Agir contre les monuments funéraires en mauvais état : l’emploi de la police administrative générale.

 

Dupuis Philippe 2015Monuments funéraire : l’utilisation de la police administrative générale reste possible

Dans les deux précédentes éditions de cette revue, nous avons évoqué la police des édifices menaçant ruine et son application aux monuments funéraires en mauvais état. Néanmoins, même si elle constitue à notre sens le meilleur moyen d’intervention, il importe de rappeler que toute intervention des services municipaux sur le monument et visant à le "coucher" peut être constitutive d’une voie de fait engageant la responsabilité de la commune. Il peut être utile d’employer les pouvoirs de police administrative générale du maire puisque la loi du 19 décembre 2008 inséra à l’art. L. 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) que cette police administrative générale comprend : 
"1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine" […]
Néanmoins, le recours à ces pouvoirs de police n’est pas très efficace en cas de carence du concessionnaire ou de ses héritiers. En effet, le fait pour le maire, comme pour toute autre autorité de police, d’exécuter soi-même les prescriptions d’un arrêté de police pris sur le fondement de la police administrative générale de l’art. L. 2212-2 du CGCT est constitutif d’une exécution d’office, normalement proscrite et réprimée comme telle (TA Lille 13 novembre 2012, req. n° 1002567).

Le danger grave et imminent : la possibilité d’agir sans formalisme

Il existe néanmoins une exception à ce principe. L’art. L. 2212-4 du CGCT énonce en effet que : "En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’art. L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances." L’utilisation de l’art. L. 2212-4 du CGCT permet, par exemple, d’ordonner la réalisation d’office de travaux à la condition stricte d’être confronté à un danger grave et imminent qui autorise expressément à prescrire "l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances", sous réserve d’en informer d’urgence le représentant de l’État dans le département.
Cette formulation permet alors au maire d’agir au mieux pour résoudre une dangerosité immédiate. Cette disposition est la seule qui, hors texte précis, permet en toutes circonstances au maire de réagir sans formalisme excessif à une situation de danger immédiat. Il faut de plus appliquer cette procédure lorsque le danger qui menace l’immeuble est extérieur à celui-ci.
En effet, le juge a récemment réaffirmé que "les pouvoirs ainsi reconnus au maire, qui s’appliquent dans l’hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure, sont distincts des procédures de péril ou de péril imminent […] qui doivent être mises en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres" (Conseil d’État, 27 juin 2005, Ville d’Orléans, req. n° 262199).
Néanmoins, le Conseil d’État, dans un arrêt du 10 octobre 2005, permet même que : "En présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées." (CE, 10 octobre 2005, Commune de Badinières c/ Arme, req. n° 259205) 
Ainsi, l’urgence exonère la commune de l’application du bon texte. Dans le cas de cet arrêt, le maire a pu valablement utiliser ses pouvoirs de police générale pour abattre un immeuble dangereux, alors que le recours à la procédure des édifices menaçant ruine aurait été normalement plus approprié. Dans le même esprit, la commune pourra être dispensée de toute mise en demeure, ou bien sera autorisée à pénétrer dans une propriété privée (CE ass. 24 janvier 1936, Mure, Lebon 105 ; CE sect., 29 avril 1949, Dastrevigne, Lebon 185). Le juge acceptera même que le maire ne prenne aucun arrêté et se contente d’ordres verbaux.
Si le maire renâcle à utiliser ces pouvoirs, c’est ainsi le plus souvent en raison de l’imputation financière des frais engendrés, dont on pourrait penser que, relevant de l’exercice des pouvoirs de police administrative, ils restent à la charge de la commune. Il convient néanmoins de remarquer qu’il est possible d’exercer une action récursoire. En effet, la Cour de cassation a déjà estimé que : "Lorsque le maire d’une commune fait exécuter des travaux sur une propriété privée pour prévenir un danger grave ou imminent, la charge financière de ces travaux est supportée par la commune sauf tels recours que de droit de celle-ci contre le propriétaire en raison de faits qui seraient de nature à engager la responsabilité de ce dernier." (Cour de cassation, 1re civ., 28 novembre 2007, Commune de Meyreuil, n° 06-19405)

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes,
formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.

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