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L’actualité vient souvent nous suggérer des sujets d’articles afférents à des problèmes conséquents qui relèvent, tant du droit commun, que de celui du droit funéraire, puisque les cimetières en France, et plus particulièrement ceux situés dans les grandes villes ou métropoles, comportent des constructions fort anciennes, souvent datant du début du XIXe siècle, telles des chapelles, qui sont victimes de l’érosion du temps et d’un manque d’entretien patent, dès lors, et cette hypothèse est courante, que les lignées des descendants directs ou collatéraux du concessionnaire se sont éteintes.

 

Tricon JP 2016
Jean-Pierre Tricon.

Tel fut le cas des deux immeubles construits au XVIIIe siècle dans le quartier populaire de Noailles, au centre de Marseille, qui se sont effondrés le 5 novembre dernier, en raison de l’absence de fondations, avec des murs directement bâtis sur le sol, tel que l’a précisé l’expert, commis par la mairie. Le premier diagnostic de cet expert fut de constater que ce mode de construction supposait qu’aucun élément ne soit en position de faiblesse. Si un mur porteur est défaillant, soit par lui-même, soit par le sol, l’effondrement est, alors, garanti.
De par mon expérience acquise durant près de 25 années à la tête des services funéraires de la Ville de Marseille, d’abord, durant une première période de dix ans en tant que conservateur des cimetières (il en existe 21 à Marseille), puis, de 1993 à 2008, dans les fonctions de directeur général des opérations funéraires, direction regroupant, à partir de 2004 le service administratif des cimetières, ainsi que le service industriel et commercial qu’est la Régie municipale des pompes funèbres, j’ai été amené à être confronté à la triste réalité de la dégradation naturelle par les effets du temps de nombreux monuments funéraires, dont, principalement, des chapelles, souvent, par ailleurs vandalisées et dépouillées des objets de valeur qu’elles recélaient.
Certes, le Code de l’habitation comporte des mesures de nature à combattre les risques d’effondrement de ces bâtisses, lesquels sont susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique des personnes et des biens. Mais nous verrons que, jusqu’à la promulgation de la loi du 19 décembre 2008, ces dispositions législatives étaient relativement longues et difficiles à mettre en œuvre, raison pour laquelle, placé devant la nécessité, en tant que fonctionnaire d’autorité, d’assurer la sécurité et le respect de l’ordre public dans les cimetières marseillais, par délégation du maire, il m’est apparu préférable de privilégier une procédure propre au droit funéraire, celle de la reprise des concessions perpétuelles et centenaires en état d’abandon, qui, bien que s’étalant sur une durée d’au moins trois ans, permet au maire de maîtriser complètement tous les actes de procédure, sans avoir recours au juge civil.
La mise en œuvre de ces procédures de reprises des concessions funéraires en état d’abandon nécessite, au premier chef, la réalisation d’inventaires permanents ou réguliers, afin de dégager les degrés des priorités, en discernant ceux qui pourraient constituer un danger relativement imminent pour la sécurité des personnes, mais aussi des biens.
Partant des constatations de ces inventaires, il est conseillé aux administrateurs de cimetières publics de dégager les priorités et de lancer, le plus rapidement possible, la procédure de reprise des concessions dont les constructions ont été jugées dangereuses, selon les dispositions énoncées dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).
Nous n’aborderons pas, volontairement, dans cet article les mécanismes de ces procédures de reprises des concessions perpétuelles ou centenaires en état d’abandon, souvent traités dans des articles qui paraissent régulièrement dans Résonance, d’autant plus que les différents actes procéduraux sont clairement identifiés et exposés dans le CGCT.
Le but de cet article, outre celui de sensibiliser les gestionnaires des cimetières communaux ou intercommunaux, est de leur conseiller de recourir, le plus souvent possible, à ces procédures de reprises, qui offrent au moins deux avantages, à savoir :
1° L’autonomie accordée à l’autorité municipale pour les conduire, sans faire appel à des aides extérieures (hormis la présence d’une autorité de police compétente lors du premier et du deuxième constat d’abandon) ;
2° Au plan des effets juridiques d’une procédure de reprises conduite à son terme : la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale recouvrent l’intégralité de leurs droits sur la concession qui, de ce fait, n’est plus affectée à la famille du concessionnaire (le fondateur de la concession), mais aussi deviennent propriétaires des constructions, édifices funéraires, pierres tombales ou tumulaires, sans aucune intervention du juge judiciaire, et que ces constructions ou objets s’ils ne sont pas récupérés par les ayants droit, peuvent être, soit détruits, soit revendus par la commune ou l’établissement public, après effacement des inscriptions permettant d’individualiser ou d’identifier leur provenance, notamment la famille qui détenait cette concession reprise.
Certes, ces mécanismes supposent une vigilance permanente et une organisation du service qui, selon les variations politiques, les tailles des communes, et les effectifs restreints ne sont pas toujours aisés à mettre en place. C’est pourquoi, lorsqu’il s’agit d’agir dans l’urgence, le maire ou ses adjoins n’ont pas d’autre solution que de passer par les fourches caudines des procédures que je qualifierai de "droit commun", même si, depuis la loi du 19 décembre 2008, en son art. 21, le législateur a instauré spécifiquement pour les cimetières une procédure de péril applicable aux monuments funéraires, en instaurant un nouvel article, L. 511-4-1, dans le Code de la construction et de l’habitation, qui constitue en fait la transposition de la procédure de péril ordinaire.

Que dit cet art. L. 511-4-1 du Code de construction et de l’habitation ?

"Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité, ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique. Toute personne ayant connaissance de faits révélant l’insécurité d’un monument funéraire est tenue de signaler ces faits au maire, qui peut recourir à la procédure prévue aux alinéas suivants.
Le maire, à l’issue d’une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret, met les personnes titulaires de la concession en demeure de faire, dans un délai déterminé, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au danger ou les travaux de démolition, ainsi que, s’il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les monuments mitoyens.
L’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est notifié aux personnes titulaires de la concession. À défaut de connaître l’adresse actuelle de ces personnes ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière ainsi que par affichage au cimetière. Sur le rapport d’un homme de l’art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d’achèvement, et prononce la mainlevée de l’arrêté.
Lorsque l’arrêté n’a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d’y procéder dans le délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. À défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d’office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.
Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillantes et fait usage des pouvoirs d’exécution d’office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais. Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu’elle s’est substituée aux personnes titulaires de la concession défaillantes, sont recouvrés comme en matière de contributions directes."
Des dispositions réglementaires ont été prises, essentiellement selon le décret n° 2011-121 en date du 28 janvier 2001, afin de fixer les règles afférentes à la mise en œuvre de cette procédure, dont l’art. D. 511-13, qui dispose :
"Lorsque les désordres affectant des monuments funéraires sont susceptibles de justifier le recours à la procédure prévue à l’art. L. 511-4-1, le maire en informe, en joignant tous éléments utiles en sa possession, les personnes titulaires de la concession ou leurs ayants droit et les invite à présenter leurs observations dans un délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois."

Puis la loi renvoie à cinq autres articles réglementaires, codifiés, également, dans le Code de la construction et de l’habitation, sous les numéros D. 511-13-1, D. 511-13-2, D. 511-13-3, D. 211-13-4, D. 511-13-5, dont le contenu est exposé ci-après :

- Art. D. 511-13-1, modifié par décret n° 2017-456 du 29 mars 2017 : "Avant d’ordonner la réparation ou la démolition d’un monument funéraire menaçant ruine en application de l’art. L. 511-4-1, le maire sollicite l’avis de l’architecte des Bâtiments de France dans les cas où ce monument funéraire est :

1° Soit inscrit au titre des monuments historiques en application de l’art. L. 621-25 du Code du patrimoine ;
2° Soit situé dans les abords des monuments historiques définis à l’art. L. 621-30 du même Code ;
3° Soit situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable classé en application de l’art. L. 631-1 du même Code ;
4° Soit protégé au titre des articles L. 341-1, L. 341-2 ou L. 341-7 du Code de l’environnement."
L’avis est réputé émis en l’absence de réponse dans le délai de quinze jours.

Il sera noté que l’article D. 511-13-2, créé par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, en son art. 57, a été abrogé par le décret n° 2017-456 du 29 mars 2017, et que ses dispositions n’ont aujourd’hui plus cours.

- Art. D. 511-13-3, créé par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, en son art. 57, qui prescrit : "L’arrêté de péril pris en application de l’art. L. 511-4-1 est assorti d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à un mois."
- Art. D. 511-13-4, créé, également, par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011, qui dispose : "La créance de la commune sur les personnes titulaires de la concession ou leurs ayants droit née de l’exécution d’office des travaux prescrits en application de l’art. L. 511-4-1 comprend le coût de l’ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l’ouvrage ou celle des monuments mitoyens et les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d’ouvrage public."
- Art. D. 511-13-5, créé, également par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011 : "Les notifications et formalités prévues par les articles L. 511-4-1 et D. 511-13 sont effectuées par lettre remise contre signature."

Commentaires :

On ne peut que constater que la procédure initiée par la loi du 19 décembre 2008, bien que répondant à des intentions louables, pèche par ses exigences, notamment en cas d’impossibilité de joindre, d’identifier ou de retrouver les personnes disposant de droits sur la concession, même si les règles de la notification aux personnes concernées, de l’arrêté du maire constatant l’état de péril des constructions et les obligations imputées aux titulaires de la concession (pour reprendre la formule utilisée par le législateur), à défaut de les connaître, peut donner lieu à un affichage à la mairie de la commune où est situé le cimetière, ainsi que par affichage au cimetière, ce qui valide une notification par défaut (le mode utilisé est quasiment identique à celui afférent aux procédures de reprises des concessions perpétuelles ou centenaires en état d’abandon).
Mais, où cela se complique, c’est qu’il faut faire appel à un homme de l’art qui rendra un rapport, ou à défaut aux services techniques compétents, pour que le maire constate la réalisation des travaux prescrits, ainsi que leur date d’achèvement, et prononce la mainlevée de l’arrêté. Mais, lorsque l’arrêté n’a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure les personnes titulaires de la concession d’y procéder dans le délai qu’il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois.
Or, force est d’admettre que, dans les grandes villes ou celles plus moyennes, où l’anonymat est de règle, l’identification des personnes titulaires de la concession est quasiment impossible, car ce type de procédure de péril ne concerne, en règle générale, que d’anciennes concessions, non entretenues, et manifestement délaissées par des membres de la famille du concessionnaire, soit parce qu’elle s’en désintéresse volontairement (il sera, ici, précisé que la progression de la crémation, notamment dans les communes urbaines, a amplifié ce phénomène), soit parce qu’elle est éteinte.
À défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d’office à leur exécution. Il peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande.
Or, il y a lieu de considérer que cette clause est réductrice au plan de la portée de ces dispositions, car, en définitive, selon l’état des constructions faisant l’objet d’une telle procédure de péril, la solution la plus opportune est la démolition des ouvrages menaçant ruine, et point leur remise en état, qui entraînerait des coûts prohibitifs pour les finances communales, le recouvrement des travaux selon la procédure d’exécution d’office ouverte par ces textes, bien que louable, est quasiment impossible à finaliser par un résultat tangible, l’absence d’identification des débiteurs, entraînant, au terme du délai de quatre ans de la période de prescription dite "déchéance quadriennale" (4 années), l’annulation du titre exécutoire de recette, et l’obligation d’imputer définitivement le montrant des travaux à la commune.
Mais cette démolition prônée nécessite une ordonnance du juge du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, afin de transgresser le droit de propriété que détiennent les titulaires de la concession sur les édifices qui la surmontent (cf. art. 544 du Code civil, qui énonce : "La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements").
Il s’ensuit que cette procédure, avec ses contraintes et ses aléas, n’a pas eu réellement les faveurs des élus locaux, d’autant plus qu’elle existait auparavant, avant que la loi du 19 décembre 2018 ne soit promulguée, grâce au Code de la Construction et de l’Habitation (CCH), de par les règles applicables aux cas de péril ordinaire, et qu’elle n’entrait pas réellement dans la culture des gestionnaires de cimetières et, par voie de conséquence, des élus locaux. Et alors, quid de la procédure de péril imminent qui, selon son étymologie, semble plus contraignante ?

Le péril imminent est traité dans le CCH, dans l’art. L. 511-3, issu dans sa version actuelle de l’ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005, lequel énonce : "En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d’un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l’état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l’imminence du péril s’il la constate.
Si le rapport de l’expert conclut à l’existence d’un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l’évacuation de l’immeuble. Dans le cas où ces mesures n’auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d’office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais.
Si les mesures ont à la fois conjuré l’imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d’un homme de l’art, prend acte de leur réalisation et de leur date d’achèvement. Si elles n’ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l’art. L. 511-2 du CCH."
De par son contenu, cet article semble être destiné essentiellement aux immeubles d’habitation et point aux monuments funéraires menaçant ruine, mais la jurisprudence administrative considère les monuments funéraires comme des immeubles ou des édifices, bien que non destinés à l’habitation (CE 23 juin 1976, Tony : Rec. CE, tables, p. 1038 ; CE 11 juillet 1913, Demoiselle de Chasteignier, Dame Mure et Sieur Favreau c/ Commune de Surgères, req. n° 46078).
En conséquence, la procédure de péril imminent est applicable aux monuments funéraires même si elle n’a pas connu une transposition dans le CCH, en ce qui concerne les monuments funéraires, ce qui laissait à penser que le législateur n’avait pas jugé opportun de l’étendre aux cimetières.
Or, vu l’ancienneté relative des arrêts du Conseil d’État précités, force est d’admettre de par sa loi en date du 19 décembre 2008, le législateur n’a pas jugé opportun de rendre applicable cette procédure aux édifices menaçant ruine dans les cimetières, soit parce qu’il estimait que les mesures de protection du patrimoine individuel étaient suffisantes, soit parce qu’il a désavoué, implicitement, le Conseil d’État, qui aurait donné une interprétation erronée, au sens littéral de l’art. L. 511-3 du CCH.
À noter qu’à Marseille les deux immeubles effondrés situés rue d’Aubagne, en centre-ville, étaient frappés par un arrêté de péril imminent et qu’un expert avait été désigné par le tribunal administratif, sans qu’à l’heure actuelle on sache quelles étaient ses conclusions. Le maire dispose, cependant, en vertu du CGCT, de pouvoirs déliés du CCH, notamment en cas d’une origine des désordres qui serait totalement extérieure au bâtiment (évènements naturels, catastrophe technologique, mouvements de terrains non liés au bâtiment…).

Dans cette hypothèse, le maire devra prendre un arrêté sur le fondement de ses pouvoirs de police générale (art. L. 2212-2 du CGCT) et non sur les articles L. 511-1 et suivants du CCH relatifs au péril. Or, cet article a une connotation, également, avec la police des cimetières et plus particulièrement les mesures à prendre à l’égard de la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, puisqu’il prescrit :

- Art. L. 2212-2 du CGCT, modifié par loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine […]."
Dans de telles conditions, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de la procédure de péril ordinaire instaurée par la loi du 19 décembre 2008 (mais applicable antérieurement en vertu des dispositions du CCH), dès lors que le CGCT attribue des pouvoirs de police précis en cette matière au maire, en vertu du premier alinéa de l’art. L. 2212-2, sus-énoncé. Quelles sont les obligations du maire, sur le fondement de cet article lui octroyant des pouvoirs de police, mais qui se traduisent par autant d’obligations, sachant que cette police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ?

En matière d’édifices et monuments funéraires menaçant ruine, c’est le bon ordre et la sécurité qui primeront

Ainsi, à ce titre, le maire est tenu de mettre en demeure les titulaires de concessions, ou leurs héritiers, d’effectuer les travaux d’entretien lorsque leur état risque de porter atteinte au bon ordre, à la décence, à la sécurité du cimetière. Un défaut de surveillance est de nature à engager la responsabilité de la commune, en cas de ruine d’un monument funéraires (CE, 19 octobre 1966, commune de Clermont ; Rec. CE, p. 550), et l’abstention du maire dans l’exercice de ce pouvoir entraîne une responsabilité administrative (CE, 14 décembre 1959, Doublet).

Mais ces pouvoirs ont également des limites

Ainsi, dès lors qu’un monument menacerait de s’effondrer, le maire ne peut exiger de ses agents qu’ils prennent des dispositions pour relever ou démolir les éléments dangereux, car, si tel était le cas, il commettrait une voie de fait, pénalement et civilement répréhensible, puisque l’atteinte au droit de propriété immobilière n’est possible qu’avec une autorisation spécifique du juge judiciaire, statuant en la forme de référé.
On mesure, ainsi, les limites de ces pouvoirs octroyés sur le fondement de la police générale (art. L. 2212-2 du CGCT), car il ne confèrent aucun pouvoir d’exécution forcée de la décision du maire, généralement un arrêté, qui constitue un acte administratif individuel, la mise en œuvre de mesures plus coercitives relevant du juge, qui se doit, préalablement, de constater la situation et d’autoriser l’exécution de mesures appropriées (TC, 2 décembre 1902, Sté immobilière de Saint-Just, Rec. CE, p. 713).
En outre, ce sera le juge judiciaire qui autorisera l’Administration à user de moyens de coercition, telle l’injonction sous astreinte pour faire appliquer ses décisions. En définitive et pour clore ce débat, il nous paraît opportun de nous ranger aux côtés de la position adoptée par le ministre chargé des Collectivités territoriales, dans le cadre de la réponse à question écrite, n° 18185, du sénateur, M. Jean-Louis Masson, publiée dans le JO Sénat du 14/04/2011 page 920.

Le texte de la question :

M. Jean-Louis Masson attire l’attention de M. le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration sur le cas d’un édifice funéraire situé dans un cimetière et qui est très dégradé, des pierres étant susceptibles de tomber sur les sépultures voisines. Il souhaiterait savoir si le maire peut utiliser une procédure de péril pour mettre le concessionnaire en demeure, et, si oui, selon quelles modalités. Lorsque la sépulture est inscrite à l’inventaire des monuments historiques ou se situe au voisinage d’une sépulture inscrite, il lui demande également selon quelles modalités le maire peut agir.

Texte de la réponse du ministère chargé des Collectivités territoriales, publiée dans le JO Sénat du 29/09/2011, page 2504 :

L’art. L. 511-4-1 du CCH, issu de l’art. 21 de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, a adapté la procédure de péril des immeubles menaçant ruine aux monuments funéraires en créant une police spéciale des monuments funéraires menaçant ruine, exercée par le maire. Sur le fondement de cette disposition : "Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des monuments funéraires lorsqu’ils menacent ruine et qu’ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d’une façon générale, ils n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique." Les modalités de mise en œuvre de cette procédure sont définies par les articles D. 511-13 à D. 511-13-5 du Code précité.
Tout d’abord, le maire fait constater les désordres affectant le monument funéraire et en informe les titulaires de la concession ou leurs ayants droit, qui disposent d’un délai minimum d’un mois pour présenter leurs observations. En cas d’échec de cette procédure contradictoire, un arrêté de péril est pris par le maire, assorti d’un délai qui ne peut être inférieur à un mois, pour contraindre les titulaires de la concession à réaliser les travaux de réparation ou de démolition permettant de mettre fin au danger constaté. Sur le rapport d’un homme de l’art ou des services techniques compétents, le maire constate la réalisation des travaux prescrits ainsi que leur date d’achèvement, et prononce la mainlevée de l’arrêté.
En l’absence d’exécution des travaux prescrits dans le délai fixé par l’arrêté de péril, les titulaires de la concession sont mis en demeure d’y procéder dans un nouveau délai minimum d’un mois. Enfin, une fois ce dernier délai échu, le maire peut faire procéder d’office aux travaux de réparation, ou même demander au juge judiciaire, statuant en référé, l’autorisation de procéder à la démolition du monument funéraire.
Lorsque la commune se substitue aux personnes titulaires de la concession défaillantes et fait usage des pouvoirs d’exécution d’office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais. Les frais de toute nature, avancés par la commune, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Dans le cas où le monument funéraire est inscrit à l’inventaire des monuments historiques ou situé dans une zone bénéficiant d’un régime de protection spécifique, sa réparation ou sa démolition est soumise à l’avis préalable de l’architecte des Bâtiments de France. Il convient de préciser que cette procédure n’est pas applicable aux monuments funéraires érigés sur des sépultures non concédées, pour lesquelles le maire peut faire application des dispositions de l’art. L. 2212-2 du CGCT visant à la préservation du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publics sur le territoire de la commune.
Cette réponse constitue, à notre sens, une synthèse efficiente des dispositions qui ont été exposée dans cet article. Au surplus, il instaure une discrimination positive avec les sépultures sises en terrain commun ou service ordinaire, non concédées à prix d’argent, puisqu’il autorise, de fait et de droit, l’enlèvement des pierres tombales susceptibles de générer un danger pour la sécurité des personnes et des biens.

Jean-Pierre Tricon
Consultant au Cabinet d’avocats Pezet & Associés
Formateur
Co-auteur du Traité de Législation et Réglementation Funéraire

Résonance numéro spécial - Décembre 2018

Instances fédérales nationales et internationales :

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