La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures est, comme trop souvent maintenant, une de ces lois où coexistent, justifiées par une volonté de simplification, qui trop souvent dispense de toute réflexion d’ensemble, des mesures disparates et catégorielles. Trois mesures intéresseront particulièrement le droit funéraire, la première est évidemment l’obligation du devis type, sur laquelle nous ne reviendrons pas, tant elle fut abondamment commentée dans le précédent numéro de cette revue. Il ne faudrait malgré tout pas oublier les deux autres points de cette réforme concernant le droit funéraire. Le premier concerne une nouvelle modalité de possibilité d’obtenir les fonds du défunt nécessaires au paiement de ses obsèques, le second porte sur une énième réforme des opérations de surveillance…

 

Dupuis Philippe fmt
Philippe Dupuis, formateur
en droit funéraire pour
les fonctionnaires territoriaux
au sein des délégations
du CNFP

De nouvelles modalités de paiement des frais d’obsèques : une preuve simplifiée de la qualité d’héritier

Nonobstant les règles concernant les personnes dépourvues de ressources suffisantes, les frais funéraires sont liés normalement à la succession. L’acceptation d’une succession entraîne ainsi naturellement le paiement de ces frais. La renonciation, elle, ne libérera pas nécessairement de ces frais, que, longtemps, la jurisprudence a considérés comme une obligation élémentaire vis-à-vis du mort.

Cette position est désormais codifiée à l’art. 806 du Code civil, issu de la loi n° 728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités. Cet article dispose en effet que : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession ; toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce."

Il faut aussi préciser que, corollairement, le nouvel art. 784 du Code civil prévoit alors que le paiement de ces frais ne vaut pas acceptation tacite de la succession : "Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier. Tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession et que le successible veut accomplir sans prendre le titre ou la qualité d’héritier doit être autorisé par le juge. Sont réputés purement conservatoires :
1° Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent."
Une proposition de loi (prop. L. AN n° 225, 26 sept. 2012 : JCP N 2012, n° 40, act. 878 ; JCP A 2012, n° 40, act. 646) avait proposé de "légaliser" la faculté de prélever ces frais directement sur le compte bancaire du défunt. En effet, la pratique bancaire actuelle – puisque des prélèvements étaient jusqu’alors illégalement opérés – se fondait indirectement sur une instruction de la Direction de la comptabilité publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor public et devenue sans objet depuis le 31 décembre 2001 (date à laquelle les comptables du Trésor ont définitivement mis fin à la gestion de comptes de particuliers). Le Gouvernement a finalement repris cette idée dans son projet, qui allait devenir la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (JO du 27 juillet 2013, p. 12530).
Le Code monétaire et financier (art. 72 de la loi n° 2013-672) a donc été complété à l’époque par un art. L. 312-1-4 selon lequel : "La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie." L’arrêté prévu est paru (arrêté du 25 octobre 2013 relatif au règlement des frais funéraires, NOR : EFIT1325177, JO du 10 décembre 2013) et vient fixer un montant de 5 000 €.
Dans l’hypothèse où la famille refuserait malgré tout de s’acquitter des frais des funérailles, il est aussi possible d’agir contre les biens meubles de la succession, en utilisant le privilège de l’art. 2101-2° du Code civil. Ce puissant outil juridique transforme ainsi celui qui a payé en créancier privilégié de la succession, et doit lui permettre, quel qu’il soit (commune, société de pompes funèbres, ami), d’obtenir son remboursement. La seule exception au paiement des frais est donc désormais le cas de la personne dépourvue de ressources suffisantes.
Le législateur, par cette loi du 16 février 2015, a cru bon de préciser cet art. L. 312-4 du Code monétaire et financier en lui ajoutant les quinze alinéas suivants :

L'art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier est complété par quinze alinéas ainsi rédigés :
"Sous réserve de justifier de sa qualité d'héritier, tout successible en ligne directe peut :
"1° Obtenir, sur présentation des factures, du bon de commande des obsèques ou des avis d'imposition, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite des soldes créditeurs de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des actes conservatoires, au sens du 1° de l'art. 784 du Code civil, auprès des établissements de crédit teneurs desdits comptes, dans la limite d'un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'Économie ;
"2° Obtenir la clôture des comptes du défunt et le versement des sommes y figurant, dès lors que le montant total des sommes détenues par l'établissement est inférieur à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'Économie.
"Pour l'application des 1° et 2°, l'héritier justifie de sa qualité d'héritier auprès de l'établissement de crédit teneur desdits comptes soit par la production d'un acte de notoriété, soit par la production d'une attestation signée de l'ensemble des héritiers, par lequel ils attestent :
"a) Qu'il n'existe pas de testament ni d'autres héritiers du défunt ;
"b) Qu'il n'existe pas de contrat de mariage ;
"c) Qu'ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes figurant sur les comptes du défunt ou à clôturer ces derniers ;
"d) Qu'il n'y a ni procès, ni contestation en cours concernant la qualité d'héritier ou la composition de la succession.

"Pour l'application du présent 2°, l'attestation mentionnée au cinquième alinéa doit également préciser que la succession ne comporte aucun bien immobilier.
"Lorsque l'héritier produit l'attestation mentionnée au cinquième alinéa, il remet à l'établissement de crédit teneur des comptes :
" - son extrait d'acte de naissance ;
" - un extrait d'acte de naissance du défunt et une copie intégrale de son acte de décès ;
" - le cas échéant, un extrait d'acte de mariage du défunt ;
" - les extraits d'actes de naissance de chaque ayant droit désigné dans l'attestation susmentionnée ;
" - un certificat d'absence d'inscription de dispositions de dernières volontés."

On remarquera tout particulièrement qu’on glisse insensiblement de la notion de personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles à celle d’héritier en ligne directe ; or, si le premier ne pouvait obtenir que le remboursement des frais funéraires avancés, le second pourra obtenir, sous les conditions décrites par ces nouveaux alinéas, l’avance de ceux-ci sur présentation du bon de commande émanant de l’opérateur funéraire. Cette modification, dont les motifs sont plutôt à rechercher dans la volonté d’alléger le travail des communes qui continuent de délivrer des certificats d’hérédité, n’en a donc pas moins des répercussions en matière de paiement des obsèques, en instituant un mode de preuve simplifié pour l’héritier lorsqu’il n’y a aucun conflit familial et que la succession est simple.

Réforme de la surveillance des opérations funéraires : la poursuite de l’allégement des opérations

L’art. L. 2213-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) issu de la loi du 19 décembre 2008 limitait le nombre d’opérations funéraires devant être surveillées par les communes :
- fermeture du cercueil lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt,
- fermeture du cercueil dans toutes les hypothèses s’il y a crémation,
- opérations d’exhumation, translation de corps et réinhumation.

Cette liste était limitative, et seules ces opérations donnaient lieu à surveillance obligatoire. La circulaire du 14 décembre 2009, §2 (IOCB0915243C) estimait que les exhumations administratives donnaient lieu à surveillance, même si le juge en était d’accord (cf. CE 26 juillet 1985, Lefèvre, n° 36749), la pratique était des plus rares. La loi de simplification du droit n° 2011-525 du 17 mai 2011 abandonna cette exigence.

Le nouvel article L. 2213-14 CGCT, issu de la loi du 16 février, est désormais le suivant :

Afin d'assurer l'exécution des mesures de police prescrites par les lois et règlements, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu'il y a crémation s'effectuent :
- dans les communes dotées d'un régime de police d'État, sous la responsabilité du chef de circonscription, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par ses soins ;
- dans les autres communes, sous la responsabilité du maire, en présence du garde champêtre ou d'un agent de police municipale délégué par le maire.
"Lorsque le corps est transporté hors de la commune de décès ou de dépôt, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil s'effectuent sous la responsabilité de l'opérateur funéraire, en présence d'un membre de la famille. À défaut, elles s'effectuent dans les mêmes conditions qu'aux deuxième et troisième alinéas."

Les fonctionnaires mentionnés aux deuxième et troisième alinéas peuvent assister, en tant que de besoin, à toute autre opération consécutive au décès.

On formulera les remarques suivantes :
1 - Abandon de la surveillance des exhumations à la demande des familles
Tout d’abord, toute la partie du premier alinéa renvoyant à la surveillance des exhumations à la demande des familles, de réinhumation et de translation de corps a totalement disparu du Code. Ainsi, ces opérations ne donnent plus lieu à surveillance de police et à perception de vacation, lorsque celle-ci était exigible. Cette mesure de simplification pourra toucher tout ce qu’il est loisible de considérer comme une exhumation.
Il est opportun de rappeler que, même si aucune jurisprudence n’existe sur ce point, le Gouvernement penche pour que l’opération de scellement de l’urne soit considérée comme une inhumation (réponse ministérielle no 30827, JOAN Q, 30 août 1999, p. 5178), la logique juridique, en vertu du principe du parallélisme des formes, inclinerait alors à penser que le descellement s’analyse comme une exhumation, et devrait donc être surveillé comme telle, jusqu’à l’intervention de cette loi. Il en allait sans doute de même de l’exhumation de l’urne, puisque l’art. R. 2223-23-3 du CGCT renvoie expressément à l’art. R. 2223-40 pour les urnes en terrain concédé (pour une analyse plus fouillée de la problématique du régime du dépôt d’urne, cf. Philippe Dupuis, "Le columbarium : un imbroglio juridique", Gazette des communes, 29 octobre 2012, pages 54 et s.).

2 - Fermeture de cercueil et transport hors de la commune pour inhumation : pas de surveillance si un membre de la famille est présent
En revanche, est conservée la surveillance des opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu’il y a crémation. Juridiquement, on notera l’ajout du terme "scellement", alors qu’en pratique ces cachets sont systématiquement apposés. Enfin, pour ce qui est de la fermeture de cercueil lorsque le corps est transporté hors de la commune du lieu de fermeture pour être inhumé, ces mêmes opérations de fermeture et de scellement pourront être effectuées uniquement sous la surveillance d’un membre de la famille par l’opérateur funéraire lui-même. Ce n’est que s’il n’y a pas de membre de la famille présent que la surveillance aura lieu dans les mêmes conditions qu’auparavant.

3 - Qui doit surveiller ?
La réforme ne change pas ce point. Les opérations funéraires devant être surveillées le seront par :
- le chef de circonscription de police nationale dans les communes dotées d'une régime de police d'État (cela ne concerne plus uniquement le seul commissaire de police, car de plus en plus de communes à régime de police d'État, notamment depuis la mise en œuvre de la police de proximité, voient les fonctions de chef de circonscription assurées par un lieutenant, un capitaine ou un commandant de police) ;
- le maire dans les autres communes ;
- le préfet de police à Paris (art. R. 2512-35 du CGCT).
Il faut noter enfin que les chefs de circonscription peuvent déléguer leur compétence à tout fonctionnaire de police du corps de maîtrise et d'application de la police nationale. Les maires peuvent aussi déléguer leur compétence aux gardes champêtres ou encore, lorsqu'il en existe, à tout agent de police municipale (art. L. 2213-14 du CGCT). Si la commune n'emploie ni garde champêtre, ni agent de police municipale ou qu'elle ne participe pas à un groupement destiné à mettre en commun un garde champêtre (art. L. 2213-17 du CGCT), un conseiller municipal est désigné par le procureur de la République territorialement compétent.

Attention, traditionnellement, s’il existe une police d’État, la responsabilité liée aux opérations surveillées était une responsabilité du maire au nom de l’État, car ces opérations sont alors placées sous la responsabilité d’un chef de circonscription de cette même police, et ce, quand bien même l’opération serait matériellement effectuée par du personnel municipal. Tandis qu’en l’absence d’une telle police, la compétence étant strictement dévolue au maire par les textes, c’est alors lui qui en prend l’entière responsabilité.

Cette responsabilité sera sans doute à rechercher sur le terrain de la responsabilité pour faute avec exigence d’une faute simple (CAA Marseille, 16 janvier 2006, commune de Marseille, req. n° 04MA00061). Néanmoins, l’adoption de cette réforme, tout particulièrement dans l’hypothèse de l’exhumation, transférera cette responsabilité systématiquement au maire, puisque l’État ne surveillera plus ces opérations. De même, l’opérateur funéraire pourrait en théorie devenir responsable lorsqu’en présence de la famille il assure la fermeture du cercueil. Gageons néanmoins que cette responsabilité ne sera que théorique puisque justement la présence d’un membre de la famille pourvoira à ce qu’aucune erreur ne soit commise.

Philippe Dupuis

 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations