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Dupuis Philippe 2015La commune et le conflit familial lors de demande d’exhumation : attention à ne pas arbitrer le degré de parenté !

 

Tribunal administratif de Nantes 9 janvier 2019, n° 1606505

À la différence des autres autorisations funéraires, qui sont délivrées à la demande de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, l’autorisation d’exhumation n’est accordée qu’au plus proche parent du défunt (Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), art. R. 2213-40).
Malheureusement, la définition de cette périphrase ne se trouve pas dans le CGCT, et seule l’instruction générale relative à l’état civil Instruction Générale Relative à l’État Civil (IGREC)) du 11 mai 1999 indique (§ 426-7) : "À titre indicatif et sous réserve de l’appréciation de tribunaux, en cas de conflit, l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs."

La jurisprudence énonçait, à la suite, que cette qualité se prouve par tout moyen, et s’accompagne d’une attestation sur l’honneur d’être le plus proche parent du défunt ou qu’aucun autre parent possédant cette qualité ne s’opposera à l’exhumation (voir CE 9 mai 2005, Rabaut, req. n° 262977).

La commune, lorsqu’elle a exigé ces renseignements, était alors normalement protégée de tout conflit ultérieur quant à la qualité de la personne ayant sollicité l’exhumation. L’attestation sur l’honneur pourrait être transmise au procureur de la République à fins de poursuites en cas de faux. La commune n’avait pas plus à vérifier la véracité de cette assertion. En revanche, s’il y a conflit entre plusieurs personnes venant au même degré de parenté relativement à l’exhumation, le maire doit surseoir à celle-ci et demander au juge judiciaire de trancher ce différend.
C’est ce que vient de rappeler le juge administratif par ce jugement, saisi d’une demande d’exhumation d’une propriété privée qui fut l’occasion d’un conflit entre le demandeur, veuve du défunt, et l’opposant à cette exhumation, fils de ce même défunt : "Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de L a, sur le fondement des dispositions citées au point 3, autorisé l’exhumation et la crémation des restes mortuaires de M. O. B. sur la demande de Mme B., en qualité de conjointe survivante non séparée, qui, par la signature d’un formulaire, a attesté être "la seule plus proche parent du défunt".

Toutefois, contrairement à ce qu’a estimé le maire de la commune, M. L. B., eu égard à son lien de filiation avec le défunt, présentait un degré de parenté équivalent à celui de la conjointe survivante non séparée, avec laquelle il partageait la qualité de plus proche parent pour l’application des dispositions précitées du CGCT. Dans ces conditions, informé de l’opposition de M. B. à l’exhumation des restes mortuaires de son père par le courrier du 30 mars 2016, le maire de la commune de L ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles R. 2213-37 et R. 2213-40 du CGCT, autoriser l’exhumation et la crémation de M. O. B., sans attendre que le juge judiciaire ne se prononce sur le litige". Il ne s’agit que de la reprise d’une ancienne position déjà défendue par la CAA de Bordeaux (CAA Bordeaux 5 juin 2008, req. n° 07BX00828).
Dès lors, lorsque existe un conflit familial, le plus proche parent ne peut être contrarié dans sa demande d’exhumation que par une personne venant au même degré de parenté que lui. Ce degré de parenté est une notion sur laquelle la commune ne peut avoir aucune lumière, et l’ordre proposé par l’IGREC ne tient pas, et ne s’impose donc pas à la commune.

Ainsi, tout litige familial, à compter du moment où il oppose des personnes proches (il ne devrait pas s’agir à l’évidence d’un lointain cousin), entraînera nécessairement refus de délivrance de l’autorisation et corolairement saisine du juge du TGI pour résolution du conflit par les parties. Or, on sait que le juge répugne alors à l’exhumation, au motif que les divisions des vivants ne doivent pas perturber le repos des morts.

Il faut alors avoir à l’esprit que le juge judiciaire refusera le plus souvent cette opération autorisée par le maire à la demande du plus proche parent du défunt (consistant à sortir le corps d’une sépulture ou du caveau provisoire en vue de son inhumation dans une autre sépulture) lorsqu’il y a conflit familial. Il exige le plus souvent démonstration du non-respect de la volonté du défunt ou du caractère provisoire de la sépulture (voir CA Riom 26 octobre 1999, JCP G 2000, IV, n° 1709 ; CA Toulouse 7 février 2000, JCP G 2000, IV, n° 2374). Enfin, et du point de vue du juge administratif, le Conseil d’État, dans un arrêt "Houbdine" (CE 13 mai 1910, Houbdine : Rec. CE, p. 391), écarte la possibilité pour le maire de se faire l’interprète de la volonté du défunt.

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

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