Les communes se posent toujours la question de leur possibilité d’agir à l’encontre de monuments funéraires dangereux ; c’est l’occasion de rappeler l’existence d’un pouvoir de police spécifique du maire.

 

Dupuis Philippe 2015
Philippe Dupuis.

Une police applicable aux monuments funéraires

La police des édifices menaçant ruine est une police spéciale, distincte de la police municipale générale, elle poursuit des buts semblables à la police générale des articles L. 2122-2 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), mais utilise d’autres procédures que ce pouvoir de police administrative générale ne pourrait prescrire. Les articles L. 511 à L. 511-4 du Code de la construction et de l’habitation réservent l’application de cette législation à des cas bien précis :

- Il doit s’agir d’un bâtiment, d’un édifice ou d’une construction ;
- Il doit y avoir péril pour la sécurité publique.

Cette législation est applicable aux monuments funéraires qui sont des édifices quoique non dévolus à l’habitation (CE, 23 juin 1976, Tony. Rec. CE, tables, p. 1038 ; CE 11 juillet 1913, Delle de Chasteignier, Dame Mure et Sieur Favreau c/ Cne de Surgères, req. n° 46078, Code pratique des opérations funéraires, 2e édition p. 958). D’ailleurs, la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire est venue créer spécifiquement un article dévolu aux monuments funéraires (L. 511-4-1 du Code de la construction et de l’habitation) pour permettre d’agir sur les monuments dont l’état pourrait constituer un péril.

Ce nouvel article n’est que le décalque de l’art. L. 511-1 du Code de la construction et de l’habitation (exception faite de la seule possibilité de faire constater par les services techniques la réalisation des travaux prescrits), c’est-à-dire de la procédure de péril, certes, mais non imminent. La nouvelle procédure doit donc pouvoir faire l’objet d’un concours de procédure avec celle plus générale des édifices menaçant ruine. Par contre, il n’existe pas de procédure spécifique quant au péril imminent. Et c’est la procédure usuelle qui devra être employée.

Caractéristique de l’édifice

Il faut donc qu’il y ait un immeuble et que cet immeuble soit bâti, ce qui exclut dans la jurisprudence les emplacements de concessions vierges de construction, les terres de remblais, les allées. Notons par exemple que, pour la cour d’appel de Paris (26 nov. 19465 JCP G 1947, II, 3444), un bâtiment est un "assemblage de matériaux réalisé artificiellement de façon à procurer une union durable [entre ces matériaux]".

Un édifice peut être dangereux sans être dégradé et abandonné. Il en a été jugé ainsi par le Conseil d’État (CE 19 octobre 1966, Cne de Clermont, req. n° 63268, Code pratique des opérations funéraires précité p. 959). Un immeuble en cours d’édification ou l’élément d’une construction inachevée pourront aussi, le cas échéant, constituer des édifices en état de péril (CE, 15 janv. 1986, Haas, req. n° 59166).

La jurisprudence assimile à l’immeuble des éléments qui y sont incorporés tels que balcons, corniches, cheminées, tuyaux d’évacuation des eaux des toitures, etc. (CE, 19 févr. 1937, Dlle Chateau : Rec. CE, p. 291). Les éléments tels que croix, stèles et autres objets fixés pourraient donc faire l’objet d’une telle procédure.

En revanche, le Conseil d’État a décidé que la législation des immeubles menaçant ruine ne pouvait s’appliquer au cas d’un arbre dont la chute éventuelle menaçait la sécurité publique (CE, 20 janv. 1956, préfet de police c/ Brionnet : Rec. CE, p. 25). Le maire devra donc continuer d’utiliser la police spéciale du L. 2213-9 du CGCT pour lutter contre les problèmes pouvant être causés par des arbres menaçant de tomber dans le cimetière.

Le plus souvent, les causes de la ruine de l’immeuble sont le défaut d’entretien, les vices de construction de l’édifice. Dans ces divers cas, les articles L. 511-1 à L. 511-4 du Code de la construction et de l’habitation s’appliquent.

Il est également tout à fait possible selon la jurisprudence que le péril trouve son origine dans l’intervention d’un tiers, par exemple un véhicule percutant un monument, ou les travaux dans une concession voisine qui provoqueraient un dommage sur un monument contigu et sans que cela dégage de sa responsabilité le propriétaire voisin (CE, 7 mars 1986, Mme Buzio-Lemercier, req. n° 58684).

Si la chute du bâtiment ne peut causer aucun dommage aux biens et aux personnes, à l’ordre public, le maire ne pourra intervenir (CE, 28 mai 1975, Sté des briqueteries Lepage : Rec. CE, p. 315. – 23 févr. 1976, Manouvrier : Rec. CE, p. 129). L’arrêté, s’il a été pris, doit alors être repporté ou annulé (CE, 8 nov. 1963, Dame Hugonin, req. n° 46116). Le danger créé par l’immeuble doit être réel et actuel (CE, 8 janv. 1997, Huggenschmitt, req. n° 163927). On doit comprendre que la ruine de l’édifice est certaine et non hypothétique (CE, 28 avr. 1965, Chéreau : Dr. adm. 1965, n° 175 ; JCP G 1966, et N, II, 14525, note Moreau ; Rec. CE, p. 243).

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire
pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

Résonance numéro spécial - Décembre 2018

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