illustration typique, on pourra citer l’arrêt suivant

CAA Marseille, 31 octobre 2013, nº 11MA01841
"Sur la responsabilité de la ville de Marseille :
Considérant que, pour obtenir réparation par le maître de l’ouvrage des dommages qu’ils ont subis à l’occasion de l’utilisation d’un ouvrage public, les usagers doivent démontrer, d’une part, la réalité de leur préjudice, d’autre part, l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ouvrage et le dommage ; que, pour s’exonérer de la responsabilité qui pèse alors sur elle, il incombe à la collectivité, maître d’ouvrage, soit d’établir qu’elle a normalement entretenu l’ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ;

Considérant que, pour soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont prétendu qu’elle ne pouvait être regardée comme établissant précisément le lieu de sa chute ni les causes directes et certaines de celle-ci, Mme F… ne se réfère plus en appel aux témoignages qu’elle avait produits en première instance, témoignages au demeurant, comme l’avaient relevé les premiers juges, peu précis et non circonstanciés, mais se contente, d’une part, de faire état de sa prise en charge par les marins-pompiers de Marseille et le service des urgences de la clinique La Casamance et, d’autre part, de renvoyer à un constat d’huissier qui, s’il relève que la dalle située devant le monument de la famille E… est brisée en son centre et effondrée de longue date, a été dressé le 6 janvier 2006, soit plus de 9 mois après l’accident et ne donne aucune indication permettant de penser que ladite fissure puisse être parfois cachée par la présence de feuilles tombées d’un arbre voisin ; que, dans ces conditions, alors qu’il n’a pas été versé d’autres éléments de preuves ou indices précis et concordants sur les circonstances exactes de l’accident, Mme F… ne peut être regardée comme établissant davantage en appel qu’en première instance le lieu précis de sa chute ni les circonstances de celle-ci ; que, par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins de condamnation dirigées contre la commune de Marseille ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions tendant aux mêmes fins présentées par la Caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône".

c) La responsabilité sans faute lorsque la victime a la qualité de tiers à l’ouvrage public
Le tiers est celui qui, a contrario, n’a ni la qualité de participant, ni la qualité d’usager. Le tiers est donc celui qui n’utilise pas l’ouvrage au moment où il subit le dommage alors même que le dommage est causé par l’existence ou le fonctionnement de l’ouvrage ou l’exécution d’un travail public. A ainsi la qualité de tiers par rapport au cimetière le propriétaire de bestiaux empoisonnés en consommant des branches d’ifs, lesquelles provenaient de l’élagage des arbres du cimetière et avaient été déposées en bordure du pré où se trouvaient les animaux (CE 18 avril 1956, Balique). La qualité de tiers par rapport aux travaux publics a été également reconnue au concessionnaire dont le caveau a été endommagé à la suite des travaux, lesquels consistaient en la réalisation d’une tranchée destinée au passage de canalisations de gaz pour le chauffage du stade municipal (TA Bordeaux 26 mars 2002, Dueymes c/ Commune de Camarsac, req. n° 01843, annexe 3).
Le tiers bénéficie d’un régime très protecteur puisque la personne publique est responsable même en l’absence de faute. Le tiers doit simplement démontrer que le dommage dont il se plaint trouve son origine dans un travail public ou un ouvrage public, c’est-à-dire qu’il existe un lien de causalité entre le préjudice et l’ouvrage ou le travail public. Le caractère protecteur de ce régime de responsabilité est toutefois atténué par l’obligation pour la victime de prouver le caractère anormal et spécial du dommage, et ce dans les mêmes conditions que pour la victime d’un dommage permanent de travaux publics. La commune ne pourra s’exonérer de sa responsabilité que dans deux cas : la force majeure et la faute de la victime.
 
4 - Responsabilité de la commune pour les dommages permanents de travaux publics
 
a) Définition du dommage permanent
Les dommages liés à l’existence d’un ouvrage public peuvent être le fait de l’ouvrage lui-même, lequel aura été mal conçu ou est tout simplement mal entretenu. Il peut s’agir aussi d’une conséquence de l’exploitation de l’ouvrage.
Également, certains dommages sont causés aux administrés du seul fait de l’existence de l’ouvrage public ou de son fonctionnement. Cela concerne tous les désagréments, gênes, inconvénients qui résultent de la présence même de l’ouvrage. Ces dommages peuvent être classés en trois catégories essentiellement :
- en premier lieu, les préjudices commerciaux du type pertes de recettes ou baisse du chiffre d’affaires. Ces préjudices peuvent être provoqués par les travaux liés à la construction de l’ouvrage, à son aménagement, son agrandissement ou sa réhabilitation ;
- ensuite, les dommages constitués par les troubles de jouissance imputables au fonctionnement normal de l’ouvrage. Toutes les formes de nuisance donnent lieu à réparation, par exemple le bruit, les vibrations, les odeurs, les exhalaisons, les poussières, etc. bref tous les inconvénients liés au voisinage de certains ouvrages publics ;
- enfin, l’existence de l’ouvrage peut être la cause d’une dépréciation de la valeur des immeubles voisins.
Ces dommages pour "fait de l’ouvrage" peuvent résulter non seulement de la présence de l’ouvrage, de son fonctionnement, mais également de son absence. Ainsi, le fait de ne pas avoir construit l’ouvrage, de ne pas l’avoir agrandi alors que cela s’avère nécessaire, peut entraîner la responsabilité de la commune. À titre d’exemple, la non-réalisation ou l’inadaptation de réseaux d’évacuation des eaux usées, des eaux de pluie… peut aboutir à la responsabilité de la commune pour des dommages qui ne seraient pas advenus dans l’hypothèse de l’existence ou de l’adaptation de ces ouvrages (CE, 7 juin 1935, Commune de Caluire, Rec. 672).
La réparation des dommages permanents a pour fondement juridique la responsabilité des personnes publiques en cas de rupture du principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, lequel est le corollaire du principe général d’égalité devant la loi. Ceci justifie la responsabilité de l’exécutant de travaux publics ou du propriétaire de l’ouvrage public.
Ces dommages se singularisent par le fait qu’ils n’ont pas un caractère accidentel et qu’ils font peser sur l’administré des charges anormales et spéciales. Ces dommages permanents ne peuvent être la conséquence d’un événement imprévisible ou d’une erreur humaine, voire matérielle. Ce sont donc des dommages prévisibles, des dommages qui sont la conséquence logique, inévitable de l’existence ou du fonctionnement d’un ouvrage public. Il n’y a pas de faute imputable à la personne publique, l’indemnisation des préjudices par la commune résulte de la rupture d’égalité entre administrés, l’intérêt particulier de l’un d’entre eux ayant été méconnu au profit de la satisfaction de l’intérêt général.
Les dommages permanents prennent essentiellement, s’agissant d’un cimetière ou d’un site cinéraire connexe à un crématorium, la forme d’inconvénients de voisinage. Ces troubles de voisinage découlent de l’existence du cimetière ou du site cinéraire, de leur "fonctionnement". Ces troubles peuvent consister en une modification sensible des conditions d’habitation ou en une diminution de la valeur vénale de la propriété, une dépréciation de celle-ci. Ce sont donc aussi bien des nuisances qui perturbent la vie quotidienne (bruits, odeurs, exhalaisons…) que des dommages relatifs à la propriété même. Une commune est ainsi responsable des dommages permanents résultant de l’existence ou du "fonctionnement" du cimetière.
La commune doit par exemple répondre des nuisances, telles des exhalaisons, causées aux voisins (CE, 5 mai 1952, Commune de Louey, Rec. 149). Elle doit également réparer les dommages subis par un terrain voisin au cimetière du fait du mauvais fonctionnement du système de drainage de celui-ci, ceci étant la cause directe de la mauvaise qualité de l’herbage, les eaux usées provenant du cimetière à la suite de traitements chimiques se répandant sur le terrain (CAA Bordeaux, 25 mars 1994, Commune de Les Peintures, req. n° 93BX00838). Le dommage peut consister à la fois en une certaine dépréciation de la valeur vénale de la propriété et en des nuisances au quotidien résultant de la proximité du cimetière (CAA Nancy, 3 juin 1993, req. n° 92NC00290, Commune de Silly-la-Poterie : l’agrandissement du cimetière portait les limites de celui-ci à 10 mètres de la propriété, ce qui, au delà de l’évidente dépréciation de l’immeuble, causait également, de manière permanente ou occasionnelle, certains désagréments au quotidien comme les exhalaisons).
 
b) Le caractère anormal et spécial du préjudice réparable
Ce régime de responsabilité de la commune a toutefois ceci de particulier que seuls les dommages anormaux et spéciaux ouvrent droit à réparation.
Le dommage est spécial car il n’atteint qu’un seul ou juste quelques administrés. S’il est général, il n’y a pas rupture de l’égalité. Le caractère spécial se mesure donc "quantitativement", au nombre d’administrés victimes du même dommage. Notons toutefois que le juge n’hésite pas à qualifier de "spécial" le préjudice qui trouble l’ensemble des voisins d’un ouvrage public déterminé (CE, 6 mars 1992, Cantin, req. n° 83.828), ce qui signifie qu’un préjudice peut être qualifié de "spécial" quand bien même l’ensemble des voisins d’un cimetière seraient affectés par celui-ci.
Le dommage est anormal lorsqu’il présente un degré certain de gravité. Les inconvénients mineurs constituent en effet une charge normale que tout administré doit supporter au regard des avantages que procurent les collectivités publiques, notamment par la mise à disposition des services publics. Les nuisances, gênes… doivent donc, aux yeux du juge, présenter un certain degré de gravité pour qu’il y ait rupture de l’égalité et droit à réparation. Dans l’affaire "Commune de Silly-la-Poterie" précitée, alors même qu’il était possible de considérer qu’il existait un préjudice spécial, le juge administratif a estimé que ce préjudice ne présentait pas le caractère d’anormalité, ce pour deux raisons : la première tient au fait que le cimetière se trouvait déjà à une distance de 22 mètres de la propriété avant son agrandissement. Cet agrandissement, d’une superficie de 6 ares environ, n’avait fait "que" porter les limites du cimetière à 10 mètres, ce qui pour le juge ne constitue pas une gêne démesurée par rapport à ce que le requérant supportait déjà. La deuxième raison tient au fait qu’il existait "des haies touffues susceptibles d’être développées" entre le cimetière et la propriété. Cette protection de l’habitation a paru suffisante aux yeux du juge pour considérer que les nuisances ou gênes quotidiennes étaient insuffisamment graves pour mériter réparation. Les gênes relevaient donc des sujétions normales que tout administré doit supporter dans l’intérêt général.
 
c) Causes d’exonération pour la commune
Les causes d’exonération de responsabilité sont ici exclusivement la force majeure ou la faute de la victime. En effet, en matière de responsabilité pour dommages permanents de travaux publics, responsabilité sans faute de la commune, il est un principe général de droit qui veut que seules ces deux causes peuvent exonérer ou limiter partiellement la responsabilité de la collectivité. Ainsi, dans une affaire "Commune de Serrières-de-Briord" (CE, 25 novembre 1994, Rec. Lebon, p. 839), le juge administratif a exonéré partiellement la commune de sa responsabilité pour le préjudice anormal et spécial causé par l’agrandissement d’un cimetière au motif que le propriétaire de l’habitation n’ignorait pas l’existence du projet d’agrandissement au moment de son installation. Ceci constituait donc une "faute" de sa part puisque l’antériorité de l’ouvrage public et la prévisibilité de la survenance du dommage ne faisaient aucun doute.
Le fait ou la faute d’un tiers ne sont pas considérés comme pouvant justifier une telle exonération. Concrètement, dans ce dernier cas, la victime pourra demander à la personne publique la réparation intégrale du dommage qu’elle a subi alors même que le fait d’un tiers a partiellement concouru à sa réalisation, la personne publique n’ayant alors d’autre choix que de se retourner ensuite contre ce tiers au moyen d’une action récursoire ou d’un appel en garantie (voir pour un exemple CAA Nancy, 2 juillet 1991, Consorts Tahir, req. n° 89NC01389, à propos d’une affaire où une commune, condamnée à réparer les conséquences dommageables d’un empiétement sur une concession suite à des travaux de pose d’une dalle en béton, exerce l’appel en garantie contre le concessionnaire qui a fait réaliser ces travaux).

Ouvrage sous la direction de Philippe Dupuis

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations