Si la transmission de la concession peut intervenir du vivant de son titulaire ou après sa mort, il convient, au préalable, de rappeler que la sépulture est hors du commerce au sens de l’art. 1128 du Code civil et ne peut dès lors faire l’objet d’une convention (Cass. civ., 11 avril 1938, DH 1938, p. 321. - les mêmes principes s’appliquent d’ailleurs à la sépulture située sur une propriété privée, CA Amiens, 28 octobre 1992, JCP N 1993, II, p. 383, note J. Hérail).

 

 

 

La donation d’une concession funéraire

 

De son vivant, le concessionnaire peut tout d’abord donner la concession. Outre un acte de donation établi devant notaire (art. 931 du Code civil), un acte de substitution devra être conclu entre l’ancien concessionnaire (le donateur), le maire et le nouveau concessionnaire (le donataire). Le maire ne peut refuser l’opération que pour des moyens tirés de l’ordre public (Rép. min. n° 47007, JOAN Q, 26 oct. 1992, p. 4920). Il convient de préciser que la donation ne peut intervenir au profit d’un étranger à la famille que si la concession n’a pas encore été utilisée (Cass. 1re civ., 23 oct. 1968, JCP N 1969, II, 15715. - Cass. 1re civ., 6 mars 1973, JCP N 1973, II, 17420. – voir également, TA Lyon, 31 août 1973, Bryon et a., Rec. CE 1973, p. 807. - TA Nice, 24 mars 1989, Fremont, RJTCA 1990, p. 63. - Rép. min. n° 11263, JO Sénat Q, 27 juin 1991, p. 1329. - Rép. min. n° 28641, JOAN Q, 5 août 1991, p. 3165). Si des inhumations ont déjà été pratiquées dans la concession, seul un membre de la famille - même s’il n’est pas l’héritier du concessionnaire - peut recevoir la donation.

 

En principe une concession déjà utilisée, même si les corps ont été exhumés et qu’elle ne contient dès lors aucun corps, ne peut être donnée à un étranger à la famille (ce principe s’explique par le fait qu’un tombeau ne devient sépulture de famille que par la première inhumation qui y est faite ; voir R. Savatier, note ss Cass. 1re civ., 23 oct. 1968, Defrénois 1969, art. 29275, p. 325).


La dévolution successorale d’une concession funéraire

 

La concession peut également être transmise par voie de succession (voir notamment D. Dutrieux, "Opérations funéraires", JurisClasseur Administratif, fasc. 150-30, § 174 et 175 ; E. Aubin et I. Savarit-Bourgeois, "Cimetières, sites cinéraires et opérations funéraires", coll. "Les indispensables", 6e éd., Berger-Levrault 2011, p. 655-656). On distingue traditionnellement la dévolution de la concession en présence d’un testament ou ab intestat. Dans le premier cas, le concessionnaire pourra instituer un légataire et lui attribuer expressément la concession (il convient d’effectuer la même distinction que pour la donation : le légataire ne peut être un étranger à la famille que dans le cas d’une concession non encore utilisée). Il lui sera également possible de désigner, parmi ses héritiers, celui auquel reviendra la concession et le droit de désigner les personnes qui pourront y être inhumées. Dans l’hypothèse où le concessionnaire décède sans testament (ou sans aucune mention expresse de la dévolution de la concession dans celui-ci) s’instaure, contrairement aux règles générales de la dévolution successorale, une indivision perpétuelle (l’art. 815 du Code civil - selon lequel "nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision" - n’est pas applicable aux concessions funéraires ; la concession échappe au partage : voir notamment CA Lyon, 7 nov. 1949, Drevard c/ Ode, Sirey, 1950, 1, p. 63) entre ses héritiers (le conjoint survivant jouissant seulement d’un droit à être inhumé dans la concession, sauf s’il était cotitulaire de la concession).

Dès lors, les droits attachés à la concession seront transmis de façon indivise, ce qui implique que toute décision sur la concession doit recevoir l’accord de l’ensemble des indivisaires. Cependant, chacun des indivisaires jouit d’une vocation à être inhumé dans la concession. Le nombre de places étant limité, il y aura, en pratique, une partie des indivisaires inhumés dans la concession et d’autres non, dans l’ordre des décès. L’un des indivisaires peut cependant renoncer à ses droits au profit des autres (Cass. 1re civ., 17 mai 1993, Bull. civ. 1993, I, n° 183).

 

Des exceptions très limitées

 

Il s’avère que deux auteurs (M.-T. Viel, "Droit funéraire et gestion des cimetières", coll. "Administration locale", 2e éd., Berger-Levrault 1999, p. 314 ; M. Perrier-Cussac, "Les droits du titulaire d’une concession funéraire" : JCP, éd. N., 1990, Doctrine p. 343) évoquent trois jurisprudences semblant admettre, à titre dérogatoire, un legs particulier d’une sépulture à un tiers en l’absence d’héritier (tribunal civil de Limoges, 9 fév. 1907, DP 1907, V, 22 ; cour d’appel d’Agen, 23 juin 1909, DP 1910, II, 18 ; Cass. civ. 22 avr. 1963, Rev. trim. de droit civil 1964, p. 154).

 

Selon ces décisions :
- Tout d’abord, si est reconnue valable la transmission par testament de la concession à un étranger à la famille, c’est néanmoins sous une importante réserve puisqu’il est précisé : "…Alors du moins, que le tombeau litigieux n’a pas le caractère d’une sépulture de famille", étant précisé qu’en l’espèce le testament était daté du lendemain du jour où la concession avait été acquise (tribunal civil de Limoges, 9 fév. 1907, Denis c/ veuve Villatte, DP 1907, V, 22). Si l’acte de concession prévoit expressément son caractère familial, cette solution n’est évidemment pas transposable.
- Ensuite, la cour d’appel d’Agen indique "que le droit de laisser son tombeau à celui qu’on a choisi pour son légataire universel, ne saurait être contesté quand l’arrêté de concession ne s’y oppose pas" (cour d’appel d’Agen, 23 juin 1909, Demoiselles Pouech c/ Lucie, DP 1910, II, 18). Or, le plus souvent, en pratique, l’arrêté de concession - ou le règlement du cimetière - contient des dispositions sur la transmission.
- Enfin, dans l’arrêt de la première section civile de la Cour de cassation du 22 avr. 1963 (Rev. trim. de droit civil 1964, p. 154, note R. Savatier), le legs avait été fait au profit d’un cousin (et donc ce n’était pas un étranger à la famille !) et le contentieux portait davantage sur le droit à l’inhumation de tiers - et la possibilité d’en obtenir l’exhumation - que sur le problème posé ici.

Certes, la Cour de cassation a affirmé (Cass. 1er juil. 1970, Marre c/ Séguy : Dalloz 1970, p. 672) que la concession ne se transmet pas au légataire universel s’il reste des héritiers naturels ; mais peut-on considérer que s’entend ici, alors que la Cour prend soin de mentionner dans son affirmation l’expression "en principe", un raisonnement a contrario, alors que la même Cour a posé, trois ans plus tard un principe qui, également interprété a contrario viendrait prohiber toute transmission à un tiers d’une concession funéraire (Cass. 1re civ., 6 mars 1973, JCP N 1973, II, 17420) ?

Le juge administratif a tout de même admis un legs universel au profit du conjoint, legs englobant la concession mais, d’une part, les héritiers avaient exprimé leur accord, et, d’autre part, le juge administratif n’est nullement le juge a priori compétent pour ce type de contentieux (TA Nice, 24 mars 1989, Fremont, RJTCA 1990, p. 63).

Ainsi, l’analyse de l’état du droit positif ne semble pas permettre aux bénéficiaires du legs particulier de pouvoir revendiquer la concession funéraire.

 

Damien Dutrieux,Damien-Dutrieux-signature
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.

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