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Dans un précédent article, nous avons évoqué les conséquences du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 7 novembre 2016, ayant débouté les deux filles légitimes d’un défunt de leur demande d’ouverture du caveau aux fins d’exhumation de l’urne contenant les cendres de leur père, en vue de leur dispersion dans un espace spécifiquement aménagé à cet effet dans un cimetière parisien (Père-Lachaise), ainsi que de leur demande de suppression du nom de Mme M. C., inscrit sur le monument funéraire afférent à une concession perpétuelle délivrée à deux personnes, non liées par une union officielle et institutionnelle susceptible de déboucher sur la création d’une famille, au sens du Code civil.

 

 

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Jean-Pierre Tricon.

Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a motivé sa décision en se référant aux dispositions de l’art. 3 de la loi du 15 novembre 1887, dans la mesure où il a reconnu à une "Convention Obsèques" la force juridique de l’expression testamentaire d’une volonté. Le tribunal a recherché la volonté clairement exprimée par le défunt en matière de lieu d’inhumation ou de destination des cendres, et a, également, débouté ses deux filles légitimes de leur demande d’autorisation d’inhumer le corps de leur mère, prédécédée, dans la concession funéraire délivrée, non seulement à leur père, mais aussi à une tierce personne, Melle C, avec laquelle il entretenait une relation suivie depuis au moins trois décennies.

Au surplus, le tribunal a fait valoir que rien n’indiquait que la mère des deux filles du défunt, co-concessionnaire, qui était séparée de fait avec son époux (mais point de droit), ait exprimé la volonté de reposer à ses côtés dans le caveau aménagé sur la concession perpétuelle, d’autant plus qu’avant de décéder elle avait exhérédé son époux, selon un testament olographe, de ses droits à sa succession.

Les défenderesses avaient invoqué, dans leurs conclusions récapitulatives, l’art. L. 2223-13 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui, selon leurs écritures, n’avait pour seule vocation que de permettre à une personne d’obtenir une concession funéraire, pour elle, ses enfants ou successeurs, lorsque l’étendue des lieux le permet et, de ce fait, interdirait à deux personnes, sans lien familial, de se voir attribuer une concession commune, moyen que le TGI de Paris a rejeté, estimant qu’il était soutenu à tort.

Ces décisions sont étroitement liées à l’interprétation et aux effets juridiques à donner au contenu de l’art. L. 2223-13 du CGCT, qui constituait, de fait, l’axe cardinal de ce procès, car force est d’admettre que la défense des deux filles du défunt père n’avait pas tiré toutes les conséquences de droit résultant de la définition de la concession funéraire, notamment en soutenant que cette concession entrait dans la masse et l’actif successoral à prendre en compte dans la liquidation/partage de la succession complexe, de leur mère, non divorcée, et de leur père, également non remariée, ce qui maintenait un régime communautaire, alors que Melle C. était légataire universelle.

Dans un tel contexte, devant les moyens de défense lacunaires des conseils de ces deux personnes, il nous est apparu utile, pour les besoins de la cause (un appel a été interjeté contre le jugement du TGI de Paris en date du 7 novembre 2016), d’opérer un rappel sur le régime successoral des concessions funéraires, exorbitant du droit commun. Il sera rappelé, à bon droit, que le régime successoral d’une concession funéraire résulte parallèlement de la loi (art. L. 2223-3 du CGCT) et de la jurisprudence, tant administrative que judiciaire.

En effet, deux hypothèses principales sont à examiner : d’une part, celle dans laquelle la succession est ouverte en l’état de la volonté exprimée par le fondateur de la concession et, d’autre part, celle, contraire, où le concessionnaire décède ab intestat.

1 - Le concessionnaire décède en laissant un testament

Les solutions proposées par les deux ordres de juridictions, administratives et judiciaires, ont évolué dans le temps, pour aboutir à des dispositions qui semblent s’être considérablement rapprochées depuis les dernières décennies. Au plan du droit administratif, la transmission d’une concession par l’effet d’un legs émanant du concessionnaire semble aujourd’hui ne plus faire débat, la décision du tribunal administratif de Lyon, du 31 août 1973, Bryon, Recueil Lebon, p. 807, ayant ouvert une brèche dans un sens favorable.

Devant le juge judiciaire, une évolution s’est dessinée vers une solution identique, mais avec, néanmoins, de sérieuses réserves, du fait de décisions de la Cour de cassation ou de cours d’appel, souvent contradictoires. Certains arrêts ont reconnu au concessionnaire le droit de déterminer les personnes qui seront ensevelies à ses côtés : Cass. civ., 22 mai 1963, Revue trim. Dr. Civ. 1964, 154, et par suite, de disposer de certaines places de son vivant ou par testament : Cass., 22 mai 1963, D. 1963. Somm.144, voire de transférer par don ou par legs la disposition de la sépulture à un nouvel ayant droit : Cass., civ., 23 octobre 1968, JCP, 1969, II, 15715, note Lindon, ou par les mêmes moyens, de réserver la sépulture à une branche de sa descendance : Cass., civ., 6 mars 1973, JCP, 1973, II , 17420.

D’autres jurisprudences, tant anciennes : Paris, 22 mai 1924., Jur.mun., 1925, III,14 ; Poitiers., 21 juin 1938, S., 1939, 2, 4, que plus récentes : Cass.civ., 25 mars 1958, D, 1958, 352, et 1er juillet 1970, consorts Mare, consorts Seguy, D. 1970, p. 671, ont permis d’affirmer que : "La propriété du tombeau ne se transmet en principe qu’aux héritiers naturels du concessionnaire, à l’exclusion des tiers, fussent-ils légataires universels." Mais l’arrêt de la Cour de cassation, chambre civile, 6 mars 1973, Mund c/ Billot, deuxième espèce, bien que s’appliquant à une donation de la concession à un membre de la famille du fondateur de la concession, au détriment des autres héritiers du sang du concessionnaire, a, semble-t-il, renforcé la capacité juridique du fondateur de la concession d’en disposer, à son gré.

Force est d’admettre que la jurisprudence judiciaire ne permet pas de dégager des règles intangibles en la matière, les juges civils appréciant au cas par cas les motifs des contentieux, tout en tentant de prendre des décisions conformes aux intérêts de la famille. Dans un jugement en date du 21 juin 1938, DH, 1938 ; p. 589, le tribunal civil de la Seine avait pris une position en ces termes : "Ce droit réel échappe aux règles du droit commun de la libre disposition des biens ; il est par contre transmissible par succession ab intestat ou, sous certaines réserves établies dans l’intérêt des familles, par acte de dernière volonté."

Le concessionnaire a, néanmoins, un pouvoir réel de prendre des actes de dispositions à l’encontre de la concession, particulièrement élargis ; citons notamment :
- La désignation des personnes susceptibles d’être inhumées dans la concession ou attribuer la sépulture, elle-même, ou les places qui y seront disponibles à certains de ses héritiers : Cassation, civile, 22 février 1972, Gaz. Pal., 1972, 4, 471 ; D, 1972, 513, note R. Lindon.

Mais il convient d’insister sur le fait que, la concession n’ayant aucun caractère pécuniaire, elle n’a pas à être comprise dans la masse pour le calcul de la quotité disponible. Par suite, le legs de la concession est toujours possible, même si la quotité disponible a été épuisée par des dispositions antérieures : Cour de cassation, 7 avril 1857, CA, Lyon, 7 juillet 1883, D, 85, 2, 34. La concession n’est généralement pas comprise de plein droit dans le legs universel : tribunal civil de la Seine, 9 mars 1939, Jur. Not 40549, une disposition expresse paraissant nécessaire, bien que certaines décisions, peu nombreuses, aient inclus la concession funéraire dans la masse des biens successibles.

Sur la force juridique du legs comportant une clause particulière, la cour de Lyon s’est nettement prononcée en faveur du respect des volontés du testateur : 7 novembre 1949, Drevrard C/ Ode, S., 1950-1-63. La volonté du testateur de disposer de la concession doit être manifeste et non douteuse : CA. Aix, 17 avril 1970, S, 1907, 2, 278, toute difficulté devant être déférée aux tribunaux compétents, à qui il appartient de déceler l’intention du défunt, eu égard aux circonstances : Nantes, 5 décembre 1901, Limoges 9 février 1907, D, 1907, 5, 22. Le legs doit être exécuté sans scandale et sans compromettre au-delà des bornes permises les intérêts et les droits moraux des héritiers du sang : Agen, 23 juin 1909, D, 1910, 2,18 ; Limoges, 7 juin 1923, Basoche, 1923, 581.

C’est ainsi que, dans le cas afférent au jugement du TGI de Paris en date du 7 novembre 2016, sur le fondement de ces décisions de Cour d’appel, il paraît opportun d’écarter la concession funéraire de la masse des biens entrant dans l’actif successoral, car, d’une part, celle-ci n’appartenait pas uniquement au testateur, puisque délivrée conjointement à deux personnes (le testateur et sa compagne), et, au surplus, le fait d’incorporer cette concession dans la masse successorale constituerait une double atteinte aux bonnes mœurs et aux droits moraux des héritiers du sang, cumulant la qualité d’héritiers réservataires.

À notre sens, la règle dite de "l’affectation spéciale de la concession à la famille du concessionnaire", qui découle directement de l’art. L. 2223-13 du CGCT, laquelle destine la concession au fondateur, ainsi qu’à ses enfants et successeurs, alliée à la nature juridique du droit de l’héritier (droit réel et personnel à la fois de nature immobilière), ne permet pas d’envisager un partage : la concession doit rester dans le patrimoine familial, hormis l’hypothèse, toujours possible, de l’extinction de la lignée des héritiers par le sang (ascendants, enfants, petits-enfants, voire collatéraux). Dans ce cas, et afin d’assurer la pérennité de la sépulture, il est normal d’admettre que le dernier héritier par le sang vivant pourra transmettre, par l’effet d’un legs particulier, la concession à une personne de son choix (Encyclopédie Dalloz, Droit civil, V° sépulture, n° 18).

2. Lorsque le concessionnaire décède ab intestat (sans laisser de testament)

La concession passe aux héritiers par le sang en état d’indivision perpétuelle, pendant toute la durée du contrat, chacun des co-indivisaires étant tenu de respecter les droits de ses partenaires : Cour de cassation, 12 novembre 1940, Jur. mun., 1940, 3, 54. De cet arrêt, la doctrine a extrait une définition de la notion d’héritier naturel dans les termes suivants : "L’expression d’héritier naturel ne peut désigner ici que les membres de la famille, les hoirs du corps", c’est-à-dire tous les descendants directs du concessionnaire, fondateur de la concession.

La jurisprudence a donc construit une théorie différente du régime successoral du Code civil : Cour de cassation, 15 mars 1978, JCP 1979, II, 19083, conforme à la décision ancienne de la cour de Toulouse, 23 avril 1904, DP 1906, 2, 97. Qu’advient-il alors du conjoint survivant du concessionnaire ?

Là encore, deux situations différentes sont à envisager :
- le conjoint était partie au contrat. Si les deux époux ont concouru à l’acte d’acquisition, celui-ci établit le caractère de la destination de la sépulture, laquelle ne saurait être assimilée à un bien exclusif de l’époux, ni à un élément de la communauté. Les membres de la famille ne pourraient dans ce cas être privés de leurs droits que par un nouvel accord intervenant entre les époux, le décès de l’un obligeant l’autre à respecter les dispositions devenues de ce fait irrévocables : Paris, 11 juin 1957, D, 1957, 570.

La dissolution de l’union qui résulte de la séparation de corps ou du divorce fait perdre à la concession son caractère extrapatrimonial (ce terme, critiqué par Mme Marie-Thérèse Viel, dans son ouvrage "Droit funéraire et gestion des cimetières", devant être entendu comme qualifiant un bien dont la dévolution s’opère hors des règles du droit commun successoral. Il a été repris par plusieurs juristes de renom, qui lui ont donné une qualification juridique identique).

Dans ce cas, et seulement dans cette hypothèse, ce qui est relativement exceptionnel, il convient donc d’attribuer la concession à un seul des époux, contre récompense du prix d’achat à la communauté (Savatier, op. cit., n° 8), encore que cette solution n’ait pas été confirmée concrètement par la jurisprudence, qui, au contraire, dans l’arrêt de la Cour de cassation, civile 1re chambre, 10 novembre 1970, Besnard c/ Lanchemant, Bull. Cour. Cass., 1970, p. 244, a admis que, lorsque deux époux ont acquis ensemble la concession et qu’ils y ont fait inhumer leur fils avant de divorcer, ils ont seuls le droit d’y être inhumés, à l’exclusion de toute personne.

La condition de la concession qui n’est pas devenue sépulture à la suite d’une première inhumation constitue un préalable que la Cour de cassation a largement exploité pour fonder ses décisions. Ainsi, lorsqu’un caveau est dans une telle situation, il peut être mis aux enchères devant le notaire liquidateur d’une communauté, seuls les deux époux étant admis à enchérir : Limoges, 27 mai 1919, basoche, 1919, 211.
- Lorsque le conjoint n’est pas partie au contrat, et bien que la concession ait été acquise au cours du mariage avec des deniers communs, il est généralement admis qu’elle n’entre pas dans la communauté : Bourges, 20 janvier 1913, Le Droit, 12 septembre 1913. Mais l’époux survivant du concessionnaire jouit d’un privilège particulier, car il dispose du droit d’être inhumé aux côtés de son conjoint prédécédé : Bordeaux, 14 mars 1927, Sem. Jur., 1927, 384 ; Lyon, 27 avril 1929, J, not. Art, 36192, Paris 19 janvier 1939, DH, 1939, p. 88, même en présence d’un enfant d’un premier lit, Paris, 24 février 1893, S., 1893 -II-189, que seul le remariage paraît devoir lui faire perdre : Savatier, op. cit., n° 11.

Ces dispositions permettent de consolider le régime juridique applicable aux successions des concessions funéraires, dans la mesure où il se dégage de ces décisions que la concession n’entre pas dans l’actif successoral de la communauté existant entre les époux.

Les droits de chaque héritier d’une concession pour sépulture familiale sont limités par ceux des autres. Il semble légitime d’estimer qu’un héritier dispose d’une quote-part idéale sur la concession, lui permettant de l’utiliser pour lui-même, son conjoint : Bourges, 22 mars 1911, S, 1911, 2, 112 ; Paris, 19 janvier 1939, DH, 1939, 88 ; 5 juillet 1948, D, 1948, 4, 29, ses descendants : tribunal d’instance de Cagnes-sur-Mer, 6 septembre 1972, DS, 1974, 551, note RL, mais ne pouvant sans le consentement des autres cohéritiers y faire inhumer ses propres collatéraux ou alliés : Cass., 12 novembre 1940, DH, 1940, 194, Paris, 5 décembre 1985, D, 1986, IR, p. 104. Il lui est aussi interdit de disposer de son droit en faveur d’un étranger à la famille : Angers, 23 février 1937, Rep, gén. Not., 24930 ; Toulouse, 13 novembre 1973, D, 1974, somm. 36.

Ce droit d’inhumation s’exerce dans la limite des places disponibles. Il en résulte donc une sorte de droit de préférence pour les prémourants sans que l’on puisse objecter qu’une branche de la famille puisse être prioritaire : Marseille, 13 novembre 1901, Rép. Géné. Not., 12357, Amiens, 29 novembre 1960, Caron-Potentier
c/ Potentier-Lambret, Gaz. Pal., 1961, 1, 124.

Cependant, cet avantage attribué au prémourant n’est pas absolu, la cour d’appel de Paris ayant décidé que, lorsque deux frères sont héritiers d’une concession, l’un d’eux pouvait s’opposer à l’inhumation de l’épouse de son frère, car restant deux places dans le caveau, réservées, dans ce cas aux héritiers naturels et de droit au détriment des alliés : Paris, 5 juillet 1948, Moulu c/ Moulu, D. 1948, J, p. 429.

La concession est donc une "propriété collective", encore que ce terme paraisse inapproprié, la concession funéraire n’ouvrant pas de droit à la propriété des sols où elle est implantée, en raison de sa situation sur le domaine public communal, en état d’indivision entre les différentes branches descendantes de l’élément générateur de la famille qu’est le concessionnaire, c’est-à-dire le fondateur, dont la durée est fonction de celle de la concession.

En outre, le droit d’héritier est constitutif d’un droit de participer à la gestion de la concession, en prenant les mesures permettant de garantir son intégrité. Il est important de souligner qu’un co-indivisaire peut, afin d’éviter la mise en œuvre d’un droit de reprise de la concession funéraire qui appartient au conseil municipal et au maire, accomplir des actes d’entretien "conservatoires" sur la concession, notamment le tombeau et le monument funéraire.

En règle générale, l’exercice de ce droit dépend directement des autres cohéritiers, aucun ayant droit ne pouvant modifier la forme ou l’ornementation du tombeau, ni changer l’inscription placée par le titulaire initial : Bordeaux, 27 février 1882, D, 82, 2, 158, Toulouse, 20 mai 1975, D, 1975, Somm. 91. De même, le co-indivisaire qui, de sa propre initiative, accomplit un acte sur la chose commune ne peut obtenir remboursement de la dépense que s’il détenait un mandat des autres cohéritiers, ou s’il a agi en tant que gérant d’affaires de ces derniers ou en vertu d’une autorisation judiciaire : Paris, 31 mars 1968, Thierry (inédit)(1).

Cependant, sur ce point, une évolution a été enregistrée, car il est désormais admis que la concession familiale s’entretient selon les règles de l’indivision, telles que posées à l’art. 815-3 du Code civil. En effet, les actes d’administration de l’indivision successorale nécessitaient, jusqu’à la réforme intervenue par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, l’accord unanime de tous les indivisaires. Cette unanimité conduisait le plus souvent à une mauvaise gestion des biens indivis ou à un recours au juge pour pouvoir passer outre l’inertie d’un indivisaire inactif ou injustement réfractaire. En outre, le Code civil n’incitait pas suffisamment à recourir au mandat, instrument de pacification des rapports et de gestion efficace du patrimoine transmis.
Afin de pallier ces inconvénients, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, portant réforme des successions et libéralités entrée en vigueur le 1er janvier 2007, a assoupli les règles de gestion de l’indivision et a facilité le recours au mandataire.

L’assouplissement des règles de gestion de l’indivision

À partir du 1er janvier 2007, on a distingué les actes ou les décisions qui pourront être pris par un seul indivisaire, de ceux ne demandant que la majorité des deux tiers, et enfin, ceux requérant l’unanimité. Les actes conservatoires, au sein desquels nous inclurons les actes d’entretien sur les tombes afin d’éviter l’exercice du droit de reprise de la commune en cas d’abandon ou de défaut d’entretien. Ces mesures visées par l’art. 815-2 du Code civil peuvent être prises par tout indivisaire.
Jusqu’ici, la jurisprudence exigeait qu’elles soient nécessaires et urgentes. La nouvelle loi ne valide pas la condition jurisprudentielle d’urgence. Un indivisaire peut agir seul, même en l’absence d’urgence. Le nouvel art. 815-2 du Code civil dispose que tout indivisaire qui prend une telle mesure peut employer à cet effet les fonds de l’indivision détenus par lui, et il est réputé en avoir la libre disposition à l’égard des tiers. À défaut de fonds de l’indivision, il peut obliger ses co-indivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.
Art. 815-13 du Code civil : "Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés."
Inversement, l’indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute. A rappeler, le droit à une juste rémunération du gestionnaire de l’indivision : art. 815-12 du Code civil. L’indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l’amiable ou, à défaut, par décision de justice. Il a été jugé que toute plus-value apportée à un immeuble par le travail d’un indivisaire doit profiter à tous les indivisaires, sauf à permettre au gestionnaire d’obtenir une juste rémunération [...] Cour de cassation, 1re chambre civile, 23 juin 2010, pourvoi n° 09-13688.
Chaque indivisaire peut prendre seul, mais pour le compte de tous, les mesures de conservation nécessaires à la concession (art. 815-2 du Code civil). Mais encore faut-il que les travaux correspondent à des actes de pure conservation du bien funéraire indivis. Il a pu être, ainsi, jugé que "la réfection de la sépulture avec des gravures en or présente, par exemple, un caractère somptuaire qui nécessite l’accord de tous les indivisaires" (arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, 22.01.2007). De même, agrandir le caveau ou remplacer la pierre tombale sont des actes d’administration qui dépassent la simple conservation, et requièrent donc l’accord de tous les indivisaires (arrêt de la cour d’appel de Paris, 16.09.2008). En revanche, les actes d’administration et de disposition requièrent le consentement de tous les indivisaires.
Si l’un de ces ayants droit décède sans postérité, sa part sur la concession reviendra aux autres indivisaires réunis en une société civile de fait, malgré l’existence de dispositions testamentaires intéressant particulièrement le sort de la concession.
Dans un même sens, un héritier peut renoncer expressément à l’exercice de son droit ; mais nous persistons à penser, qu’à son décès, ses successeurs pourront prétendre à le retrouver dans leur patrimoine familial, le désistement ne pouvant que produire des effets temporaires, du fait que ce droit étant manifestement en dehors de l’universalité des biens susceptibles d’aliénation ou de dissolution, et qu’il relève de la définition même de la loi : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs."

Or, la volonté du fondateur de la concession, littéralement consacrée par la loi, est de la transmettre à ses enfants d’abord, puis à leur décès à leurs successeurs ; par ce terme, il faut entendre tous les descendants de l’auteur commun, celui qui a donné une affectation familiale à la sépulture, ou éventuellement, en cas d’extinction de la lignée des héritiers par le sang, les héritiers testamentaires. La qualité des successeurs a été à plusieurs reprises affirmée par des réponses ministérielles qui opèrent une distinction entre le concessionnaire initial et ses héritiers, en état d’indivision perpétuelle.

1 - Réponse ministérielle n° 46 115, JOAN 8 juin 1992, p. 2505 :

"Lorsque le titulaire initial d’une concession funéraire privative dans un cimetière décède sans avoir pris de disposition testamentaire expresse à propos de ce bien, ladite concession funéraire passe aux héritiers en état d’indivision perpétuelle. Dans ce cas, chacun des copropriétaires se doit de respecter les droits des cohéritiers. Il reste que la jurisprudence a considéré que, lorsque la concession funéraire est indivise entre plusieurs cohéritiers, chacun d’eux peut, sans l’assentiment des autres, en user pour la sépulture de son conjoint et de lui seul." (cour d’appel de Bourges, 22 mars 1911, Recueil Sirey, IIe partie, p. 112)

2 - Réponse ministérielle n° 46116, JOAN 22 juin 1992, p. 2789 :

"La nature du bien familial qui est reconnue aux concessions funéraires dans un cimetière implique que celles-ci puissent faire l’objet d’une transmission. Elle s’effectue le plus souvent au sein même de la famille du titulaire de la concession funéraire. En l’absence de disposition testamentaire expresse, la concession passe à l’état d’indivision perpétuelle entre tous les héritiers, qui en deviennent alors les co-titulaires. Les collatéraux des titulaires décédés d’une concession funéraire, dans la mesure où ils n’auraient pas de qualité d’héritiers ou n’auraient pas bénéficié d’une donation expresse du bien considéré, n’auraient pas droit à être inhumés dans cette concession funéraire."

3 - Réponse ministérielle n° 29874, JOAN 4 septembre 1976 :

"Le décret du 23 prairial an XII reconnaît au titulaire d’une concession dite de famille le droit de fonder sur son terrain non seulement sa sépulture, mais celle de ses parents et successeurs, et par ce mot "successeurs", il est entendu les personnes qui, n’étant pas parents, succèdent au concessionnaire en vertu de dispositions testamentaires. Aussi, à la liste des personnes qui peuvent être inhumées dans une concession de famille, il convient d’ajouter les successeurs aux biens du concessionnaire (légataire universel ou à titre universel), quand le concessionnaire est décédé sans laisser d’héritiers réservataires."

En conclusion 

Le régime successoral des concessions funéraires est donc exorbitant de celui fixé par le droit commun des successions, en l’occurrence, le Code civil. Il est donc détaché des dispositions applicables aux biens d’une communauté, dès lors que ce serait l’un des deux époux qui serait reconnu par l’administration concédante (la commune ou un EPCI), fondateur de la concession, telles que régies par l’art. 1422 du Code civil, qui dispose : "Les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté…"
Il ne peut, également, être soutenu, qu’en vertu de cet art. 1422 du Code civil, il existerait une présomption de communauté sur la concession funéraire (cf. supra : le droit d’inhumation reconnu au conjoint du concessionnaire, qui n’est pas un droit d’héritier), ou, dans le même sens, qu’en vertu de l’art. 1402 du Code civil, la concession funéraire acquise de son vivant par l’un des deux époux serait réputée bien de la communauté.
En outre, il sera réitéré que l’héritier de la concession indivise peut, si l’état des constructions funéraires ou de la tombe dans son ensemble l’exige, et afin d’éviter la mise en œuvre du droit de reprise attribué à l’autorité concédante, notamment pour défaut d’entretien, considéré comme un acte d’abandon de la sépulture, prendre des mesures conservatoires afin de maintenir les ouvrages en bon état de conservation, sans produire l’accord des autres indivisaires. Il devra, néanmoins, justifier auprès de la commune ou de l’EPCI gestionnaire du cimetière ses droits sur la concession au titre d’héritier (par la production, par exemple, d’un acte de notoriété ou de tout autre document en tenant lieu).

Jean-Pierre Tricon
Auteur du "Traité de Législation et Réglementation Funéraire" Consultant en droit public et droit funéraire

Nota :
(1) L’hypothèse de la gestion d’affaire ou d’autorisations judiciaires suppose naturellement qu’il y ait urgence, péril, risque grave de détérioration (Paris, 21 mars 1968, Ann. Trib. 1968, 336).

 

Résonance hors-série n°4 - Août 2017

 

 

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