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JP-TriconJean-Pierre Tricon.

Par son arrêt N° 11MA01571 la cour administrative d’appel de Marseille vient d’infirmer un jugement du tribunal administratif de cette ville, en matière d’un legs d’une concession funéraire, dont l’auteur était la fondatrice de la concession au profit d’une légataire, étrangère

à sa famille.

 

Les faits brièvement exposés :

 

Le 4 déc. 2008, Mlle G. M. saisissait le tribunal administratif (TA) de Marseille, afin de lui exposer le litige qui l’opposait à M. le conseiller municipal délégué aux opérations funéraires, portant sur la dévolution successorale de la concession centenaire n° 914, sise au cimetière communal de Sainte-Marthe à Marseille, carré 4, rang Pourtour Ouest n° 28, délivrée le 5 mars 1954 à Mme C. F, qui était décédée le 2 avr. 2008.

 

Par acte testamentaire olographe daté du 15 oct. 1978, fait aux Pennes-Mirabeau, Mme C. F. avait expressément "légué son tombeau de Sainte-Marthe, carré 4, rang Pourtour Ouest N° 28 à Mlle G.M, demeurant à Marseille".

 

Ce testament avait été déposé aux minutes d’un notaire de Marseille, par Mlle G. M, et le notaire avait élaboré un projet d’acte de notoriété pour tombeau, soumis à l’appréciation des services municipaux des opérations funéraires et cimetières, qui, par une lettre en date du 13 août 2008, avaient émis un avis circonstancié auprès du notaire instrumentaire, rédigé en ces termes :

"Toutefois, même si le fondateur de la concession détient un droit réel de nature immobilière sur cette sépulture (il faut entendre ici, la concession), il n’en demeure pas moins que ce droit se heurte aux prescriptions de l’art.
L. 2223-13 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui prescrit :

Lorsque l’étendue des lieux le permet, il peut être accordé des concessions aux personnes désireuses d’y fonder leur propre sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs".

La jurisprudence civile, dont plus particulièrement l’espèce Mund/Billot de 1973, a accordé la priorité dans la dévolution de la concession aux héritiers naturels et de droit du concessionnaire, requalifiés héritiers du sang.

 

En outre, la jurisprudence administrative, dont plus particulièrement l’arrêt Demoiselle Méline de 1955 et Consorts Hérail de 1957, est particulièrement restrictive, dès lors que la concession doit demeurer un bien perpétuellement affecté à la famille du concessionnaire.

 

Je ne disconviens pas que le testament dressé en la forme olographe le 15 oct. 1978, déposé dans les minutes de votre étude, attribuait la concession à un tiers étranger à la famille, en l’occurrence Mlle G. M., mais selon nos propres analyses, ce testament ne pouvait écarter manifestement les héritiers naturels et de droit de la concessionnaire, tout autant d’ailleurs que cette concession serait devenue sépulture, ce qui est particulièrement probable, compte tenu de son ancienneté.

 

Pour ma part, j’estime donc que cette dévolution successorale doit faire l’objet d’un concours entre les héritiers du sang et l’héritier testamentaire, et qu’elle se trouve dévolue aujourd’hui non seulement à la légataire particulière, Mme G. M, mais également aux deux neveux de la concessionnaire, M. A. et M. A. F, venant à la succession par représentation de leur mère, Mme A. P, épouse de M. A. F, sœur germaine de la défunte, prédécédée le 13 août 2004.

 

Je vous soumets donc cette analyse à titre conservatoire, afin que vous puissiez en apprécier sa validité et me faire savoir, dans toute la mesure du possible, les arguments qu’il vous serait possible d’exprimer à l’égard de la thèse de l’administration municipale".

 

Le notaire avait dressé le 23 juil. 2008, un nouvel acte de notoriété pour tombeau, consécutif au décès de Mme C. F., fondatrice de la concession centenaire, qui avait été enregistré à la conservation des cimetières ; celui-ci, bien que relatant l’existence des deux neveux de Mme C. F. en tant qu’héritiers naturels et de droit, venant par représentation de leur mère sœur de la de cujus, avait également évoqué le testament par lequel Mme C. F, instituait comme légataire de la concession centenaire, Mlle G. M, en concluant ainsi :

"De sorte que, par suite du décès sus-relaté et du testament énoncé, la concession centenaire dont il s’agit appartient aujourd’hui à :

Mlle G. M… légataire de ladite concession ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, laquelle aura seule le droit de faire toutes inhumations, transferts et réductions de corps, et toutes formalités nécessitées par ces opérations".

 

Il convient de relever que le notaire avait informé l’administration municipale que Mme C. F. avait légué l’universalité de ses biens à ses deux neveux.

 

Pour la ville de Marseille, il ne pouvait exister aucun doute sur les qualités héréditaires de MM. A et A. F. qui réunissaient à l’égard de la transmission de la concession funéraire, la double qualité d’héritiers du sang et d’héritiers testamentaires.

 

Cependant le 22 sept. 2008, Mlle G. M. notifiait à la ville de Marseille le désistement, en sa faveur, des deux neveux de leurs droits sur la concession centenaire créée par Mme C. F.

 

La réponse de la ville de Marseille avait été formulée en ces termes :

 

"La décision de l’administration qui vous est notifiée par la présente, est le rejet de cette déclaration de désistement aux motifs qu’elle est contraire aux dispositions des arrêts du Conseil d’État, du 21 oct. 1955, Demoiselle Méline, et du 11 oct. 1959, Consorts Hérail qui ont déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître les litiges afférents aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle qu’en soit la forme ou la dénomination et pour fixer, sur le fond, les principes du régime juridique applicable aux concessions funéraires.

 

Celles-ci constituent, en effet, des contrats d’occupation du domaine public : ce sont des contrats administratifs, nonobstant la circonstance que cette occupation n’a pas le caractère précaire et révocable, qui s’attache en général aux occupations du domaine public. Ce cadre dominé par le droit public, est donc à l’origine d’un régime juridique spécifique aux concessions funéraires qui le situe aux frontières du droit administratif et du droit civil.

 

C’est ainsi qu’au plan des actes de disposition que le concessionnaire pourrait consentir sur la concession, le Conseil d’État a décidé que celui-ci ne pouvait céder ses droits qu’il tient de son contrat, pas plus par donation ou par legs.

Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation de 1973, Mund contre Billot, les concessions sont dévolues aux héritiers naturels et de droit du concessionnaire, requalifiés d’héritiers du sang.

 

Les héritiers ne possédant qu’un droit personnel d’usage ou de jouissance de la concession, transmis de plein droit à tous leurs descendants directs ainsi qu’à leurs successeurs, ils ne peuvent donc renoncer spécifiquement aux droits qu’ils détiennent sur la concession, car dans le cas contraire, cela aurait pour effet, ultérieurement, de priver leurs descendants directs ou leurs successeurs, de leurs prérogatives successorales.

 

Je précise, enfin, que cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif de Marseille, dans un délai de deux mois succédant sa réception ".

 

Mlle G. M, a saisi, personnellement, le TA de Marseille le 14 oct. 2008, en indiquant "n’avoir d’autre solution que de s’en remettre à votre jugement", saisine contestée quant à sa validité par la commune de Marseille, alors qu’elle entendait entendre par là l’appréciation par le tribunal de la validité du désistement des neveux de Mme C. F, de leurs droits sur la concession centenaire sise au cimetière communal de Sainte-Marthe, à Marseille, et par voie de conséquence définir la nature et la portée des droits transmis par l’effet de son testament en date du 15 oct. 1978, par Mme C. F, au profit de la requérante.

 

Par un jugement en date du 22 mars 2011, le TA de Marseille, dont appel avait été formé devant la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille, la requête de Mlle M. avait été rejetée, le TA étant demeuré fidèle aux grands principes énoncés par la jurisprudence, ceux de la priorité des héritiers naturels et de droit, fondée par leur auteur commun, sur une concession funéraire.

 

Toutefois, dans le recours en appel devant la CAA, les conseils de Mlle M. avaient mis en exergue la formule utilisée par le TA qui avait jugé qu’il ne lui appartenait toutefois pas d’apprécier la validité d’un testament olographe, celui-ci relevant de la compétence de l’ordre judiciaire ; qu’il s’en suivait que les conclusions précitées devaient être rejetées comme formées devant un ordre de juridiction incompétente pour en connaître.

 

Puis, le tribunal administratif, tout en énonçant les termes de l’art. L. 2223-13 du CGCT en vigueur à la date de la décision attaquée, prescrivait :

 

 "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs en y inhumant cercueils ou urnes. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l’inhumation des urnes ou la dispersion des cendres dans le cimetière. Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune", et opérant un rappel des dispositions de l’art. L. 2223-14 du même Code, relatif aux modalités de l’institution par les communes de concessions funéraires, avait dans ses considérants énoncé :

 

"Qu’il résulte des dispositions précitées que le titulaire d’une concession funéraire, qui possède des droits réels immobiliers sur ladite concession, ne peut céder ces droits à titre gratuit ou les léguer qu’au profit d’autres membres de la famille ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que Mlle M. possède un lien familial avec Mme F. et ses héritiers, que dès lors, quels que soient les termes du testament de Mme F, et nonobstant le fait que ses héritiers par le sang aient déclaré renoncer au profit de Mlle M. à leurs droits sur la concession funéraire, celle-ci ne pouvait être dévolue à Mlle M. ; que dans ces conditions, en refusant d’attribuer la concession litigieuse à Mlle M. et en rejetant la déclaration de désistement des héritiers de Mme F. au profit de Mlle M, la commune de Marseille, n’a pas entaché sa décision d’illégalité ni commis un excès de pouvoir".

 

Sur les moyens invoqués par la défense de Mlle M. sur lesquels l’appel était fondé :

 

1° Le TA de Marseille avait commis une erreur manifeste d’appréciation sur la nature, l’objet et les conséquences du recours formé devant lui, par Mlle M., le tribunal étant compétent pour en connaître dès lors que ledit recours était dirigé contre une décision de la commune de Marseille faisant grief, dont l’annulation était sollicitée.

 

En effet en disposant que :

 

"Il n’appartient toutefois pas au tribunal d’apprécier la validité d’un testament olographe qui relève de la compétence de l’ordre judiciaire".

 

Que Mlle M. n’avait jamais demandé dans ses écritures à ce que le TA de Marseille se prononce sur la validité du testament olographe de Mme F., qui n’était nullement contestée, puisque non seulement il était régulier en sa forme, mais qu’en outre les deux neveux du testateur, MM. F. ne l’avaient point contesté, car dans l’hypothèse inverse, Mlle M. aurait dû saisir le tribunal de grande instance de Marseille, compétent pour en connaître.

 

Que, en revanche, force était d’admettre que la décision de la commune de Marseille de rejeter la demande de Mlle M. de lui accorder le seul bénéfice de la concession funéraire, à l’égard de laquelle le tribunal administratif de Marseille devait se prononcer quant à sa légalité, ne résultait point de la validité du testament, mais uniquement de ses effets juridiques.

Or, pour se prononcer valablement et légitimement, sur la demande d’annulation de la décision de rejet de la commune de Marseille, le TA de Marseille se devait, préalablement à l’édiction de son jugement, solliciter de la juridiction de l’ordre judiciaire, dans le cadre d’une question préjudicielle, qu’il se devait d’invoquer, l’appréciation des effets du testament à l’égard de Mlle M. ainsi que des conséquences du désistement des deux neveux, héritiers du sang, de Mme F.

 

Que faute de ne pas avoir soulevé ladite question préjudicielle, la décision du TA, faisant référence uniquement à la validité du testament était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de la cause.

Par ce motif, le jugement du TA de Marseille devait donc être annulé en toutes ses dispositions.

 

À propos de l’invocation de l’existence d’une question préjudicielle, dans son mémoire en appel, Mlle M. faisait valoir : "ainsi le juge judiciaire s’attachera à examiner, d’une part la nature du droit du concessionnaire, puis, d’autre part, à rechercher au travers de la jurisprudence civile de la Cour de cassation, la faculté pour le fondateur d’une concession funéraire de transmettre les droits qu’il détient à un tiers étranger à sa famille".

 

La stratégie de la défense était donc de tenter de ramener devant une juridiction de l’ordre judiciaire, dont en règle générale les jurisprudences civiles sont plus favorables aux requérants, l’évocation de ce litige quant à l’appréciation de la portée du testament olographe instituant Mlle M. en tant qu’héritière de la concession centenaire.

Pour ce faire, était rappelée la nature du droit du concessionnaire, fondateur de la concession, qui ne devait pas être confondu avec les héritiers, qui pouvait valablement tester en faveur d’un tiers, étranger à sa famille, pour recueillir la concession funéraire.

 

Critiquant la position de la commune de Marseille, fondée sur l’art. L. 2223-13 du CGCT qui prescrit que : "lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs… ", selon la ville il découlait de cette disposition législative, mais également selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que la concession demeurait un bien perpétuellement indivis et affecté à la famille du concessionnaire. 

 

En outre la commune avait reconnu dans ses lettres échangées avec le notaire de Mlle G. M. que "le concessionnaire, fondateur de la sépulture, dispose d’un droit réel immobilier, qui lui permet d’accomplir des actes de disposition de la concession, qui doivent cependant respecter la finalité familiale de la sépulture (Cour de cassation, 6 mars 1973). Les héritiers, quant à eux, détiennent un droit personnel d’usage et de jouissance, transmissible de plein droit, en vertu de l’art. L. 2223-13 du CGCT, aux enfants du concessionnaire et à leurs successeurs, mais en aucun cas ils ne disposent d’un pouvoir de décision sur la destination du tombeau".

 

Pour la commune de Marseille, "le fait de laisser l’entière disposition d’une concession à un tiers étranger à la famille n’est pas concevable au vu de la destination familiale de celle-ci. Certes le renoncement par certains membres d’une famille de leur droit à sépulture a déjà été admis par le juge judiciaire (Cass. 1re civ., 17 mai 1993, Bull. civ. 1993, I, n°183, p.125), mais lorsqu’il avait été opéré par d’autres membres de la famille".

 

En réplique, Mlle M. soutenait qu’il "n’échappera pas à la sagacité de Mmes et MM. les magistrats composant le CAA de Céans, que la ville de Marseille assoit ses arguments juridiques sur des positions adoptées par la jurisprudence civile, alors qu’elle ne tire aucune déduction, ni conséquence du fait que ce soit la concessionnaire, fondatrice de la concession centenaire Mme C. F, qui avait testé le 15 oct. 1978 en faveur de Mlle M., en lui léguant la concession".

 

Dès lors la question à laquelle la juridiction de l’ordre judiciaire compétente, devait répondre était la suivante :

 

Mme C. F, fondatrice de la concession centenaire, avait-elle la capacité juridique pour léguer sa concession, exclusivement, à Mlle M. ?

 

Que cette réponse conditionnait le fond du procès en appel, dès lors que les désistements de MM. A et A. F. devraient être validés.

 

À cet égard, dans ses mémoires Mlle M., fondait ses moyens sur :

 

a) Le contenu du droit sur une concession :

 

Une distinction s’impose entre le contenu du droit du concessionnaire, fondateur de la sépulture, et celui de ses successeurs ou héritiers (cf. "Les concessions dans les cimetières", Journal des Communes, 1968, p.251 ; "Cimetières et concessions", journal des Communes, 1974, p. 227).

Le concessionnaire dispose de droits multiples : aménager sa concession, malgré les restrictions apportées par la loi du 19 déc. 2008, il demeure que la liberté de choix des constructions susceptibles d’être édifiées sur la concession, est inviolable (CE, 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne, Rec., p. 153 c/ville de Toulouse), désigner les personnes pouvant être inhumées dans la concession, sachant que pour le juge administratif, le droit à l’inhumation doit être entendu largement, lequel a dénié au conseil municipal le droit de restreindre par délibération la composition familiale (CE, 7 fév. 1913, Mure, S.,1913-III-81, note Hauriou), ou l’arrêt du Conseil d’État, 11 oct. 1957, Hérail, AJDA, 1957, p. 429, conclusions Khan, qui reconnaît aux héritiers du concessionnaire le droit de faire inhumer des personnes étrangères à la famille du concessionnaire, à la condition que l’autorisation donnée ne soit pas liée à une opération lucrative.

 

Le concessionnaire a également le droit de demander le transfert de sa concession en cas de translation du cimetière.

 

b) Le concessionnaire dispose-t-il du droit de transmettre sa concession par l’effet d’un legs particulier ?

 

La transmission par acte onéreux a été très tôt proscrite par la jurisprudence civile, en stipulant que les concessions funéraires sont hors du commerce et ne peuvent faire l’objet d’une cession à titre onéreux (Cass, civ., 23 janv. 1894, S. 1894, 1, 315 ; Cass, civ., 3 juin 1898, S., 1902, 1, 134, et plus près, Cass, civ., 25 mars 1958, Py c/ époux Roger, Bull. Cour Cass., 1958, n° 178,p. 139).

En ce qui concerne les transmissions à titre gratuit, c'est-à-dire les donations ou les legs particuliers, la Cour de cassation a, dans sa décision afférente à l’espèce Mund c/ Billot, (Cour de cassation, 6 mars 1973), ouvert la possibilité de la cession d’une concession à titre gratuit en disposant "qu’aucune disposition légale n’interdit au bénéficiaire d’une concession funéraire d’en faire, avant toute utilisation, une donation par laquelle elle s’en dépouille irrévocablement".

 

En tout état de cause, en demeurant sur le terrain strictement civil, il est manifeste que seul le concessionnaire dispose de la faculté de céder par acte entre vifs, à titre purement gratuit, ses droits sur la concession, à la condition de se conformer aux règles de police, qui lui font obligation de respecter l’ordre public, en ne se livrant pas à une spéculation jugée immorale. 

 

Le concessionnaire a également le droit de solliciter de la commune concédante la rétrocession de sa concession, opération par laquelle il la restitue à la commune, étant cependant précisé que celle-ci n’est pas tenue de l’accepter.

Pour ce qui est du droit des héritiers, il convient de s’attacher à examiner les situations dans lesquelles la succession est ouverte en l’état de la volonté exprimée par le fondateur de la concession, dès lors que ce dernier laisse un testament.

 

Les solutions proposées par les deux ordres de juridictions, administrative et judiciaire, ont évolué dans le temps, pour aboutir à des dispositions qui semblent s’être considérablement rapprochées depuis ces dernières décennies.

 

En effet, au plan du droit administratif, la transmission d’une concession par l’effet d’un legs émanant du concessionnaire ne semble plus faire débat, la décision du TA de Lyon, du 31 août 1973, Bryon, recueil Lebon., p. 807, ayant ouvert une brèche, dans un sens favorable.

 

Dans ce même sens, la jurisprudence civile a jugé "que la volonté du testateur de disposer de la concession devait être manifeste et non douteuse (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 17 avr. 1970, S, 1970, 2, 278, toute difficulté devant être déférée aux tribunaux compétents, à qui il appartient de déceler l’intention du défunt, eu égard aux circonstances : CA, Nantes, 5 déc. 1901, Limoges, 9 fév. 1907, D, 1907, 5 22. Le legs doit être exécuté sans scandale et sans compromettre au-delà des bornes permises les intérêts et droits moraux des héritiers du sang).

 

c) Sur la notion de successeur :

 

Réponse ministérielle n° 29874, JOAN, 4 sept. 1976 :

 

"Le décret du 23 prairial an XII reconnaît au titulaire d’une concession dite de famille, le droit de fonder sur son terrain non seulement sa sépulture mais celle de ses parents et successeurs et par ce mot "successeurs", il est entendu les personnes qui n’étaient pas parents, qui succèdent au concessionnaire en vertu de dispositions testamentaires".

 

Dans ce contexte, force est de constater que Mlle M, appartenait bien à la catégorie des successeurs et que de ce fait les dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT sur lesquelles la commune de Marseille avait assis son argumentaire pour l’exclure de sa qualité d’héritière de la concession, et reprises in extenso par le TA de Marseille, devaient être annulées.

 

d) Sur la définition du droit du concessionnaire

 

Elle est essentiellement d’essence doctrinale, les auteurs (G. D’Abbadie et C. Bourriot in "Code Pratique des Opérations Funéraires", Le Moniteur ; Damien Dutrieux, "La Concession Funéraire" ; Jean-Pierre TRICON, in "Traité de Législation et Réglementation Funéraire", éditeur SCIM-Résonance, s’accordent à reconnaître la supériorité du droit du concessionnaire sur celui de l’héritier, allant jusqu’à, en se fondant sur la jurisprudence civile, le qualifier de droit réel de nature immobilière, qui ne peut être, néanmoins, assimilé à un droit de propriété, car l’assiette de la concession, le domaine public, rend la concession inaliénable et imprescriptible.

 

Par sa décision du 25 nov. 1963, commune de Saint-Just-Chaleyssin, Rec. Lebon, p. 793, conclusions Chardeau, le tribunal des conflits avait considéré que les atteintes aux droits des concessionnaires sont protégées au même titre que la propriété et les libertés fondamentales.

 

En tout état de cause, quelle que soit la définition que l’on puisse donner au droit du concessionnaire, que la jurisprudence civile a progressivement qualifié de droit réel immobilier, le droit du fondateur d’une concession funéraire est très large et en tout état de cause, supérieur à celui des héritiers.

 

e) Sur les effets du droit réel

 

Plusieurs décisions jurisprudentielles avaient qualifié le droit sur une concession funéraire de son fondateur, de droit réel.

 

Il s’agissait d’une évolution assez contemporaine, qui, une nouvelle fois, rapprochait indubitablement le droit administratif du droit judiciaire, cf. :

CAA de Bordeaux, 6 janv. 2009, N° 07BX02269 "une décision portant concession funéraire perpétuelle constitue une décision individuelle créatrice d’un droit réel immobilier au profit de ses bénéficiaires…".

CAA de Douai, 4 oct. 2007, N° 07DA00516 "considérant, toutefois, que les décisions portant attribution de concessions funéraires sont des décisions individuelles créatrices d’un droit réel immobilier au profit de leurs bénéficiaires…".

CAA de Marseille, 31 déc. 2003, N° 00MA00517, "considérant, toutefois, que les décisions portant attribution de concessions funéraires perpétuelles sont des décisions individuelles créatrices d’un droit réel immobilier au profit de leurs bénéficiaires…".

 

Au surplus l’expression des volontés, dans ce cas non équivoques, devait être prise en considération pour apprécier les effets du legs particulier consenti par Mme C. F. au profit de Mme G. M, dans la mesure où possédant un droit réel immobilier, elle pouvait, en sa qualité de fondatrice de la concession, la transmettre par l’effet de ses volontés à une personne, étrangère à sa famille naturelle, dans le strict respect de l’art. 3 de la loi du 15 nov. 1887, dite loi sur la liberté des funérailles.

 

Très important : 

 

Un dernier moyen fut avancé au cours de l’instruction du recours en appel, qui justifiait qu’aucun corps de la famille de la fondatrice de la concession, Mme C.F, tant le sien que ceux de son époux et de ses parents n’avait été inhumé dans la concession léguée, seuls les corps des parents de Mlle G. M. et de son frère, soit trois au total y reposaient, selon attestation délivrée par le conseiller municipal de la ville délégué aux opérations funéraires et cimetières.

 

La décision de la CAA de Marseille, en date du 18 avr. 2013.

 

"Le jugement en date du 22 mars 2011 du TA de Marseille en tant qu’il a rejeté la demande de Mlle M. tendant à l’annulation de la décision en date du 14 oct. 2008 par laquelle la commune de Marseille a rejeté la déclaration de désistement de M. A et M. A F. de leurs droits sur la concession délivrée le 5 mars 1954 à Mme C. F. au profit de Mlle M. et a refusé d’attribuer à cette dernière la concession funéraire léguée par Mme C. F, l’ensemble de cette décision sont annulés".

 

Les fondements juridiques de l’arrêt de la Cour

 

1° Sur la question préjudicielle relative à l’appréciation des effets juridiques du testament de Mme C. F.

 

La Cour a rejeté ce moyen, estimant qu’il n’était pas nécessaire, en l’espèce, de poser une telle question au juge judiciaire pour trancher le litige opposant Mlle G.M. à la commune de Marseille, la juridiction administrative étant seule compétente pour se prononcer sur les litiges relatifs aux concessions funéraires consenties sur le domaine public, dès lors qu’ils ne sont pas relatifs à des atteintes aux droits des concessionnaires présentant le caractère d’une emprise irrégulière ou d’une voie de fait.

 

2° Sur la méprise éventuelle du TA sur le sens de la demande de Mlle G.M. afférente à la validité des dispositions testamentaires, invoquées dans le jugement du TA de Marseille, dont appel.

 

 

La Cour, en se référant au contenu du mémoire introductif d’instance devant le TA de Marseille, présenté par Mlle G. M. a rejeté ce moyen, car il y était mentionné qu’il était demandé aux premiers juges de "déclarer valables les dispositions testamentaires prises par Mme C. F."

 

3° Sur les effets des volontés exprimées par Mme C. F., dans son legs de la concession centenaire au profit de Mlle G.M.

Dans ses considérants, la CAA de Marseille, énonce :

 

"Que compte tenu de la volonté exprimée par la fondatrice de la concession, de l’acte de désistement de ses héritiers et de la qualité de membres de la famille de Mlle G.M. des personnes inhumées dans le tombeau objet de la concession, où ne se trouve aucun membre de la famille de Mme C.F., la commune de Marseille ne pouvait, sans commettre une illégalité, rejeter la déclaration de désistement de M. A et M. A. F (les neveux) de leurs droits sur la concession funéraire dévolue à Mme C. F. au profit de Mlle G. M. et refuser d’attribuer à cette dernière cette concession, alors même qu’elle n’a pas la qualité d’héritier par le sang de Mme C.F."

 

Conclusion

 

La cour administrative d’appel de Marseille, semble avoir assis sa décision, sans motivations abondantes, sur une réalité qu’elle n’a pas explicitée, expressément, mais qui apparaît en filigrane dans son dernier "Considérant", soit l’absence de corps de la famille de la fondatrice de la concession, Mme C. F., auteur du legs particulier au profit de Mlle C. M.

 

Ainsi, sans réellement l’énoncer, la Cour a pu juger que la concession attribuée par la commune de Marseille à Mme C. F. n’était pas devenue la sépulture familiale du fait de l’absence de corps de membres de sa propre famille, y compris d’ailleurs le sien, ayant été personnellement inhumée dans une concession de famille, sise dans le cimetière communal d’une commune voisine de Marseille.

 

Que ce faisant, si l’on se réfère aux dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT, qui prescrit :

"Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs…", la concession délivrée à Mme C. F. ne lui ayant pas servi de sépulture, ainsi qu’à ses successeurs, puisqu’elle n’avait pas d’enfants, n’était pas devenue sépulture familiale, condition qui avait à plusieurs reprises permis, essentiellement aux juridictions civiles, de valider une donation ou un legs en faveur d’un tiers d’une concession funéraire.

 

La condition souvent invoquée par la Cour de cassation pour valider un legs ou une donation, "avant toute utilisation", qui implique que la concession ne doit receler aucun corps, n’était pas dans ce cas réellement satisfaite, puisque avant son décès la concessionnaire avait autorisé l’inhumation des corps des parents de Mlle G. M.

 

En outre, sous certains aspects, cette décision est susceptible d’interpeller le juriste, car la Cour a validé les actes de désistement de leurs droits sur la concession des deux neveux de la concessionnaire, alors qu’ils détenaient bien la qualité d’héritiers par le sang, donc de successeurs, la nature de leur droit, plus personnelle que réelle, ne pouvait obérer les droits futurs de leurs descendants directs, puisqu’il est admis qu’une concession funéraire demeure un bien en indivision entre tous les héritiers et successeurs du fondateur pendant la durée de validité de la concession, dans ce cas précis cent ans, mais qu’ils détiennent, également, le droit de procéder, soit au renouvellement à l’échéance du contrat, mais aussi celui d’opérer une conversion de la concession en concession perpétuelle, puisque la commune de Marseille a bien instauré ce type de concession.

 

C’est pourquoi, nous serons tentés de nous orienter plus vers une décision catégorielle, que vers un revirement de jurisprudence, encore que cet arrêt puisse être invoqué dans d’autres contentieux, la doctrine ayant souvent tendance à se livrer à des exégèses de nature à étendre les effets d’une telle décision à des espèces moins spécifiques et restreintes.

 

Jean Pierre Tricon

 

Instances fédérales nationales et internationales :

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